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de l'aveuglement surnaturel de certains publicistes, qui, ne manquant d'ailleurs ni d'esprit, ni de loyauté, ni de zèle pour le bien public, s'obstinent à s'incliner devant l'idole révolutionnaire de la centralisation, et à vouloir la ménager comme la divinité tutélaire de l'ordre et de la puissance de leur pays. C'est une démonstration complète et accablante du contraire qui ressort de tout ce qu'on vient de lire. Il en ressort que la centralisation n'est qu'une source de faiblesse de déconsidération, d'incertitude et de ruine pour le Pouvoir; il en ressort que la centralisation est le naufrage de toute liberté et de tout bonheur pour les peuples; il en ressort enfin que, de toutes les créations antichrétiennes de la révolution, la centralisation est la plus désastreuse, et qu'elle est le fléau le plus cruel par lequel l'esprit du mal révèle et exerce sa haine éternelle pour l'homme et pour la société.

Ainsi, bien loin qu'il soit dans la nature du Pouvoir politique de se mêler de tout, de concentrer tout, de tout assujettir à son action dans l'intérêt de sa conservation et dans l'intérêt d'un bon gouvernement, il est au contraire dans ses mêmes intérêts de se dessaisir du triste privilége dont la révolution lui a fait cadeau pour le perdre, du privilége de dominer en maître la religion, l'enseignement, l'administration, la commune et la famille. Il est dans son intérêt, aussi bien que dans l'intérêt du peuple, de renoncer à toute fonction civile pour se renfermer dans les fonctions, les seules propres, naturelles et légitimes du Pouvoir public, les fonctions de juger et de combattre.

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$ 74. La question de la décentralisation en France. Discours de M. le comte de Morny. Pitoyables arguments par lesquels de faux conservateurs ont essayé d'en combattre la généreuse idée. Réfutation de ces arguments. Résumé des doctrines développées ailleurs sur le même sujet. — La décentralisation est l'unique moyen de mettre la vie des Princes à l'abri des coups de la révolution. Conclusion.

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Maintenant, pour en finir avec ce grave et important sujet, il ne nous reste qu'à faire quelques remarques sur l'état où en est actuellement cette même question en France.

La question de la décentralisation soulevée par le magnifique discours du prince Napoléon à Limoges, et suivie par le discours non moins remarquable du comte de Morny à Clermont, est dans ce moment à l'ordre du jour. Ces deux personnages, par les hautes positions qu'ils occupent, sont trop à même de connaître la pensée du chef de l'État, pour qu'on puisse douter qu'ils aient fait dans leurs discours autre chose que s'y conformer et la recommander à l'attention publique. Or, l'illustre président du Corps législatif s'est ainsi exprimé :

« Quand je vois une assemblée départementale, animée d'un si bon esprit, s'identifier franchement avec son préfet, faire aussi bien ses affaires locales, lorsque ce département est le mien, je m'en réjouis doublement, parce que je considère, en outre, cela comme un pas vers la décentralisation administrative, et probablement aussi vers une plus grande somme de libertés civiles, dont je n'ai jamais cessé d'être un zélé partisan, dans quelque situation politique que je me sois trouvé.

« Grâce à l'appareil législatif que nous a légué le passé, en France, on ne peut pas remuer une pierre, creuser un puits, exploiter une mine, élever une usine, s'associer, et, pour ainsi dire, user et abuser de son bien, sans la permission ou le contrôle du pouvoir central; et de grands intérêts se trouvent souvent retardés ou sacrifiés dans les degrés inférieurs de l'échelle administrative.

« Je crois que plusieurs réformes seront apportées à cette situation, grâce à l'initiative et à la volonté puissante de l'Empereur, qui a fait étudier depuis longtemps tous les éléments de cette question.

