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Tous fes momens ne font qu'un éternel paffage,
De la crainte à l'efpoir, de l'efpoir à la rage.
Et je refpire encor? Bérénice! Titus!

Dieux cruels, de mes pleurs vous ne vous rirez plus.

SCENE V.

TITUS, BÉRÉNICE, PHÉNICE.

NON,

BERENIC F.

ON, je n'écoute rien. Me voilà réfolue.

Je veux partir. Pourquoi vous montrer à ma vue?
Pourquoi venir encore aigrir mon désespoir?
N'êtes-vous pas content? Je ne veux plus vous voir.

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Dans quel trouble elle jette mon ame!

Ma Princeffe, d'où vient ce changement foudain ?

BÉRÉNICE,

C'en est fait. Vous voulez que je parte demain.

Et, moi, j'ai réfolu de partir tout à l'heure,

Et je parts.

TITUS.

Demeurez.

BÉRÉNICE.

Ingrat, que je demeure! Et pourquoi ? Pour entendre un peuple injurieux, Qui fait de mon malheur retentir tous ces lieux ? Ne l'entendez-vous pas cette cruelle joie,

Tandis que dans les pleurs moi feule je me noie?
Quel crime, quelle offense a pu les animer?
Hélas! Et qu'ai-je fait que de vous trop aimer?

TITUS.

Écoutez-vous, Madame, une foule infenfée ?
BÉRÉNICE.

Je ne vois rien ici dont je ne fois bleffée.
Tout cet appartement préparé par vos foins,
Ces lieux, de mon amour fi long-temps les témoins,
Qui fembloient pour jamais me répondre du vôtre,
Ces feftons, où nos noms, enlacés l'un dans l'autre,
A mes tristes regards viennent par-tout s'offrir,
Sont autant d'impofteurs que je ne puis fouffrir.
Allons, Phénice.

TITUS.

O Ciel, que vous êtes injuste !
BÉRÉNICE.

Retournez, retournez vers ce Sénat augufte,
Qui vient vous applaudir de votre cruauté.

Hé bien, avec plaifir, l'avez-vous écouté ?
Êtes-vous pleinement content de votre gloire ?
Avez-vous bien promis d'oublier ma mémoire ?
Mais ce n'est pas affez expier vos amours.
Avez-vous bien promis de me haïr toujours?

TITUS.

Non, je n'ai rien promis. Moi, que je vous haïffe! Que je puiffe jamais oublier Bérénice!

!

Ah, Dieux ! Dans quel moment fon injufte rigueur,
De ce cruel foupçon vient affliger mon cœur
Connoissez-moi, Madame, &, depuis cinq années,
Comptez tous les momens, & toutes les journées
Où par plus de transports, & par plus de foupirs,
Je vous ai de mon cœur exprimé les défirs;
Ce jour furpaffe tout. Jamais, je le confeffe,
Vous ne fûtes aimée avec tant de tendresse;
Et jamais....

BÉRÉNICE.

Vous m'aimez, vous me le foutenez, Et cependant je parts, & vous me l'ordonnez ? Quoi, dans mon défespoir trouvez-vous tant de char mes?

Craignez-vous que mes yeux verfent trop peu de lar

mes ?

Que me fert de ce cœur l'inutile retour?

Ah, cruel, par pitié, montrez-moi moins d'amour! Ne me rappellez point une trop chère idée;

Et laiffez-moi, du moins, partir perfuadée

Que, déja de votre ame exilée en fecret,
J'abandonne un ingrat qui me perd fans regret.
(Titus lit une Lettre.)

Vous m'avez arraché ce que je viens d'écrire.
Voilà de votre amour tout ce que je défire.
Lifez, ingrat, lifez, & me laiffez fortir.

TITUS.

Vous ne fortirez point, je n'y puis confentir.
Quoi, ce départ n'eft donc qu'un cruel ftratageme?
Vous cherchez à mourir? Et de tout ce que j'aime
Il ne refera plus qu'un trifte fouvenir?
Qu'on cherche Antiochus, qu'on le faffe venir.

M

(Bérénice fe laiffe tomber fur un fiége.)

SCENE

VI.

TITUS, BÉRÉNICE.

TITUS.

ADAME, il faut vous faire un aveu véritable. Lorfque j'envisageai le moment redoutable, Où, preffé par les loix d'un auftère devoir, Il falloit pour jamais renoncer à vous voir; Quand de ce trifte adieu je prévis les approches, Mes craintes, mes combats, vos larmes, vos reproches, Je m'attendis, Madame, à toutes les douleurs Que peut faire fentir le plus grand des malheurs,

Mais, quoique je craigniffe, il faut que je le die,
Je n'en avois prévu que la moindre partie.
Je croyois ma vertu moins prête à fuccomber ;
Et j'ai honte du trouble où je la vois tomber.
J'ai vu devant mes yeux Rome entière assemblée.
Le Sénat m'a parlé ; mais mon ame accablée
Écoutoit fans entendre, & ne leur a laiffé,
Pour prix de leurs transports, qu'un filence glacé.
Rome de votre fort est encore incertaine.
Moi-même, à tous momens, je me fouviens à peine
Si je fuis Empereur, ou fi je fuis Romain.
Je fuis venu vers vous, fans favoir mon dessein.
Mon amour m'entraînoit, & je venois peut-être
Pour me chercher moi-même, & pour me reconnoître.
Qu'ai-je trouvé? Je vois la mort peinte en vos yeux,
Je vois, pour la chercher, que vous quittez ces lieux.
C'en eft trop. Ma douleur, à cette trifte vue,
A fon dernier excès eft enfin parvenue.

Je reffens tous les maux que je puis reffentir;
Mais je vois le chemin par où j'en puis fortir.
Ne vous attendez point que, las de tant d'allarmes,
Par un heureux hymen je tariffe vos larmes.
En quelque extrémité que vous m'ayez réduit,
Ma gloire inexorable à toute heure me suit.
Sans ceffe, elle présente à mon ame étonnée,
L'Empire incompatible avec votre hymenée;
Me dit qu'après l'éclat, & les pas que j'ai faits,
Je dois vous époufer encor moins que jamais.

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