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de tous les entretiens,& même des plus paffionnés. Il ne faut jamais faire parler les hommes autrement qu'ils ne parleraient eux-mêmes. C'est une regle général qu'on ne peut trop répéter.

C'eft une très-grande négligence de ne point finir la phrase, fa période, & de fe laiffer interrompre, fur-tout quand le perfonnage qui interrompt eft un fubalterne, qui manque aux bienféances en coupant la parole à fon fupérieur. Thomas Corneille eft fujet à ce défaut dans toutes fes pieces. Au refte ce défaut n'empêchera jamais un ouvrage d'être intéreffant & patétique mais un Auteur foigneux de bien écrire doit éviter cette négligence.

L'art du Dialogue exige qu'on réponde précifement à ce que l'Interlocuteur a dit. Ce n'eft que dans une grande paffion, dans l'excès d'un grand malheur, qu'on doit ne pas obferver cette regle: l'ame alors eft toute remplie de ce qui l'occupe, & non de ce qu'on lui dit ; c'eft alors qu'il eft beau de ne pas bien répondre.

Le mérite de bien dire peut feul donner du prix à ces Dialogues, où l'on ne peut dire que des chofes communes. Que ferait Aricie, que ferait Atalide, fi l'Auteur n'avait employé tous les charmes de la diction pour faire valoir un fonds médiocre? C'eft là ce que la Poëfie a de

plus

plus difficile, c'eft elle qui orne les moindres

objets.

>>Qui dit fans s'avilir les plus petites chofes,

»Fait des plus fecs chardons des œillets & des rofes Intenui labor, at tenuis non gloria.

On tutoyait du tems de Corneille au théâtre. Le tutoyement qui rend le difcours plus ferré, plus vif, a fouvent de la nobleffe & de la force dans la Tragédie; on aime à voir Rodrigue & Chimene l'employer. Remarquez cependant que l'élégant Racine ne fe permet gueres le tutoye, ment que quand un pere irrité parle à fon fils, ou un maître à un confident, ou quand une amante emportée se plaint à son amant.

Je ne t'ai point aimé, cruel, qu'ai-je donc fait

Jamais Moliere n'a fait tutoyer les amans. dit:

Hermione,

Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée ? Phedre, dit:

Et bien connais donc Phedre & toute fa fureur ! Mais jamais Achille, Orefle, Britannicus, &c. ne tutoyent leurs maîtreffes. A plus forte raison cette maniere de s'exprimer doit-elle être bannie de la Comédie, qui eft la peinture de nos mœurs. Moliere en fait ufage dans le Dépit Amoureux, mais il s'est ensuite corrigé lui-même.

Les mots de Madame & de Seigneur ne font que des complimens Français. On n'employa jamais chez les Grecs ni chez les Romains la valeur de ces termes. C'est une remarque qu'on peut faire fur toutes nos Tragédies. Nous ne nous fervons point des mots Monfieur, Madame dans les Comédies tirées du Grec; l'ufage a permis que nous appellions les Romains & les Grecs, Seigneur, & les Romaines, Madame; usage vicieux en foi, mais qui ceffe de l'être, puifque le tems l'a autorifé.

§. IV.

Du Monologue.

On pardonne un Monologue qui eft un combat du cœur, mais non une récapitulation historique.

Ces avertiffemens au Parterre (où l'Acteur annonce ce qu'il doit faire), ne font plus permis; on s'eft apperçu qu'il y a très-peu d'art à dire: Je vais agir avec art.

Cette faute de faire dire ce qui arrivera, par un Acteur qui parle feul, & qu'on introduit fans raifon, était très-commune fur les théâtres Grecs & Latins : ils fuivaient cet usage, parce qu'il eft facile. Mais on devait dire aux Ménandres, aux Ariftophanes, aux Plautes: furmontez la diffi

.

culté, inftruifez-nous du fait fans avoir l'air de nous inftruire: amenez fur le Théâtre des Perfonnages néceffaires, qui ayent des raisons de fe parler; qu'ils m'expliquent tout fans jamais s'adreffer à moi; que je les voie agir & dialoguer, finon, vous êtes dans l'enfance de l'art.

A mesure que le Public s'eft plus éclairé, il s'eft un peu dégoûté des longs Monologues. Jamais un Monologue. ne fait un bel effet, que quand on s'intéreffe à celui qui parle, que quand fes paffions, fes vertus, fes malheurs, fes faibleffes font dans fon ame un combat fi noble, fi attachant, si animé, que vous lui pardonnez de parler trop long-tems à foi-même.

LIVRE IV.

CHAPITRE PREMIER.

De la Tragédie.

JE fuis éloigné de prétendre donner une Poëtique fur la Tragédie; je fuis perfuadé que tous ces rifonnemens délicats, tant rebattus depuis quelques années, ne valent pas une Scène de génie, & qu'il y a bien plus à apprendre dans Polyeucte & dans Cinna que dans tous les préceptes de l'Abbé d'Aubignac. Sévére & Pauline, font les véritables maîtres de l'art. Tant de Livres faits fur la peinture par des Connciffeurs, n'inftruiront pas tant un Eléve, que la feule vue d'une tête de Raphaël.

Les principes de tous les arts, qui dépendent de l'imagination, font tous aifés & fimples, tous puifés dans la nature, & dans la raifon. Les Pradons & les Boyers, les ont connus auffi-bien que les Corneilles & les Racines; la différence n'a été & ne fera jamais que dans l application.

De tous les Arts que nous cultivons en France,

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