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ACTEURS

AGAMEMNON.

ACHILLE.

ULYSSE.

CLYTEMNESTRE, femme d'Agamemnon.
IPHIGÉNIE, fille d'Agamemnon 1.
ÉRIPHILE, fille d'Hélène et de Thésée 2.
ARCAS,

EURYBATE, domestiques 3 d'Agamemnon.

ÆGINE, femme de la suite de Clytemnestre.
DORIS, confidente d'Ériphile.

TROUPE DE GARDES.

La scène est en Aulide, dans la tente d'Agamemnon 4.

1. Boileau (Épîtres, VII) a conservé le souvenir de l'effet produit par ce rôle et par le talent de la comédienne qui le récitait :

Jamais Iphigénie, en Aulide immolée,

N'a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée,
Que, dans l'heureux spectacle à nos yeux étalé,
En a fait sous son nom verser la Champmeslé.

2. Racine aurait dû écrire plutôt Ériphyle (Epp), comme a fait Voltaire dans la tragédie qui porte ce nom (1732). La Fontaine remplace, comme Racine, y par i, dans Poliphile, Psiché. On écrit communément alors stile, etc.

3. On désignait alors sous le nom de domestiques les gentilshommes, pages, officiers, faisant partie de la maison d'un prince ou d'un grand seigneur et attachés à sa personne. «< Diodotus, domestique des rois précédents, s'empara du trône de Syrie » (Corneille, Avertissement de Rodogune).

Racine (Esther, v. 99-100):

J'ai découvert au roi les sanglantes pratiques

Que formoient contre lui deux ingrats domestiques.

La Bruyère, que son acte de décès indique comme gentilhomme de Monseigneur le duc, était domestique de la maison de Condé.

4. Dans Euripide, la scène est en plein air, devant et non dans la tente d'Agamemnon.

TRAGÉDIE

ACTE I

SCÈNE PREMIÈRE

AGAMEMNON, ARCAS

AGAMEMNON

1

Oui, c'est Agamemnon, c'est ton roi 1 qui t'éveille.
Viens, reconnois la voix qui frappe ton oreille.

1. Racine, sans paraître y songer, nous avertit dès le premier vers de la qualité des deux personnages qui occupent la scène. Au vers 4, il nous dira l'heure où l'action commence; au vers 6, le lieu où elle se passe; au vers 8, il commence à découvrir le sujet même du drame. Il applique, en y mettant un peu plus d'art, le conseil de Boileau :

J'aimerois mieux encor qu'il déclinât son nom,
Et dit Je suis Oreste, ou bien Agamemnon,
Que d'aller, par un tas de confuses merveilles,
Sans rien dire à l'esprit, étourdir les oreilles :
Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué.

IPHIGÉNIE.

(Art poétique, III.)
4

ARCAS

C'est vous-même, Seigneur! Quel important besoin
Vous a fait devancer l'aurore de si loin 1?

5

A peine un foible jour vous éclaire et me guide.
Vos yeux seuls et les miens sont ouverts dans l'Aulide.
Avez-vous dans les airs entendu quelque bruit?
Les vents nous auroient-ils exaucés cette nuit?
Mais tout dort, et l'armée, et les vents, et Neptune ?.

1. Corneille a employé aussi loin en parlant du temps:
J'ai prévu d'assez loin ce que j'en viens d'apprendre.
(Rodogune, v. 1716.)

Et Racine lui-même :

Je ne sais pas prévoir les malheurs de si loin.

(Andromaque, v. 196.)

2 « Je croy mesme, écrit le P. Bouhours (Doutes, etc., p. 256), qu'un des secrets du stile est de sçavoir ménager les et et les que. » Ce vers de Racine montre la justesse de la remarque du P. Bouhours. - Ce beau vers a paru quelquefois solennel et déplacé dans la bouche d'Arcas. Voltaire, dans l'analyse qu'il a donnée de la tragédie (Dict. phil., ART DRAMATIQUE, De la bonne trag. fr.), écrit à ce sujet : « Je ne puis m'empêcher de m interrompre un moment pour apprendre aux nations qu'un juge d'Écosse (Henry Home), qui a bien voulu donner des règles de poésie et de goût à son pays, déclare dans son chapitre vingt et un Des narrations et des descriptions, qu'il n'aime point ce vers:

Mais tout dort, et l'armée, et les vents, et Neptune.

«S'il avait su que ce vers était imité d'Euripide, il lui aurait peut-être fait grâce mais il aime mieux la réponse du soldat dans la première scène de Hamlet: Je n'ai pas entendu une souris trotter. « Voilà qui » est naturel, dit-il, c'est ainsi qu'un soldat doit répondre ». Oui, monsieur le juge, dans un corps de garde, mais non pas dans une tragédie ». Il faut remarquer qu'Euripide a mis les vers descriptifs dans la bouche d'Agamemnon, et qu'il fait dire seulement au vieillard qu'on n'entend aucun bruit du côté d'Aulis et que les gardes sont encore immobiles à leur poste sur les murs. Il est inutile de justifier Racine en faisant remarquer qu'Arcas est d'une condition plus relevée que le vieillard d'Euripide. Voltaire a eu raison de dire qu'Arcas parle ainsi parce qu'il parle dans une tragédie; Racine pense, comme Boileau, que la tragédie doit s'écrire « en vers pompeux », ce qui n'exclut pas du tout la simplicité et n'autorise pas la déclamation et les grands mots.

