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Ainsi dit Amiante, alors que de sa voix

Il entama les cœurs des rochers et des bois,
Pleurant et soupirant la perte d'Yacée,
L'object de sa pensée.

Afin de la trouver, il s'encourt au trespas,
Et comme sa vigueur peu-à-peu diminue,
Son ombre pleure, crie, en descendant là-bas :
Esprits, hé! dites-moy, qu'est-elle devenue?

II

ODE1

Jamais ne pourray-je bannir
Hors de moy l'ingrat souvenir
De ma gloire si-tost passée?
Tousjours pour nourrir mon soucy,
Amour, cet enfant sans mercy,
L'offrira-t-il à ma pensée?

1. Cette ode fut aussi imprimée, pour la première fois, dans le même recueil de 1611, et fut insérée dans l'édition de 1642. Marot a dit dans le même sens :

Plus ne suis ce que j'ay esté,
Et ne le sçaurois jamais estre;
Mon beau printemps et mon esté
Ont fait le saut par la fenestre.
Amour, tu as esté mon maistre,
Je t'ay servi sur tous les dieux;
O si je pouvois deux fois naistre,
Comme je te servirois mieux!

Tyran implacable des cœurs,
De combien d'amères langueurs
As-tu touché ma fantaisie!

De quels maux m'as-tu tourmenté !
Et dans mon esprit agité
Que n'a point fait la jalousie?

Mes yeux, aux pleurs accoutumez,
Du sommeil n'estoient plus fermez;
Mon cœur frémissoit souz la peine.
A veu' d'œil mon teint jaunissoit;
Et ma bouche, qui gémissoit,
De soupirs estoit tousjours pleine.

Aux caprices abandonné,
J'errois d'un esprit forcené,
La raison cédant à la rage:

Mes sens,

des desirs emportez,

Flottoient, confus, de tous costez,
Comme un vaisseau parmy l'orage.

Blasphémant la terre et les cieux,
Mesmes je m'estois odieux,
Tant la fureur troubloit mon ame :
Et bien que mon sang amassé
Autour de mon cœur fust glacé,
Mes propos n'estoient que de flame.

Pensif, frénétique, et resvant,
L'esprit troublé, la teste au vent,
L'œil hagard, le visage blesme,
Tu me fis tous maux esprouver;
Et sans jamais me retrouver,

Je m'allois cherchant en moy-mesme.

Cependant lors que je voulois
Par raison enfraindre tes loix,
Rendant ma flame refroidie,
Pleurant, j'accusay ma raison,
Et trouvay que la guérison
Est pire que la maladie.

Un regret pensif et confus
D'avoir esté, et n'estre plus ',
Rend mon ame aux douleurs ouverte;
A mes despens, las! je vois bien
Qu'un bonheur comme estoit le mien
Ne se cognoist que par la perte.

III

STANCES

CONTRE UN AMOUREUX TRANSY?

Pourquoy perdez-vous la parole

Aussi-tost que vous rencontrez
Celle que vous idolastrez,
Devenant vous-mesme une idole?

1. Édition de 1642:

D'avoir esté, sans estre plus.

2. Cette pièce ne parut qu'en 1616, dans le Cabinet satyrique, après la mort de Régnier, et elle ne contenait que les cinq premières stances.

Vous estes là sans dire mot,
Et ne faites rien que le sot.

Par la voix Amour vous suffoque;
Si vos soupirs vont au-devant,
Autant en emporte le vent,

Et vostre déesse s'en mocque,
Vous jugeant de mesme imparfaict
De la parole et de l'effect.

Pensez-vous la rendre abbatue
Sans vostre fait luy déceler ?
Faire les doux yeux sans parler,
C'est faire l'amour en tortue.
La belle fait bien de garder
Ce qui vaut bien le demander.

Voulez-vous, en la violence
De vostre longue affection,
Monstrer une discrétion?
Si on la voit par le silence,
Un tableau d'amoureux transy
Le peut bien faire tout ainsi.

Souffrir mille et mille traverses,
N'en dire mot, prestendre moins,
Donner ses tourments pour tesmoins
De toutes ses peines diverses,
Des coups n'estre point abbatu,
C'est d'un asne avoir la vertu.

1 L'effort fait plus que le mérite :

1. Les sept stances suivantes furent ajoutées dans l'édition de

1642.

Car, pour trop mériter un bien,
Le plus souvent on n'en a rien;
Et, dans l'amoureuse poursuite,
Quelquefois l'importunité
Fait plus que la capacité.

J'approuve bien la modestie;
Je hay les amants effrontez.
Esvitons les extrémitez.
Mais des dames une partie,
Comme estant sans élection,
Juge en discours l'affection.

En discourant à sa maistresse,
Que ne promet l'amant subtil?
Car chacun, tant pauvre soit-il,
Peut estre riche de promesse.

<< Les grands, les vignes, les amants,

<< Trompent tousjours de leurs serments. >>

Mais vous ne trompez que vous-mesme,

En faisant le froid à dessein.

Je crois que vous n'estes pas sain :

Vous avez le visage blesme.

Où le front a tant de froideur,

Le cœur n'a pas beaucoup d'ardeur.

Vostre belle, qui n'est pas lourde,
Rit de ce que vous en croyez.
Qui vous void, pense que soyez
Ou vous muet, ou elle sourde.

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