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ampoulés, avec une fureur & une impétuofité, qui eft au beau naturel, ce que des convulsions font à l'égard d'une démarche noble & aifée.

Cet air d'empreffement femblait étranger à la nation Anglaise; car elle eft naturellement fage, & cette fageffe eft quelquefois prise pour de la froideur par les Etrangers. Les Prédicateurs Anglais ne fe permettent jamais un ton de Déclamateur. On rirait à Londres d'un Avocat qui s'échaufferait dans fon plaidoyer. Les feuls Comédiens étaient outrés. Nos Acteurs, & furtout nos Actrices de Paris avaient ce défaut, Ce fut Mile le Couvreur qui les en corrigea.

Ce même changement que Mlle le Couvreur avait fait fur notre fcène, Mlle Cibber l'a introduit fur le théâtre Anglais dans le rôle de Zaïre. Chofe étrange que dans tous les arts ce ne foit qu'après bien du tems qu'on vienne enfin au naturel & au fimple! Une nouveauté qui paraîtra plus finguliere aux Français, c'est qu'un Gentilhomme Anglais qui a de la fortune & de la confidération, n'a pas dédaigné de jouer fur le théâtre de Londres le rôle d'Orofmane. C'était un fpectacle affez intéreffant de voir les deux principaux Personnages remplis, l'un par un homme de Condition, & l'autre par une jeune

N

Actrice de dix-huit ans, qui n'avait pas encor récité un vers en fa vie.

Cet exemple d'un Citoyen, qui a fait usage de fon talent pour la déclamation, n'eft pas le premier parmi la nation Anglaife. Tout ce qu'il y a de furprenant en cela, c'eft que nous nous en étonnions.

Nous devrions faire réflexion, que toutes les chofes de ce monde dépendent de l'usage & de l'opinion. La Cour de France a danfé fur le Théâtre avec les Acteurs de l'Opéra ; & on n'a rien trouvé en cela d'étrange, finon que la mode de ces divertiffemens ait fini. Pourquoi fera-t-il plus étonnant de réciter que de danser en public? Y a-t-il d'autre différence entre ces deux arts, finon que l'un eft autant au-deffus de l'autre, que les talens où l'efprit a quelque part, font audeffus de ceux du corps? Je le repéte encor, & je le dirai toujours, aucun des beaux Arts n'eft méprisable, & il n'eft véritablement honteux que d'attacher de la honte aux talens.

L'art de la Déclamation demande à la fois tous les talens extérieurs d'un grand Orateur, & tous ceux d'un grand Peintre. Il en eft de cet art comme de tous ceux que les hommes ont inventé pour charmer l'efprit, les oreilles & les yeux; ils font tous enfans du génie, tous deve

nus néceffaires à la fociété perfectionnée; & ce qui eft commun à tous, c'eft qu'il ne leur eft pas permis d'être médiocres. Il n'y a de véritable gloire que pour les Artiftes qui atteignent la perfection; le reste n'eft que toleré.

Un mot de trop, un mot hors de fa place, gâte le plus beau vers ; une belle pensée perd tout fon prix, fi elle est mal exprimée ; elle vous ennuie, fi elle eft répétée de même des inflexions de voix, ou déplace u peu juftes, ou trop peu variées, dérobent au récit toute fa grace. Le fecret de toucher les cœurs, eft dans l'affemblage d'une infinité de nuances délicates, en poésie, en éloquence, en déclamation, en peinture; & la plus légere diffonance en tout genre, eft fentie aujourd'hui par les Connaiffeurs; & voilà peut-être pourquoi l'on trouve fi peu de grands Artiftes, c'eft que les défauts font mieux fentis qu'autrefois.

CHAPITRE V.

REGLES DU
DU THEATRE.

§. I.

Des trois unités d'action, de lieu & de tems.

LES

ES Français font les premiers d'entre les nations modernes qui ont fait revivre les fages regles du théatre; les autres Peuples ont été long-tems fans vouloir recevoir un joug qui paraiffait fi févère; mais comme ce joug était jufte, & que la raifon triomphe enfin de tout; ils s'y font foumis avec le tems. Aujourd'hui même en Angleterre, les Auteurs affectent d'avertir au devant de leurs pieces, que la durée de l'action eft égale à celle de la représentation; & ils vont plus loin que nous, qui en cela avons été leurs maîtres. Toutes les nations commencent à regarder comme barbares les tems où cette pratique était ignorée des plus grands génies, tels que Don Lopez de Vega, & Shakef pear. Elles avouent l'obligation qu'elles nous ont de les avoir retirées de cette barbarie. Faut-il qu'un Français fe ferve aujourd'hui de tout fon fprit pour nous y ramener?

Quand je n'aurais autre chofe à dire à M. de La Motte, finon que M. Corneille, Racine, Moliere, Addiffon, Congreve, Maffei, ont tous obfervé les loix du théâtre, c'en ferait affez pour devoir arrêter quiconque voudrait les violer: mais M. de Lamotte mérite qu'on le combatte plus par des raifons que par des autorités.

Qu'est-ce qu'une piece de Théâtre? La repréfentation d'une action. Pourquoi d'une feule & non de deux ou trois? C'eft que l'efprit humain ne peut embraffer plufieurs objets à la fois; c'eft que l'intérêt qui fe partage, s'anéantit bientôt ; c'est que nous sommes choqués de voir, même dans un tableau, deux évenemens; c'est qu'enfin la nature seule nous a indiqué ce précepte, qui doit être invariable comme elle.

Par la même raifon l'unité de lieu eft effentielle; car une feule action ne peut fe paffer en plufieurs lieux à la fois. Si les perfonnages que je vois font à Athénes au premier acte; comment peuvent-ils fe trouver en Perfe au fecond? M. le Brun a-t-il peint Alexandre à Arbelles, & dans les Indes fur la même toile?» Je ne ferais pas.

étonné, dit adroitement M. de la Motte, » qu'une nation sensée, mais moins amie des regles, s'accommodât de voir Coriolan con

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