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„Le nom de Schliemann marquera à jamais dans l'histoire de l'ar

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chéologie. Ne mérite-t-il pas un rang dans celle de l'esthétique? En retrouvant ou à peu près la scène étroite où se sont déroulés les événements de la plus célèbre des épopées, n'a-t-il pas prouvé que, si le génie créateur du poète ne saurait être emprisonné dans le domaine du réel, il a besoin, pour prendre tout son essor, d'un point de départ tangible, si petit soil-il?"

L. BENLOEW.

DE LA NATIONALITÉ DES TROYENS.

PAR

LOUIS BENLOEW.

Lorsque,

I.

, avec une persévérance qui fait honneur à sa sagacité et à sa foi dans les réalités d'une poésie immortelle, Schliemann eut fait sortir des débris d'Hissarlik ce que longtemps on avait refusé de reconnaître comme être les restes de Troie et que le gouvernement allemand eut offert un abri honorable aux objets de ses fouilles, une ère nouvelle commença pour l'archéologie préhellénique, et on vit apparaître des échappées d'un monde dont on n'avait pas soupçonné l'existence. On se trouva en présence d'habitations, d'ustensiles, d'objets décoratifs et d'idoles ayant appartenu à une population dont on connaissait le nom, mais dont on ne pouvait préciser ni l'origine ni la race. Quelle était cette population? Ce n'étaient assurément pas ces Pélasges que Boeckh à tort avait identifiés avec les ancêtres des Grecs eux-mêmes; (Homère ne faisait-il pas figurer les Pélasges parmi les alliés des Troyens?) Kiepert, qui avait été frappé du nombre incalculable de noms propres dans la Grèce dont la langue grecque ne pouvait rendre compte, n'hésita pas à exprimer l'opinion que le peuple primitif désigné du nom de Lélèges par des Sémito-Pélasges (sic) est tout simplement le même que celui qui, dans l'histoire, est connu sous le nom des Illyriens répandus dans la grande presqu'île européenne du Sud-Est, dont les restes et les descendants conservent encore aujourd'hui, sous le nom de Skipétars ou d'Albanais, leur vieil idiome tant et si profondément transformé.

Hahn partage en bloc l'opinion de Kiepert; pour lui, à tout

prendre, les mots illyrien" et pélasgique" s'appliquent à la même race; inutile d'ajouter qu'à ses yeux les Illyriens d'autrefois sont les Albanais d'aujourd'hui. Il s'attache à suivre les traces du séjour en Grèce de cette race primitive, dans les noms d'endroits et de divinités, dont ni le grec ni le phénicien ne fournissent l'explication. C'est ainsi qu'Humboldt, ayant retrouvé dans le basque l'étymologie des noms qui en Espagne ne pouvaient se ramener ni au latin, ni au celte, ni au phénicien, concluait que, dans des temps préhistoriques, les Ibéres avaient couvert la presqu'île dite encore maintenant ibérique. Dans l'Albanie, la science se trouve sur un sol aussi solide que celui des pays basques. Il n'en est malheureusement pas de même de la Lycie. M. Blau, avec raison, peut-être, avait vu dans les Lyciens une branche des Lélèges qui eux-mêmes, pour lui, comme pour M. Kiepert, sont une branche illyrienne. Il a tenté d'interpréter par l'albanais quelques inscriptions lyciennes. Il y a dix-sept ans que nous avons dû faire nos réserves au sujet de cette tentative. Un article de M. Imbert, qui vient de paraître dans les Mém. de la Sociéte de Linguistique (fascic. 6, 1894), prouve que l'interprétation de ces inscriptions n'a guère fait de progrès et que notre réserve n'était que prudente. Ce n'est pas tout. D'après l'autorité d'Hérodote lui-même, Lélèges et Lyciens, vivant sous le régime d'une certaine gynécocratie, ne se nommaient pas d'après leurs pères, mais déterminaient leur généalogie d'après leur ascendance féminine. Eh bien, les inscriptions jusqu'à présent ne fournissent aucun exemple d'un fils qui se serait nommé d'après sa mère. On peut répondre que des langues sans traditions scolaires et littéraires se déforment aisément; que des peuples barbares peuvent désapprendre leur propre langue pour adopter celle d'une race supérieure, enfin que l'Asie Mineure était remplie de populations parlant les langues les plus diverses, les plus étranges, etc. Bref, il y a un voile sur les Lyciens, il n'y en a pas sur les Albanais ').

1) M. Oppert a dit tout haut qu'il y avait un voile sur les Albanais qu'entend-il par là? On connaît leur langue, leurs mœurs, leurs croyances religieuses. On se demande encore, il est vrai, si leur langue est indo-européenne ou non. Mais cette question est sans importance pour la recherche actuelle.

Nous nous proposons d'établir dans les pages suivantes qu'il y a beaucoup de noms propres dans l'ancienne Grèce dont l'albanais fournit la clé, que ces noms

II.

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ANDA. A.

