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PREFACE DE L'AUTEUR.

I.

TOUTE question touchant la société n'est, au fond, qu'une question sur l'origine et les attributions du Pouvoir qui la régit.

La question de la famille se résume dans la question de l'autorité domestique; celle de l'Église se réduit à la question de l'autorité religieuse; celle de l'État se concentre dans la question de l'autorité politique.

C'est pourquoi tous les auteurs qui écrivent sur la société au point de vue politique s'occupent surtout et avant tout de la souveraineté, et leurs travaux ne sont que des traités plus ou moins directs, plus ou moins développés, sur le Pouvoir public. Et c'est pourquoi nous intitulons Essai sur le Pouvoir public le présent ouvrage, qui n'est en réalité, lui aussi, qu'un traité à peu près complet de droit public.

Dans les discours que nous avons eu l'honneur de prononcer devant la cour impériale des Tuileries, et que nous avons publiés sous le titre : Le Pouvoir public chrétien, en nous prévalant de la liberté de la chaire, que d'augustes personnages ont accordée à la vérité, qu'ils sont dignes d'entendre, nous n'avons pu que poser et indiquer à peine les grands principes sur lesquels reposent tout pouvoir légitime et tout gouvernement vraiment chrétien; mais, sans compter que, dans le courant de cette station, nous avons dû traiter ces graves sujets en moraliste plutôt qu'en publiciste, nous n'a

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vions pu leur donner le développement dont ils avaient besoin pour leur concilier l'assentiment des esprits sérieux : voilà la raison, nous dirions presque la nécessité d'être de cet Essai. On peut donc le considérer comme le complément de notre prédication de 1857 et son commentaire obligé.

Ne devant rien ni à l'absolutisme ni à la révolution, et ne tenant par aucun lien, fût-il de simple sympathie, ni à l'un ni à l'autre, nous ne craignons rien et nous n'attendons rien ni de l'un ni de l'autre. En outre, nous sommes heureux de nous trouver dans un pays où la calomnie et le dénigrement seuls sont défendus; mais où rien n'entrave la discussion scientifique des principes constitutifs de l'ordre social. Nous avons donc pensé nous conformer aux desseins de la Providence, en nous prévalant de la position indépendante qu'elle nous a faite, pour lancer du haut de la tribune de l'Europe, la France, cette exposition libre, désintéressée et complète du droit public chrétien, cette manifestation franche et sin-cère de la vérité en politique, qui seule peut sauver l'homme et la société; Et veritas liberabit vos.

II.

De même que le premier des problèmes de la philosophie est de trouver une doctrine qui concilie l'existence de la Cause première et incréée avec l'existence des causes secondes et créées, de même le premier des problèmes de la politique est de rencontrer une doctrine qui concilie l'action du pouvoir suprême avec l'action des pouvoirs subalternes, ou l'autorité avec la liberté.

Égarés par l'inspiration païenne, les auteurs modernes n'ont résolu ces problèmes que d'une manière toute païenne, c'est-à-dire d'une manière contraire aux principes et aux lois naturelles. Comme, en philosophie, ils se sont accrochés au Panthéisme pour échapper à l'Atomisme, ou à l'Atomisme pour ne pas se briser contre le Panthéisme; de même

en politique ils n'ont imaginé d'autre remède contre l'Anarchie que l'Absolutisme, et d'autre moyen pour se débarrasser de l'Absolutisme que l'Anarchie.

Comme donc toute la philosophie moderne se résume dans le panthéisme et dans l'atomisme, ainsi tout le droit public moderne se résume dans ce qu'on appelle le système du droit divin, et dans le système de la souveraineté du peuple.

Le panthéisme n'est que la négation de toute substance et de toute réalité créée, et l'affirmation qu'il n'y a dans l'univers qu'une seule substance, une seule réalité, la substance, et la réalité incréée; l'affirmation que tout ce qui EST est Dieu, et que rien n'EST en dehors de Dieu. De même, le système du droit divin n'est au fond que la négation de tout pouvoir subalterne, de tout droit social, et l'affirmation qu'il n'y a dans la société qu'un seul Pouvoir, un seul droit : le Pouvoir et le droit souverains; l'affirmation que tout dans la société relève du souverain, et que tout doit être compté pour rien en dehors du souverain.

L'atomisme, à son tour, n'est que la négation de toute cause première et intelligente, et l'affirmation que les êtres ne sont que le résultat des agglomérations fortuites des atomes, demeurant toujours eux-mêmes après la composi tion; l'affirmation qu'il n'y a pas de composition réelle ; que tout est Atomes, et que rien n'EST en dehors des Atomes. De même le système de la souveraineté du peuple, tel que l'ont conçu les publicistes protestants, depuis Jurieu et Rousseau jusqu'à MM. Gasparin et Proudhon, n'est que la négation de toute autorité souveraine, et l'affirmation que la société n'est que le fait des agrégations fortuites des individus, demeurant toujours eux-mêmes après l'association; l'affirmation que tout ressort de l'individu dans la société et qu'il n'y a de droit social que dans l'individu et par l'individu (1).

(1) « Le principe individualiste, dit M. de Gasparin, est le seul qui <conserve la notion du droit; la conscience est individuelle et libre

C.

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