APPENDICE I ESCHYLE, AGAMEMNON. 1° Vers 171-235 (éd. Kirchoff). Alors le glorieux chef de la flotte achéenne ne murmura pas contre le devin, et se courba sous les coups du sort, quand l'armée des Grecs s'épuisait dans une lourde inaction, sans pouvoir mettre à la voile, retenue en face de Chalcis, près d'Aulis battue des flots. Et les vents venus du Strymon, vents qui causent les retards, les famines et les naufrages, qui font errer les marins sur les flots, qui brisent vaisseaux et cordages, prolongeaient l'oisiveté où se desséchait la fleur des Argiens. Enfin Calchas, au nom d'Artémis, proposa aux chefs un remède plus dur encore que l'affreuse tempête: tellement qu'ils frappèrent la terre de leurs sceptres et ne retinrent pas leurs larmes. L'auguste roi s'écria : <<< Terrible est la désobéissance, mais terrible aussi d'immoler ma fille, ornement de ma maison, de souiller mes mains paternelles du sang virginal qui arrosera l'autel. Par où échapper aux calamités? Puis-je déserter la flotte et trahir l'alliance jurée? Ce sang virginal, sacrifice qui doit apaiser les vents, n'a-t-on pas le droit de le réclamer ardemment ? Tout en irait bien. »> Courbant la tête sous le joug de la nécessité, qui souffla IPHIGÉNIE. 13 dans son âme des sentiments nouveaux, impitoyables, impies, contre nature, il reconnut alors qu'elle force l'homme à tout oser. Car la démence enhardit les hommes, triste conseillère des crimes, le pire des maux. Il eut le courage de se faire le meurtrier de sa fille; sacrifice qui fut la rançon de la flotte captive, et les prémisses de la guerre entreprise pour une femme. Ni les prières de la jeune fille, ni les appels qu'elle faisait à son père, ni son âge ne touchèrent les chefs amoureux des combats. Le père lui-même dit aux sacrificateurs, après la prière, de l'enlever comme une chèvre, et de la porter sur l'autel, enveloppée de ses vêtements, éperdue et défaillante; par son ordre, un bâillon, fermant cette belle bouche, étouffe la voix de la vierge qui maudit les siens, et la rend muette par force. Mais, tandis que son sang coule et rougit la terre, de ses yeux partent des traits qui percent l'âme des sacrificateurs émus de pitié : belle comme une peinture, elle veut parler, de cette voix qui jadis charma souvent les somptueux banquets de son père, au temps où la chaste vierge, aimante et aimée, embellissait l'existence fortunée de son père trois fois heureux. II SOPHOCLE, ÉLECTRE 1° 530-532. Clytemnestre à Électre : Ἐπεὶ πατὴρ σὸς οὗτος, ὃν θρηνεῖς ἀεὶ, τὴν σὴν ὅμαιμον, μοῦνος Ἑλλήνων, ἔτλη « Car ce père, que tu pleures toujours, seul des Grecs a osé immoler aux dieux sa fille, ta sœur. >> 2. 563-577. Électre à Clytemnestre: Πατήρ ποθ ̓ οὑμός, ὡς ἐγὼ κλύω, θεᾶς « Demande à Diane chasseresse quelle vengeance lui fit enchaîner à Aulis les nombreux vents qui y soufflent. Mais non, je te le dirai : car on ne peut interroger la déesse. Mon père, m'a-t-on dit, se promenant un jour dans un bois de la déesse, fit lever un cerf tacheté, à la haute ramure, et, l'ayant tué, il laissa échapper quelques paroles d'orgueil. Voilà ce qui irrita la fille de Latone: elle retint les Grecs, voulant que mon père, pour son cerf, sacrifiat sa fille. Ainsi se fit le sacrifice d'Iphigénie autrement l'armée enchaînée ne pouvait aller ni dans ses foyers, ni à Troie. Voilà pourquoi, contraint, après une longue résistance, mon père immola sa fille, et non pour l'amour de Ménélas. » III LUCRÈCE, De nat. rerum, I, 82-101. ..... Quod contra sæpius olla Ductores Danaum delecti, prima virorum : Muta metu, terram, genibus submissa, petebat : OVIDE, Mét., XII, 6-11, 24-38. IV Conjuratæque sequuntur Mille rates, gentisque simul commune Pelasgæ. Permanet Aoniis Nereus violentus in undis, Multaque perpessæ, Phrygia potiuntur arena. V L'IPHIGENIE D'EURIPIDE ET LES IMITATIONS DE RACINE Voici d'abord le sommaire de la pièce grecque 1. La scène est à Aulis, devant la tente d'Agamemnon. PROLOGUE. Agamemnon sort de sa tente avec un vieil esclave, qui lui demande la cause de la violente agitation où il le voit. Le roi raconte le sujet de son inquiétude : le mariage d'Hélène, le serment fait par les prétendants, l'enlèvement d'Hélène par le Troyen Pâris, le rassemblement de l'armée à Aulis, l'élection qu'on a faite de lui pour commander l'expédition, le calme plat qui retient la flotte au port, et l'oracle de Calchas annonçant qu'il faudra sacrifier Iphigénie pour obtenir les vents. Sur les instances de Ménélas il a promis d'immoler sa fille; il l'a fait venir à Aulis sous prétexte de la marier à Achille, qui ignore tout. Mais l'amour paternel se réveille en lui, et il envoie le vieil esclave avec une lettre, pour faire rebrousser chemin à sa fille. Chœur (πάροδος). Les jeunes femmes de Chalcis, qui composent le chœur, sont venues par curiosité voir le camp des Grecs elles nomment les chefs qu'elles ont distingués, Achille entre autres, et font le dénombrement des peuples qui ont fourni des soldats et des vaisseaux. ÉPISODE I. Ménélas a arraché au vieillard la lettre qu'il portait. Celui-ci appelle Agamemnon à son secours. Les deux frères s'injurient. Ménélas reproche à Agamemnon son humilité et sa souplesse passées, lorsqu'il aspirait au commandement, toutes ces manières qui font un tel contraste avec sa hauteur présente. Un messager annonce l'arrivée de Clytemnestre et d'Iphigénie. La douleur d'Agamemnon éclate si pitoyablement que Ménélas est touché et désire sauver sa nièce: Agamemnon désespère; il est trop tard. Chaur (στάσιμον α'). 1. J'ai suivi, en la développant où il fallait, l'analyse que M. Weil a donnée de la pièce, dans son édition des Sept tragédies d'Euripide. |