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divers auteurs, la plupart malheureusement anonymes, mais toujours soigneusement datées. Le recueil commence par des pièces de Ronsard de 1536, 1545 et 1574; on y trouve les paroles de nombreux ballets, des vers satiriques très-libres, des morceaux d'actualité; puis, à partir du folio 200, surtout des pièces rimées contre Mazarin et relatives aux événements de l'époque la dernière est de 1653, mais il faut certainement faire remonter aux premiers jours du XVIIe siècle le commencement de ce manuscrit.

J'ai dit comment les vers de Régnier y sont placés et intitulés : dans ces trente et une pièces, on trouve une satire, quatorze lettres rimées que j'ai jointes aux épîtres, trois sonnets, neuf morceaux divers, un religieux et trois licencieux. De plus, j'ai extrait du Cabinet satirique la satire sur l'Eslongnement de la cour, qui était demeurée comme inconnue jusqu'à ce jour.

Cette nouvelle édition sera donc la plus complète qui ait été donnée des œuvres du grand poëte chartrain, jusqu'à ce qu'un chercheur plus heureux ait retrouvé encore de nouveaux vers. J'ai consulté toutes les éditions antérieures, en ayant soin de rendre le texte de celle-ci complétement conforme à celui de l'édition de 1608. Je me suis servi des notes de Brossette et de Lenglet-Dufresnoy, mais en retranchant

toutes celles qui étaient ou inutiles ou vraiment trop naïves le nombre en était assez considérable. J'ai cherché à expliquer le plus rapidement possible tous les points historiques et tous les personnages cités dans ces poésies. Quant à l'honneur des rapprochements et des imitations qui sont indiqués dans les notes, il revient à peu près exclusivement à Brossette, qui avait notamment parcouru très-soigneusement les auteurs italiens près desquels Régnier s'inspirait le plus volontiers.

ÉTUDE HISTORIQUE ET LITTÉRAIRE

I

La famille Régnier occupait un rang honorable dans la bourgeoisie chartraine, et l'on sait qu'au XVIe siècle la bourgeoisie jouissait déjà de certains priviléges qui, sans l'assimiler assurément à la noblesse proprement dite, avaient grandement diminué la distance entre ces deux corps sociaux. Jacques Régnier avait épousé Simonne des Portes, fille de Philippe des Portes et de Marie Edeline, et sœur de l'abbé des Portes, qui devait devenir un des poëtes favoris de la cour et un des plus riches bénéficiaires du clergé, et de Thibaut des Portes, steur de Bévilliers, grand audiencier de France. Dans son contrat de mariage, passé le

1. C'est à tort que les auteurs de la Gallia christiana mentionnent l'abbé des Portes comme fils bâtard de Philippe des Portes, clerc à Chartres, et de Marie de Laitre, Rouennaise. Le doute n'est pas possible; mais on peut les excuser en présence des probabilités qui faisaient descendre illégitimement le père du poëte de la famille des Portes, originaire de la vicomté de Rohan, et dont les deux plus anciens membres connus étaient Guillaume des Portes, écuyer, l'un des compagnons de du Guesclin, qui lui légua cent écus d'or, et son frère, qui occupait un siége épiscopal,

5 janvier 1573, Jacques Régnier est dénommé << honorable homme et l'un des échevins de la ville de Chartres. » Sa femme avait cinq sœurs, et malgré cela il semble que cette union améliora singulièrement la situation pécuniaire de Régnier1, car, ayant obtenu à bas prix, par le crédit de ses beaux-frères, un lot des démolitions de la citadelle de Chartres, il employa une partie des fonds de la dot de sa femme à faire construire, l'année même de son mariage, un jeu de paume près de sa maison, située place des Halles, et qui reçut le nom de tripot des halles ou tripot Régnier, ce qui a fait dire, écrit Niceron, que Mathurin était le fils d'un tripotier 2. Peu d'années après, Jacques Régnier devint fermier de l'abbaye de Josaphat, située aux

1. Voyez Niceron, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres, t. V, p. 590.

2. Ce mot n'avait pas autrefois le sens qu'on lui attribue aujourd'hui, et Richelet, dans son dictionnaire, ne donne pas aux mots de tripot et de tripotier d'autre signification que celle de jeu de paume et maître de jeu de paume. Le maître du jeu de paume devait être reçu maître raquetier, et recevait du joueur un droit fixe par chaque douzaine de balles perdues, c'est-à-dire qui ne portaient pas au but, et fournissait tout ce qui était nécessaire au jeu. Il est évident que le père de Régnier avait seulement fait construire ce tripot et l'avait loué à un maître tripotier. Le 11 septembre 1611, Louis XIII, étant venu à Chartres, alla l'après-dîner jouer au tripot Régnier, près de la porte de la ville, et ayant entendu parler d'une femme nommée la Maunie, qui jouait fort bien à la paume, il voulut faire une partie avec elle. Cette femme, sans se faire prier, mit un cale çon et des escarpins, joua seulement sous la jambe, et gagna le roi. (Notice sur Régnier, par M. Merlet, archiviste du département d'Eureet-Loir, insérée dans le Beauceron, année 1857. Je saisis cette occasion de remercier ici M. Merlet pour l'obligeance avec laquelle il a bien voulu m'aider dans mes recherches sur le poëte chartrain.)

portes de Chartres et qui venait d'être donnée à son beau-frère des Portes (1583): il la conserva jusqu'en 1591, époque où il eut à subir la peine d'avoir suivi des Portes dans le parti de la Ligue, au lieu de demeurer indifférent à la politique, ainsi que cela convenait beaucoup mieux à un « honorable » bourgeois. Il fut donc considéré comme l'un des rebelles que voulut frapper Henri IV, et vit son abbaye imposée extraordinairement à seize cents écus. Jacques réclama un sursis pour pouvoir recueillir une somme qui, par ce temps d'anarchie populaire, n'était pas précisément commode à ramasser; mais le roi ne voulut rien entendre : la réclamation, datée du 16 août 1591, obtint pour réponse l'ordre donné par les commissaires au recouvrement de conduire le malheureux fermier en prison jusqu'à parfait payement. Cela pouvait naturellement se prolonger indéfiniment, mais Régnier se décida à implorer la clémence du roi, et sa supplique fut apparemment très-éloquente, car des lettres patentes datées de Chartres, le 23 septembre suivant, ordonnèrent sa mise en liberté 1.

Cependant, le 22 décembre 1573, Marie Edeline, femme de M. des Portes, avait présenté aux fonts baptismaux de l'église Saint-Saturnin de Chartres son petit-fils, qui, lui aussi, devait être un des poëtes

1. Ces détails, tout à fait nouveaux, sont dus à M. Luc Merlet. -Jacques Régnier mourut à Paris, où il avait été député pour les intérêts de la ville de Chartres, le 12 février 1597, et y fut enterré dans l'église Saint-Hilaire. Sa femme lui survécut jusqu'au 20 septembre 1629, et fut enterrée au cimetière Saint-Saturnin, hors de la ville de Chartres.

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