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Le savant Movers, à l'érudition duquel nous devons de connaître toute l'influence exercée par les Phéniciens sur les contrées Mediterranéennes, frappé qu'il était du grand nombre de localités dont les noms se terminaient en -anda, en avait attribué la fondation aux Cariens, chez lesquels on trouve assurément bien des éléments sémitiques. Ces localités, il les avait rencontrées un peu partout dans l'ancienne Grèce, mais surtout dans toute l'étendue de l'Asie Mineure. Malheureusement nous ne connaissons pas l'idiome des Cariens; mais nous savons qu'ils se confondaient souvent avec les Lélèges, et Hérodote (I, 171) croyait que les Cariens avaient été appelés autrefois Lélèges". Or, il est certain qu'encore aujourd'hui les noms d'un grand nombre d'endroits dans l'Albanie se terminent en -anda. On lit sur la carte d'Albanie de Kiepert: Pramanda, Gurasenda, Agnonda, Marandi, Kurendo. Il y avait autrefois dans toute l'étendue de l'Asie-Mineure un nombre considérable de villes. dont les noms se terminaient en -anda; dans la Carie: Alabanda, Caryanda, Labranda, Alinda, Telandos; dans la Lycie: Arycanda; dans la Troade, près d'Adramyttion: Passanda; dans la Lycaonie: Laranda; dans la Pisidie: Isionda ou Isinda, Oenoanda; dans la Cappadoce: Soanda, etc. etc. Mais en laissant là la géographie ancienne, rappelons qu'il y a 15 ou 17 ans, un officier allemand au service de la Turquie a découvert près de Trébisonde huit endroits dont nous parlerons plus tard, qui ont conservé jusqu'à nos jours cette antique désinence.

Les Lélèges comme les „mystérieux" Pélasges se rencontrent un peu partout dans la Grèce: dans tout le Péloponèse dans l'Acarnanie, dans la Leucadie, dans la Locride, dans la Béotie, dans la Mégaride, mais surtout dans la Messénie et la

doivent appartenir à des populations qui se sont répandues aussi sur les îles de l'Archipel et sur les côtes de l'Anatolie, qu'elles se sont rencontrées là avec des immigrants sémites, que s'étant fondues avec eux, elles ont formé des centres capables de résister pendant longtemps à l'invasion grecque; qu'un de ces centres était la Troade avec Troie comme capitale.

Laconie. Lélèges, Pélasges, Caucones sont placés à peu près sur la même ligne par Strabon (XII, 8, 4), et si l'Arcadie passait pour la plus ancienne patrie des Pélasges, Lélex est appelé le plus ancien habitant, ou mieux le plus ancien roi des autochthones de la Laconie (Pausan., III, 1, 6. IV, 1, 6) 1). Son second fils, Polycaon, aurait fondé un nouveau royaume, que du nom de sa femme Messène il aurait appelé la Messénie. Il y aurait bâti une ville, nommée Andanie, destinée à être la résidence des rois du pays. Le philologue Benseler 2) fait venir le nom de cette ville du verbe avdável et il traduit: ville agréable. C'est comme s'il on voulait former des verbes λaμβάνειν, μανθάνειν des substantifs λαμβανία, μανθανία. Le petit vocabulaire albanais de Xylander, bien suranné aujourd'hui, me fournit ici un trait de lumière. J'y lus: vdevy, je m'arrête, j'étends, j'étire; participes: depa, vdεitoupa, étendue; devjoupa, vdeiтμeja, habitation, séjour, loisir 3). Il est vrai que les Grecs, pour désigner la ville tout court, ont préféré un verbe qui désigne le mouvement: Ορχομενός, Ελευσίς, Ελευθεραί trouvent leur explication dans le verbe ἔρχεσθαι. Si à leurs yeux, le village, la ville étaient des êtres vivants, les rivières ne l'étaient pas moins; nous citerons: Gangas, le Gange; Padus, le Po; l'Eleuthéros de la Syrie. Le mouvement rapide est surtout sensible dans Ρῆνος, Ρόδανος (rac. ῥίεθ ou ῤῥέθ).

C'est ainsi que s'explique le nom de la ville d'"Avdɛipa, située dans la Troade, qui, d'après le témoignage de Strabon (XI, 526, 56), appartenait aux Lélèges; puis celui de l'Andirus, affluent du Scamandre. La ville d'Antandros était pareillement attribuée aux Lélèges. Son nom comme celui de l'île d'Andros se rattache manifestement à depa. Une ville de la Carie, Bapyúλia, passait pour avoir un ami de Bellérophon, Bargylos, pour fondateur. Mais elle était appelée "Avdavov, par les Cariens; peut-être faut-il lire ici: Lélèges. Nous avons dit plus haut que, les deux peuplades étaient singulièrement mêlées ensemble. En

1) Nous renvoyons ici une fois pour toutes à notre ouvrage: La Grèce avant les Grecs, p. 52 et suiv. Maisonneuve & Co., Paris, 1877.

2) Benseler a donné une seconde édition du Dictionnaire des noms propres grecs de Pape.

3) Le vocabulaire de Xylander ne donne que la forme vravia. Les autres formes sont empruntées au Dictionnaire de Hahn.

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