Qu'elle aymoit trop ma peine, et qu'en ayant pitié, Cependant, devant Dieu, dont elle a tant de crainte, D'infidelle moyen pour tromper ma raison. Et puis il est des dieux tesmoins de nos paroles1! S'il y avoit des dieux, ils se vengeroient d'elle, Et ne la voiroit-on si fière ny si belle; Ses yeux s'obscurciroient, qu'elle a tant parjuréz; 1. Esse Deos credamne? Fidem jurata fefellit, Quam longos habuit, nondum perjura, capillos, Pes erat exiguus pedis est aptissima forma; Per quos mentita est perfida sæpe mihi. Scilicet æterno falsum jurare puellis Di quoque concedunt, formaque numen habet. (OVIDE, Amours, liv. III, élég. 111.) Ou s'il y a des dieux, ils ont le cœur de chair1; Ainsi que nous d'amour ils se laissent toucher; Et de ce sexe ingrat excusant la malice, Pour une belle femme ils n'ont point de justice. 1. Aut si quis Deus est, teneras amat ille puellas; (OVIDE, ibid.) ÉLÉGIE III' IMPUISSANCE. Quoy! ne l'avois-je assez en mes vœux desirée ? 1. Cette pièce est imitée d'Ovide, liv. III des Amours, élégie VII, qui commence ainsi : At non formosa est, etc., et du Satyricon de Pétrone, fort goûté à cette époque. Elle fut publiée pour la première fois dans l'édition de 1613, mais d'après une copie très-défectueuse, comme on le verra dans les remarques; ce qui fait présumer qu'elle avait été faite par une main étrangère et sans que l'auteur, peutêtre prévenu par la mort, eût pu revoir son propre ouvrage. On attribue à Pierre Corneille une pièce à peu près pareille, qui commence Un jour le malheureux Lysandre, en ajoutant que ce fut pour lui faire faire pénitence de cette poésie trop licencieuse qu'un confesseur lui ordonna de mettre en vers l'Imitation de Jésus-Christ. Mais cette pièce est en réalité de M. de Cantenac. On peut rapprocher ces vers du récit de l'aventure du comte de Guiche et de la comtesse de Gramont, dans l'Histoire amoureuse des Gaules, et de la licencieuse comédie rimée sur le même sujet, et qui se trouve transcrite de la main de Conrart dans ses recueils de la Bibliothèque de l'Arsenal, in-folio, tome IX, page 250 *. Et n'ay peu, le voulant tous deux également, Au surplus, à ma honte, Amour, que te diray-je? Je trompois, impuissant, sa flame et mes amours; Je n'avois rien en moy de personne vivante. Mes membres languissants, perclus et refroidis, 1. Il y a grande apparence que ce vers n'est pas de Régnier. Dans la première édition, faite en 1615, il manquait ici un ver's qui n'avait point été rétabli dans les éditions suivantes, et ce n'a été que dans celle de 1642 qu'on a rempli cette lacune par le vers dont il s'agit. 2. Ce vers a encore été inséré, dans l'édition de 1642, à la place de celui de Régnier, qui manquait dans toutes les éditions précédentes. Ha! j'en rougis de honte, et déspite mon âge, Que l'amour de despit escouloit par ses yeux : Pour flatter mon deffaut, mais que me sert la gloire3, De mon amour passée, inutile mémoire, Quand aymant ardemment et ardemment aymé, O ciel! il falloit bien qu'ensorcelé je feusse, 1. Dans les éditions faites depuis 1642, on a substitué honteuse à hargneuse. 2. Enjette, pour arrose, tiré du verbe composé enjeler, qui est hors d'usage, et dont nous n'avons retenu que le simple jeter. 3. Dans l'édition de 1645, on a mis de quoy me sert la gloire, correction qui a été adoptée dans toutes les éditions suivantes. 4. Il faut sous-entendre plusieurs lances. 5. Édition de 1642 et suivantes : Si mon honneur passé maintenant est ma honte. |