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A ma foible raison font telle violence, Qu'ils tiennent mes desirs en égale balance: Car si de l'un des deux je me veux départir, Le ciel, non plus que moy, ne peut y consentir. L'autre, pour estre brun, aux yeux n'a moins de flames: Il sème, en regardant, du soufre dans les ames, Donne aux cœurs aveuglez la lumière et le jour : Ils semblent deux soleils en la sphère d'Amour. Car si l'un est pareil à l'Aurore vermeille, L'autre, en son teint plus brun, a la grace pareille A l'astre de Vénus, qui doucement reluit Quand le soleil tombant dans les ondes s'enfuit. Sa taille haute et droite, et d'un juste corsage, Semble un pin qui s'élève au milieu d'un bocage ; Sa bouche est de corail, où l'on voit au dedans, Entre un plaisant souris, les perles de ses dents, Qui respirent un air embaumé d'une haleine Plus douce que l'œillet ny que la marjolaine. D'un brun meslé de sang son visage se peint. Il a le jour aux yeux, et la nuict en son teint, Où l'amour, flamboyant entre mille étincelles, Semble un amas brillant des estoiles plus belles, Quand une nuict sereine, avecq' ses bruns flambeaux, Rend le soleil jaloux en ses jours les plus beaux. Son poil noir et retors en gros flocons ondoye, Et, crespelu, ressemble une toison de soye. C'est enfin, comme l'autre, un miracle des cieux. Mon ame, pour les voir, vient toute dans mes yeux, Et, ravie en l'object de leurs beautez extresmes, Se retrouve dans eux, et se perd en soy-mesmes. Las! ainsy je ne sçay que dire ou que penser. De les aymer tous deux, n'est-ce les offenser? Laisser l'un, prendre l'autre, ô dieux! est-il possible? Ce seroit, les aymant, un crime irrémissible.

Ils sont tous deux égaux de mérite et de foy.

Las! je n'ayme rien qu'eux, ils n'ayment rien que moy.
Tous deux pour me sauver hazardèrent leur vie;

Ils ont mesme dessein, mesme amour, mesme envie.
De quelles passions me senté-je esmouvoir!
L'amour, l'honneur, la foy, la pitié, le devoir,
De divers sentiments également me troublent,
Et, me pensant aider, mes angoisses redoublent.
Car si, pour essayer à mes maux quelque paix,
Parfois oubliant l'un, en l'autre je me plais,
L'autre, tout en colère, à mes yeux se présente,
Et, me monstrant ses coups, sa chemise sanglante,
Son amour, sa douleur, sa foy, son amitié,

Mon cœur se fend d'amour, et s'ouvre à la pitié.
Las! ainsy combattue en ceste estrange guerre,
Il n'est grace pour moy au ciel ny sur la terre.
Contre ce double effort débile est ma vertu.
De deux vents opposez mon cœur est combattu ;
Et reste ma pauvre ame entre deux étouffée,
Misérable dépouille, et funeste trophée 1!

VIII

SONNET

SUR LE TRESPAS DE M. PASSERAT 2

asserat, le séjour et l'honneur des Charites, es délices du Pinde, et son cher ornement,

1. Cette pièce est évidemment inachevée.

2. Jean Passerat naquit à Troyes, en 1529; il fut un des élèves

Qui, loing du monde ingrat que, bienheureux, tu quittes, Comme un autre Apollon reluis au firmament!

Afin que mon devoir s'honore en tes mérites,
Et mon nom par le tien vive éternellement,
Que dans l'éternité ces paroles écrites
Servent à nos neveux comme d'un testament :

Passerat fut un dieu souz humaine semblance,
Qui vit naistre et mourir les Muses en la France,
Qui de ses doux accords leurs chansons anima.

Dans le champ de ses vers fut leur gloire semée :
Et, comme un mesme sort leur fortune enferma,
Ils ont, à vie égale, égale renommée.

IX

SONNET

SUR LA MORT DE M. RAPIN

Passant, cy-gist Rapin, la gloire de son âge,
Superbe honneur de Pinde et de ses beaux secrets,

de Cujas et succéda à Ramus dans la chaire d'éloquence, à Paris. Il a surtout composé des poésies latines, et était fort estimé de Baif, de Belleau et de Ronsard, ainsi que Des Portes nous l'apprend dans une pièce de vers. Il est mort à Paris en 1602.

1. Ce sonnet fut publié par Brossette pour la première foie parmi les œuvres de Régnier; il n'avait encore paru que dans une des dernières éditions de Hollande; il est inséré à la fin des œuvres de

Qui, vivant, surpassa les Latins et les Grecs,
Soit en profond sçavoir, ou douceur de langage.

Éternisant son nom avecq' maint haut ouvrage,
Au futur il laissa mille poignants regrets
De ne pouvoir atteindre, ou de loin, ou de près,
Au but où le porta l'étude et le courage.

On dit, et je le crois, qu'Apollon fut jaloux,
Le voyant, comme un dieu, révéré parmy nous,
Et qu'il mist de rancœur si tost fin à sa vie.

Considère, passant, quel il fut icy-bas,
Puisque sur sa vertu les dieux eurent envie,
Et que tous les humains y pleurent son trespas.

X

ÉPITAPHE DE RÉGNIER

FAITE PAR LUI-MÊME1

J'ay vescu sans nul pensement,

Me laissant aller doucement

Rapin, imprimées à Paris en 1619, in-4o. Nicolas Rapin, poëte français, mourut le 13 février 1608, âge de soixante-huit ans. Voyez la première note de la satire IX.

1. M. Viollet-Le-Duc a publié le premier cette épitaphe, qui n'avait été publiée jusqu'alors que dans les Recherches des recherches, du père Garasse, page 648, lequel la reproduit en ajoutant : << Régnier se bastit cette épitaphe jadis à soy-même, en sa jeu<< nesse débauchée, ayant désespéré de sa santé, et estant, comme << il pensoit, sur le point de rendre l'âme. »

A la bonne loy naturelle;

Et si m'estonne fort pourquoy
La mort osa songer à moy

Qui ne songeay jamais en elle.

ΧΙ

SONNET

POUR LE FEU ROY HENRY IV, AN 1613

(INÉDIT)

Pendant que, sans respect ny de Dieu ny des lois,
Régnoit de toutes parts la fureur forcenée,
Et que ce grand Henry, la gloire de nos rois
Rangeoit à la raison la France mutinée,

Le démon gardien de l'empire françois
Chassé par la licence, au vice abandonné,
S'envola dans le ciel, et de geste et de voix,
En ses aigres propos tança la destinée:

<< Trompeuse, que te sers de m'avoir tant déçeu, Si l'Estat qu'immortel de tes mains j'ay reçeu, Se déchirant soy-mesme, à sa fin s'achemine? »

<< Tais-toy, dit le destin, car il est arresté Qu'il n'a, puisque Henry maintenant le domine, Besoing pour le garder d'autre divinité. »

1. M. Viollet-Le-Duc a mis par erreur: Et je m'estonne.

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