AGAMEMNON

Heureux qui, satisfait de son humble fortune 1,
Libre du joug superbe où 2 je suis attaché,
Vit dans l'état obscur où les Dieux l'ont caché!

ARCAS

depuis quand, Seigneur 3, tenez-vous ce langage?

10

1. Il est intéressant de comparer à ces vers certains morceaux où Shakespeare a exprimé ce sentiment mélancolique que font naître dans l'âme de l'homme les soucis de la grandeur. Henri V dit (sc. XII): « O dure condition, sœur de la grandeur !... Quelle infinité de joies, dont les rois doivent se passer, et que les particuliers peuvent goûter. Et qu'avons-nous, les rois. que les particuliers ne possèdent, hormis la pompe, la pompe publique? Et qu'es tu donc, majesté, ô idole! Quelle sorte de dieu es-tu, toi qui souffres plus de mortelles douleurs que ceux qui t'adorent ?... Es-tu autre chose qu'une place, un rang, une forme, imposant aux hommes le respect et la crainte? Et tu es moins heureuse, inspirant la crainte, que les autres, qui craignent!... Je suis roi, moi qui te juge; et, je le sais, ni le heaume, ni le sceptre, ni le globe, ni l'épée, ni la masse, ni la couronne impériale, ni le manteau tissé d'or et de perles, ni le titre pompeux qui vole devant le roi, ni le trône où il siège, ni le flot de splendeurs qui bat cette suprême rive du monde, non, rien de tout cela, trois fois imposante majesté, non, tout cela, étendu sur un lit magnifique, ne saurait nous donner le profond sommeil du misérable esclave, qui, l'esprit vide et le corps plein, rassasié du pain de la misère, s'abandonne au repos, sans connaître jamais l'horrible nuit, fille de l'enfer.» (Cf. Henry IV, 2e part., sc. VIII; Henry VI, 3° part., sc. Ix.)

2. Où, adverbe, pour le pronom relatif. « L'usage en est élégant et commode >> (Vaugelas, Remarques). Rien n'est plus fréquent chez les écrivains de ce temps (cf. Marty-Laveaux, Lexique de Corneille).

3. Les anciens tragiques se servaient sans scrupule de Monsieur dans leurs tragédies, dit M. Marty-Laveaux, qui cite un exemple des Juives de Garnier (Lex. de Corn.). Hardy, dans Phraarte, tragi-comédie, mais dont le sujet est pris dans l'antiquité, s'est servi plusieurs fois de Monseigneur. Corneille avait employé Monsieur dans Clitandre, dans Médée et dans le Cid. Il l'a laissé dans le Cid, sans doule parce que le sujet est moderne; mais il l'a remplacé dans Clitandre et dans Médée par Seigneur. D'où est venue cette habitude d'employer Seigneur dans la tragédie lorsque le discours s'adresse à un égal ou à un supérieur? (Les confidents et les inférieurs sont appelés par

1

Comblé 1 de tant d'honneurs, par quel secret outrage
Les Dieux, à vos désirs toujours si complaisants,
Vous font-ils méconnoître et haïr leurs présents?
Roi, père, époux heureux, fils du puissant Atrée,
Vous possédez des Grecs 2 la plus riche contrée.

Du sang

de Jupiter issu de tous côtés 3,

15

L'hymen vous lie encore aux Dieux dont vous sortez *. 20 Le jeune Achille enfin, vanté par tant d'oracles ",

leur nom.) Monsieur parut familier; Monseigneur même avait un air de réalité qui ne convenait guère à la tragédie. Seigneur fut suggéré par l'usage des langues italienne et espagnole. Molière dit: Seigneur Trufaldin, seigneur Zanobio Ruberti (l'Étourdi, IV, 1), seigneur Valère (Dép. am., I, 11), seigneur La Grange (Préc. rid., I, 1), seigneur Villebrequin (Sgan., xxiv), etc. : c'est l'italien signor. Voiture écrit dans une épitre :

Seigneurs chevaliers catalans,
Vous êtes courtois et galans.

(Éd. Ubicini, t. II, p. 399.)

C'est l'espagnol señor, qu'on trouvait sans cesse dans les comédies qu'on traduisait ou imitait sur notre théâtre depuis le commencement du siècle. Il est curieux que jamais on n'eut de scrupule sur l'emploi du mot Madame.

1. Cette construction du participe ou de l'adjectif se rapportant au régime est très fréquente alors. Cf. plus bas, v. 19 et 20. Pascal (Pensées, I, 1): « Infiniment éloigné de comprendre les extrèmes, la fin des choses et leur principe sont pour lui invinciblement cachés dans un secret impénétrable. Molière (École des femmes, v. 633, 634):

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Que, venant au logis, pour votre compliment,

Vous lui fermiez au nez la porte honnêtement.

2. Des Grecs est mis ici pour de la Grèce.

3. Agamemnon est fils d'Atrée, qui a pour père Pélops; celui-ci est fils de Tantale, dont le père est Jupiter. Hippodamie, femme de Pélops, a pour père OEnomaüs, fils de Mars.

4. « On dit... la race ou la maison dont il est sorty, mieux que d'où il est sorty, qui toutefois est bon» (Vaugelas, Rem.).

5. Voir dans Catulle (Epithalame de Pélée et de Thétis) la prédic tion des Parques :

Nascetur vobis expers terroris Achilles...

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