Ce n'est, ce dira-t-on, qu'un poète à la douzaine. Car on n'a plus le goust comme on l'eust autrefois. Apollon est gesné pár de sauvages lois Qui retiennent souz l'art sa nature offusquée, L'on a beau faire bien, et semer ses escrits 1. Mamert Patisson, natif d'Orléans, imprimeur à Paris, trèshabile dans sa profession, et savant helléniste latiniste. Il avait épousé la veuve de Robert Estienne, père de Henri, en 1580, et imprima plusieurs livres qui sont fort recherchés à cause de leur perfection typographique et de leur correction. Il mourut avant l'année 1606, laissant Philippe Patisson, son fils, aussi imprimeur. Mamert Patisson a fait de très-belles éditions de la plupart des poêtes de son temps. Ce malheur est venu de quelques jeunes veaux A qui le mal de teste est commun et fatal, 1. Pour jeunes sots. Ce terme est fort employé par Clément Marot, dans son épître XII. Et Arnould Le Feron a dit dans son Histoire de France, liv. III : « Galli socordes et stultos vituli no<< mine designare soliti sunt. » Marot a soin de placer la Sorbonne sur la place aux Veaux, dans ses épigrammes. 2. Lenglet-Dufresnoy ajoute à ce propos cette note: « Oui, oui; « c'est bien dit: il faut être un peu fou pour être bon poëte. » 3. Qui sont fournis de leurs vers, accablez, comme si on les avait battus à coups de bâton, fustibus ferire. Que c'est pour en mourir : ha, ma foy, je voy bien Mais on lit à leurs yeux et dans leur contenance Mais je ne m'apperçoy que, trenchant du preud'homme, 1. Brouage, ville voisine de La Rochelle, au milieu de marais salants. Ce vers et le suivant répondent à ce proverbe Ferre noctuam Athenas. 2. François Ogier, dans son Jugement et censure du livre de la Doctrine curieuse de François Garasse, imprimé à Paris en 1623, blâme fort le père Garasse d'avoir cité plusieurs vers de Régnier, et particulièrement ceux-ci, qu'Ogier ne rapporte pas exactement : A vouloir mettre enchère aux sottises du monde, « Je vous prie, dit Ogier, page 24, dites-moi ce que vous entendez « par dame Frédégonde. Votre poëte a-t-il mis ce mot pour rimer << seulement, et parce que carmen laborabat in fine? Ce mot de dame, << duquel on nomme de bonnes dames, et ce mot de Frédégonde, << nom d'une reine très impudique et très cogneue, n'étoient-ils << point capables de vous faire soupçonner de quoi il entendoit par«<ler? » Lenglet-Dufresnoy a vu un exemplaire de ce livre d'Ogier, à la marge duquel un homme très-habile, dit-il, avait écrit: De la reine Marguerite. Cette pensée n'est pas hors de vraisemblance. SATYRE V LE GOUST PARTICULIER DÉCIDE DE TOUT A M. BERTAUT, ÉVÊQUE DE SÉEZ1. Bertaut, c'est un grand cas: quoy que l'on puisse faire, L'homme voit par les yeux de son affection. Chasqu'un fait à son sens 2, dont sa raison s'escrime; 1. Jean Bertaut, né à Caen en 1570, entra dans les ordres et vint de bonne heure à Paris, où il se lia, comme poëte, avec Ronsard et Desportes; il réussit à la cour, et obtint ainsi du roi une charge de conseiller au parlement de Grenoble. Il se tint prudemment tranquille pendant la guerre civile, puis reparut à la suite du cardinal du Perron et prit part à l'instruction religieuse de Henri IV, qui le récompensa en lui donnant l'abbaye d'Aunay, en Normandie (1594); Marie de Médicis le prit pour premier aumônier et lui fit avoir en 1606 l'évêché de Séez, où il mourut le 8 juin 1611. Bertaut a composé dans sa jeunesse des poésies légères très-estimées, et qu'il essaya vainement de détruire; il publia ensuite le Panarète, poëme sur la naissance du dauphin, des cantiques, des discours historiques et politiques, la traduction d'un livre de l'Enéide. La dernière édition de ses œuvres est de 1623. Malherbe l'estimait seul un peu parmi les anciens poëtes; Régnier le trouvait trop sage; Sorel lui reproche sa trop grande propension aux plaisanteries; Boileau reconnut la décence de ses vers. L'évêque de Séez avait un de ses frères gentilhomme de la chambre du roi, et qui fut père de Mme de Motteville*. 2. Ce vers a fort varié dans les éditions. Celle de 1608, qui est Et tel blasme en autruy ce de quoy je l'estime. Que je suis jour et nuict aux plaisirs attaché, la première, porte chasque fat à son sens, avec un accent grave sur à. Celle de 1655 dit de même. Celles de 1612, 1635, 1667 : chasque fait à son sens. Celle de 1613, qui est la dernière édition de l'auteur chasqu'un fait à son sens; de même dans celles de 1614, 1616, 1617, 1625, 1626 et 1642. C'est la leçon que j'ai conservée. 1. L'on a mis dans les éditions autres que celle de 1616, vous dévore, expression qui présente un sens très-faux. 2. Flèches, du latin sagitta. |