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Le 5 octobre 1606 mourut des Portes, et Mathurin ne recueillit de ce riche héritage qu'une pension de deux mille livres sur l'abbaye de Vaux-deCernay1, encore la dut-il à l'intervention du maréchal d'Estrées. Il trouva alors de puissants et dévoués amis dans la famille Hurault de Chiverny, et se lia intimement avec Philippe Hurault, nommé au siége épiscopal de Chartres en 1598, mais dont il ne prit possession qu'en 1607. Ces relations étaient complétement ignorées jusqu'à ce jour, et ce sont les lettres inédites adressées à ce prélat qui nous les font connaître et qui montrent sur quel pied d'intimité le poëte vivait avec les membres de cette influente maison. On ne peut douter que ce ne soit à cette liaison qu'il dut sa nomination à un canonicat de la cathédrale de Chartres, dont les revenus durent singulièrement venir à propos pour remettre quelque ordre dans les finances de Mathurin. Tous les biographes ont écrit que sa nomination datait du 30 juillet 1604, et M. Luc Merlet, dans la notice que j'ai déjà citée, rectifie cette date en reproduisant l'extrait textuel du registre des professions de foi des chanoines de Chartres, conservé aux archives du département d'Eure-et-Loir. « Moy, Mathurin Rénier, chanoine de Chartres, je jure et professe tout ce qui est contenu dans la « profession de foi de l'église de Chartres. Faist à « Chartres, l'année du Seigneur, le 30 juillet « 1609. M. Rénier. » Les vers inédits nous ap

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1. Tallemant dit 5,000 livres.

prennent que presque aussitôt le nouveau chanoine eut à soutenir un procès, ce qui explique en même temps son épigramme contre l'abbé Vialart, qui

S'estoit mis dans la fantaisie

D'avoir mon bien en paradis.

-

Mathurin gagna son procès, et Brossette, dans son introduction aux œuvres du poëte, raconte, sans savoir qu'il y ait eu procès, que Régnier emporta son canonicat en prouvant que le résignataire de ce bénéfice, évidemment Vialart, pour avoir le temps de faire admettre sa résignation à Rome, avait caché pendant plus de quinze jours la mort du dernier titulaire, dans le lit duquel on avait mis une bûche, qui fut depuis portée en terre à la place du corps, qu'on avait fait enterrer secrète

ment.

Ce canonicat cependant ne devait pas procurer de gros revenus à Régnier, car, n'étant que minoré, il ne jouissait que d'une partie du bénéfice qu'il avait eu tant de peine à acquérir. A Chartres, en effet, comme dans la plupart des chapitres de France, il y avait quelques chanoines in minoribus ou chanoines selletiers, ainsi nommés parce qu'ils ne pouvaient siéger dans les stalles du choeur, mais bien seulement sur des sellettes comme les enfants de choeur. Ils ne recevaient qu'une partie de la prébende, n'en avaient pas la justice, et ne pouvaient porter l'aumusse'. Mais on

1. Notice de M. Luc Merlet qui cite les règlements capitulaires de 1305 à 1327.

sait qu'il avait déjà reçu une pension, et Niceron parle également de « quelques autres bienfaits », sans les préciser plus exactement.

Mathurin, on peut le voir par les lettres inédites que je publie, avait une santé perdue, et bien des fois il chante tristement ses douleurs dans ses vers. Après la mort de son oncle des Portes, il dut passer une année à Paris, époque où il eut une grande querelle avec Berthelot; mais ensuite c'est entre Chartres et Royaumont, abbaye de l'évêque Hurault de Chiverny, qu'il semble avoir partagé sa vie. C'est à ce moment aussi qu'il revint à des sentiments plus dignes de lui et qu'il composa des poésies religieuses'. Ses maux augmentant cependant, Mathurin, d'après le récit de Tallemant des Réaux, se décida à partir pour Rouen, afin de se confier à un empirique nommé Le Sonneur. Quand il se crut guéri, ajoute le grand conteur du XVIIe siècle, il voulut se réjouir un peu avec le médecin, qui probablement l'avait mis au régime pendant quelque temps. Ils firent ensemble « une débauche de vin d'Espagne, » dont Régnier mourut au bout de huit jours, à l'hôtellerie de l'Ecu d'Orléans 2,

1. D'Esternod, dans son Espadon satyrique, dit très-peu révérencieusement que :

Cygoignes, Régnier et l'abbé de Thiron

Firent à leur trépas comme le bon larron :

Ils se sont repentis, ne pouvant plus mal faire.

2. M. Merlet, dans sa Notice, contrairement à Niceron, à Brossette et à tous les biographes de Régnier, nomme cette hôtellerie l'hôtellerie de l'Écu de France. D'après les renseignements fournis par M. de Fréville dans son ouvrage sur Rouen, il existait au XVIe

dans laquelle il était descendu, le 22 octobre 1613. Ses entrailles furent déposées dans l'église SainteMarie de Rouen, et son corps, enfermé dans un cercueil de plomb, fut inhumé à l'abbaye de Royaumont, suivant son vou exprès.

Telle a été la vie de Mathurin Régnier, vie assez maussade en résumé, quand notre poëte n'aurait eu qu'à vouloir pour jouir d'une existence aussi douce et aussi brillante que celle de son oncle. Il essaya un peu de tout, sans venir à bout de rien, fut frondeur, courtisan, puis frondeur encore, pour finir chagrinement et médisant de tout. Le récit de son combat contre Berthelot nous fournit les seuls renseignements que l'on puisse trouver sur le physique de notre premier satirique; il paraît qu'il était d'une taille très-élevée, puisqu'en parlant de Berthelot, l'auteur dit :

Dessus ce grand corps il s'accroche
Ainsi qu'une anguille sur roche.

siècle, dans cette ville et sur la paroisse Sainte-Marie-la-Petite, une hôtellerie de l'Écu d'Alençon, qui, par la proximité de l'église où Régnier a été porté, me semble bien devoir être celle où il est mort. En revanche, l'état des auberges de Rouen en 1742 constate qu'il y en avait quatre à l'enseigne de l'Écu de France: une à SaintSever, une rue des Augustins, et deux rue Martainville. L'église Sainte-Marie-la-Petite existe encore rue de la Gaulerie et sert à une école de chant. J'eusse voulu produire l'acte de décès de notre poëte, mais les registres de l'état civil de cette paroisse n'existent pas avant l'année 1651 à l'hôtel de ville, et dans la collection des doubles déposés au greffe du tribunal, il y a malheureusement une lacune de 1603 à 1619. Je dois ce renseignement à l'obligeance de M. de Robillard de Beaurepaire, ancien élève de l'École des Chartes et archiviste du département de la Seine-Inférieure.

El il ajoute que la foule alors

Pensoit voir en ceste deffaicte

Un corbeau soubs une allouette.

La même pièce nous apprend que Régnier aimait l'élégance, car elle nous montre

Regnier ayant sur ses épaules
Satin, velours et taffetas 1.

1. Voici le texte de cette ode burlesque, reproduite également dans le manuscrit auquel je dois les vers inédits que je publie. Je donne ici les variantes fournies par cette copie :

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