«Le jour où le département, la commune et l'individu pourront, pour ainsi dire, s'administrer eux-mêmes, les affaires s'expédieront promptement, et bien des mécontentements qui remontent jusqu'au Pouvoir central s'éteindront. Mais je comprends aussi que le pays doit faire son éducation dans ce nouveau système; il ne faut pas qu'il attende tout du Gouvernement et rien de ses propres efforts, et que, dans son humeur, il le rende responsable de la tournure des événements et des saisons, dont il n'est malheureusement pas le maître. >>

Ainsi voilà un homme politique haut placé, auquel on ne peut refuser de grandes lumières concernant la situation du pays, et un dévouement à toute épreuve pour le Gouvernement établi, condamnant solennellement la centralisation, que la Révolution a léguée à la France, et la condamnant au point de vue des intérêts et des libertés publiques aussi bien que de la stabilité du Pouvoir.

Il est vrai que les graves paroles qu'on vient de lire ont provoqué d'énergiques protestations. Mais ces pro

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testations mêmes ne font qu'en prouver encore mieux l'importance et la vérité.

Ce sont d'abord, tous, sans distinction, les organes de l'opinion révolutionnaire qui les ont attaqués, et, par là, ils ont appris ce qu'on savait déjà, que la centralisation est l'œuvre chérie de la Révolution, la condition sine qua non de son existence, de sa puissance et de sa durée.

En effet, la centralisation n'est que la Révolution, toujours vivante dans les lois et menaçant incessamment tout pouvoir politique, quels que soient son origine, sa forme et son nom. La centralisation, c'est la société constituée à rebours, c'est la société semblable à une pyramide avec la base en haut et la pointe en bas, et qu'un souffle peut renverser; c'est la liberté et l'ordre public toujours à la merci de l'émeute et des coups d'État. C'est pourquoi tous les hommes de désordre, dans toutes les assemblées politiques et dans tous leurs écrits, se sont toujours montrés les partisans les plus furibonds de la politique centralisatrice. Rien que ce fait, constant et universel, devrait faire ouvrir les yeux aux vrais conservateurs, et leur apprendre la nécessité et l'urgence qu'il y a à retourner la pyramide, et à asseoir la société et le Pouvoir qui la régit sur la base large de la décentralisation des intérêts, des droits et des pouvoirs.

La centralisation, c'est l'extinction de la vie civile dans la province et la concentration du mouvement social sur un seul point; c'est le sang se portant vers la tête et menaçant à chaque instant de tuer la société d'un coup d'apoplexie.

Quant aux faux conservateurs, ils sont bien étranges

dans leur manière de la défendre. Les uns opposent qu'elle a été l'œuvre patiente, laborieuse et continue des grands politiques.

On comprend aujourd'hui que ces prétendus grands politiques n'ont été que ces rois funestes qui, pendant un siècle (comme Fénelon le leur a reproché), ont détruit pièce à pièce l'ancienne Constitution française, et ont implanté l'absolutisme païen au milieu du peuple très-chrétien. On comprend que leur œuvre patricide n'a été achevée que par les politiques de la Révolution, qui n'ont été grands que par leur ignorance de toutes les lois de l'ordre social, par leur haine aveugle de toute autorité et de toute religion, par leur infernale énergie pour tout détruire, par les excès de leur démence et par les horreurs de leurs crimes. On comprend enfin que, sans la centralisation poussée à ses dernières limites, ces grands politiques n'auraient pu, en moins d'un lustre, couvrir le beau sol de la France de tant de sang et de tant de ruines.

Mais il s'agit bien de savoir de qui la centralisation a été l'œuvre, et combien elle a coûté de temps, de patience et de travail à ses auteurs! On ne juge la bonne ou mauvaise nature des institutions politiques que par l'expérience. Or, traduite devant ce tribunal, la centralisation ne saurait trouver grâce qu'auprès de ceux qui veulent s'aveugler contre l'évidence des faits et le fait de l'évidence. Car n'est-ce pas un fait aussi palpable que lamentable que c'est dès l'instant où l'on a concentré tous les pouvoirs dans les mains d'une seule ou d'un petit nombre de personnes qu'on a vu tous les trônes chanceler sur leur base, tous les États ballottés incessamment entre l'anarchie et le despotisme, l'as-,

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