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hommes comme la matière, elle dépeuple les campagnes, agglomère la population dans des espaces sans air, affaiblit l'esprit comme le corps, et jette ensuite sur le pavé, quand elle n'en sait plus que faire, les hommes qui ont sacrifié pour l'enrichir leur force, leur jeunesse, leur existence. Véritable Saturne du travail, l'industrie dévore ses enfants et ne vit que de leur

mort.

<< Faut-il cependant, pour parer à ses défauts, la placer sous un joug de fer, lui ôter cette liberté qui seule fait sa vie, la tuer en un mot, parce qu'elle tue, sans lui tenir compte de ses immenses bienfaits? Nous croyons qu'il suffit de guérir ses blessés, de prévenir ses blessures.

<< Mais il est urgent de le faire, car la société n'est pas un être fictif; car c'est un corps en chair et en os, qui ne saurait prospérer qu'autant que toutes les parties qui le composent sont dans un état de santé parfaite.

« Il faut un remède efficace aux maux de l'industrie : le bien général du pays, la voix de l'humanité, l'intérêt même des gouvernants, tout l'exige impérieusement. « Qu'y a-t-il donc à faire ? Le voici :

« L'industrie appelle tous les jours les hommes dans les villes et les énerve. Il faut rappeler dans les campagnes ceux qui sont de trop dans les villes, et retremper en plein air leur esprit et leur corps.

<«< La classe ouvrière ne possède rien; il faut la rendre propriétaire. Elle n'a de richesse que ses bras; il faut donner à ces bras un emploi utile pour tous. Elle est comme un peuple d'ilotes au milieu d'un peuple de Sybarites; il faut lui donner une place dans la société, et

attacher ses intérêts à ceux du sol. Enfin, elle est sans organisation et sans liens, sans droits et sans avenir; il faut lui donner des droits et un avenir, et la relever à ses propres yeux par l'association, l'éducation, la discipline (OEuvres du prince Napoléon). »

Tout cela est aussi bien dit que sagement pensé; mais il n'est pas aussi facile d'appliquer ces remèdes qu'il l'a été à l'auguste auteur de l'indiquer : ce sont même des impossibilités dans toute la rigueur du mot, à moins qu'on ne commence par rétablir le droit des substitutions. C'est le seul remède efficace aux maux de l'industrie; car ce n'est qu'en respectant le droit des petits propriétaires des campagnes, le droit de former une famille et de la conserver, qu'on peut rappeler dans les campagnes ceux qui sont de trop dans les villes, et, ce qui vaut encore mieux, qu'on peut empêcher les villes de grossir aux dépens des campagnes. Ce n'est qu'en arrêtant le morcellement des propriétés et en accordant aux entreprises agricoles cette stabilité qui ne peut pas se trouver dans les entreprises industrielles, qu'on peut donner aux bras de la classe ouvrière un emploi utile pour tous. Ce n'est enfin que lorsqu'on possède le droit de perpétuer la propriété qu'on est vraiment propriétaire, qu'on a une place dans la société, qu'on s'attache aux intérêts du sol et qu'on possède des droits et un avenir.

Ainsi, nous nous trouvons au fond pleinement d'accord avec cette haute intelligence qui, dans ce moment, est à la tête des destinées de ce grand pays: et nous ne croyons pas nous faire illusion en nous abandonnant à l'espérance que ce personnage providentiel saura bien appliquer aux maux qu'il a si bien signalés l'unique remède qui peut les guérir.

$ 63. Digression sur l'augmentation du paupérisme et sur les mauvaises conditions de l'alimentation du peuple en France.

Ces maux sont constatés par tous les publicistes sérieux de ce pays. - Inefficacité des remèdes proposés par quelques-uns d'entre eux. La grande culture et la grande propriété, dans leurs rapports avec l'alimentation. La culture de la campagne romaine, d'après M. de Tournon. Le morcellement des terres, funeste au bien-être matériel des populations.

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A la suite de ces dithyrambes menteurs que les écrivains de la révolution font, depuis si longtemps, entendre tous les jours sur la prospérité et la richesse qui auraient suivi ce qu'ils appellent la démocratisation de la propriété, les sociétés modernes paraissent avoir fini par s'étourdir sur les tristes réalités de leur situation; mais cela n'a pu empêcher des esprits sérieux, et bien autrement patriotes, de venir de temps en temps troubler, par d'effrayantes révélations, leur funeste sécurité. Voici comment un publiciste moderne et consciencieux, et, par sa position, à même de bien juger les hommes et les choses, M. de Vatteville, dans son Rapport sur le paupérisme, vient de constater par des chiffres la misère des populations laborieuses en France. D'après ses calculs, les départements de l'est ont 4 indigent sur 14 habitants; mais ceux du nord en ont 4 sur 9, et celui du Nord proprement dit en a 1 sur 5. Les grandes villes offrent des proportions très-effrayantes. Paris a 4 indigent sur 12, Lyon 1 sur 10, Strasbourg 1 sur 8, Marseille 1 sur 7, Lille 4 sur 3!... Quant aux bureaux de bienfaisance, M. de Vatteville, en rendant justice à l'administration des secours à domicile sous l'ancienne monarchie, reconnaît et avoue

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que « l'administration actuelle, par une gestion mal inspirée, s'est laissé déborder et a paralysé presque << toutes les ressources, de telle sorte qu'elle ne peut plus « être ACTUELLEMENT qu'un palliatif et non un remède du paupérisme. » Il propose, il est vrai, comme moyen de le combattre la réduction des cabarets, l'abolition du chômage du lundi, l'émigration dans les colonies, les institutions de prévoyance, l'ouverture de nouvelles voies de communication, etc.; mais, tout en les proposant, il ne dissimule pas qu'il n'espère que faiblement en l'efficacité de ces moyens. Il a raison; ce qu'il demande se fait depuis longtemps, et rien n'empêche le paupérisme de grandir, de s'étendre toujours davantage. Les voies de communication en particulier, si nombreuses en France, ont donné des résultats tout à fait contraires. Ces voies de communication, qui transportent avec tant de facilité les hommes des lieux de leur naissance, transportent aussi les substances alimentaires des lieux de leur production. Les villes accaparent les denrées de première nécessité et les font enchérir dans les campagnes où, il y a quelques années, elles étaient à vil prix. La vie y est donc devenue chère; les petites gens n'ont plus d'intérêt à vivre au milieu des champs, et on les voit déserter leurs chaumières et l'air pur de la campagne, pour aller s'enterrer vivants dans ces foyers de corruption morale et physique que leur offre la générosité des villes; dans ces sous-sols que la civilisation moderne a imaginés pour les hommes, et auxquels la barbarie de nos pères n'avait jamais pensé, pas même pour y loger les ani

maux.

L'inconduite des dernières classes est sans doute

pour beaucoup dans le fléau du paupérisme; mais sa principale cause est dans l'organisation vicieuse de la société, telle que la révolution l'a faite. En y détruisant la propriété, elle y a détruit la famille; et là où il n'y a plus ni famille ni propriété stables et assurées, le paupérisme en sort aussi naturellement que les vers de la corruption; l'individualisme universel, c'est la pauvreté universelle.

Il est reconnu par tous les économistes que la grande culture est incompatible avec le morcellement du sol, et que, d'un autre côté, ce n'est que par la grande culture qu'on peut obtenir l'abondance des substances alimentaires de première nécessité, qui est la condition essentielle du bien-être et de la vraie richesse des peuples.

Les faits sont là pour prouver la vérité de ces doctrines. On a reproché au gouvernement pontifical l'état pitoyable, comme on l'appelle, de l'agriculture dans les campagnes de Rome, par la raison qu'elles se trouvent dans les mains d'un petit nombre de propriétaires; et on lui oppose l'état florissant des terres des Légations, par suite de la division de la propriété qui y fut introduite pendant l'occupation française.

Personne n'ignore qu'ayant prêté l'oreille à ces criailleries, Napoléon Ier enyoya sur les lieux le célèbre économiste M. de Tournon, le chargeant de bien examiner le système de culture des terres qui entourent la ville éternelle, et de lui proposer les améliorations qu'on pourrait y introduire. M. de Tournon, après avoir tout vu de ses yeux, et après avoir pendant plusieurs années étudié la question, s'acquitta de la commission en homme de science et d'honneur. Son

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