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prendre des précautions honteuses pour les empêcher de naître, par ces crimes contre nature, devenus si communs même dans les classes plus élevées, et qui changent l'épouse en maîtresse, et le sanctuaire de la famille en un lieu de prostitution.

§ 62. On démontre que la loi actuelle sur les successions a porté un coup mortel à l'agriculture et à la propriété domestique.Eclatant témoignage de plusieurs publicistes et même du prince Louis-Napoléon en faveur de cette démonstration. - Justesse et

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valeur de ces témoignages. L'abandon des campagnes. — La ruine des familles agricoles.

La loi que nous discutons n'est pas moins funeste à l'agriculture et à la propriété des familles. Là-dessus tout le monde est parfaitement d'accord; les partisans mêmes de l'ordre social et de l'ordre politique actuel (les publicistes du Siècle excepté) sont unanimes à reconnaître les énormes inconvénients qu'offre le développement de cet ordre de choses; et ils se plaignent, eux aussi, que la division du sol soit un obstacle au progrès agricole. Seulement quelques-uns parmi eux pensent que ces inconvénients pourraient bien être atténués par l'action du gouvernement, qui devrait arrêter le morcellement lorsqu'il atteint un certain degré, et prévenir ainsi la ruine certaine de toute une famille. Cette doctrine peut se traduire dans ces deux mots: Il faut garder un mauvais principe parce que le gouvernement est en mesure, quand bon lui semble, d'en arrêter les conséquences. Nous n'avons pas besoin de prouver combien est absurde ce système, qui, pour obvier au triste résultat d'une mauvaise loi, ne trouve d'autre moyen que d'autoriser l'arbitraire.

Dans le court mais solide écrit que, nous avons plusieurs fois cité, Le droit d'aînesse, contre les opinions révolutionnaires d'un magistrat célèbre, et dans lequel M. de Bonald a fait ressortir, avec cette dialectique vigoureuse et cette clarté de style qu'on lui connaît, toutes les conséquences funestes de la loi du partage égal des successions, cet auteur a tracé ces éloquentes lignes sur la condition que cette loi a créée à la famille agricole : « Il faudrait n'avoir aucune notion des choses de ce monde, du vif attachement qu'inspire à l'homme la propriété qu'il cultive et qui le nourrit, et des habitudes qu'elle fait naître, pour croire que le père de famille met plus d'intérêt à donner quelque chose de plus à ces puînés, qu'à conserver dans sa maison à transmettre à ses descendants les propriétés qu'il a reçues de ses pères, et qu'il a passé sa vie à cultiver, à améliorer, à embellir. Ce n'est pas sans un profond sentiment de douleur et d'amertume qu'il prévoit que l'égalité des partages va, dès qu'il ne sera plus, dissiper son ouvrage et faire passer ses biens en mains étrangères, peut-être en celles d'un voisin jaloux, peut-être d'un ennemi. » En confirmation d'une remarque si juste et si importante, l'auteur de La législation primitive rapporte qu'un riche cultivateur, qu'il félicitait un jour sur le bon état de ses propriétés, lui répondit avec un accent de douleur difficile à rendre : « Il est vrai, elle est belle et bien cultivée, ma propriété ! « mes pères depuis plusieurs siècles, et moi depuis

cinquante ans, nous avons travaillé à l'étendre, à « l'améliorer, à l'embellir; mais vous voyez ma nom<< breuse famille! et avec leurs lois sur le partage, mes << enfants seront un jour valets là où ils sont maîtres! >>

Et nous aussi, nous pouvons rapporter quelque chose de semblable.

On vient de nous apprendre qu'un homme très-bien placé dans la société, autant par l'honorabilité de ses sentiments que par l'étendue de ses connaissances et l'ardeur de son zèle en agriculture, ayant passé toute sa vie à la campagne, est parvenu, au moyen d'immenses et rudes travaux, à former une grande propriété modèle. Il y a acclimaté les plantes les plus riches et les plus variées; il y a établi tout ce qu'en fait de machines agricoles la science moderne a produit de plus parfait; il y a créé des produits d'alimentation et d'agrément aussi abondants par le nombre que supérieurs par la qualité. De nombreux troupeaux d'animaux utiles de toute espèce, ainsi qu'un système d'irrigation le mieux imaginé, y répandent une fertilité fabuleuse.

C'est un véritable musée et une école pratique concernant l'art important de cultiver le sol, et de l'obliger à rendre le double de ce qu'il rend ailleurs. «Eh « bien! voilà, » disait-il dernièrement à un de nos amis, d'un air de la plus profonde tristesse, « voilà << que cette belle propriété va être partagée à ma mort << entre mes enfants; et que mes quarante ans de tra<< vaux pour former ce que vous voyez auront été jetés << aux vents. Au moins, si le gouvernement voulait l'a

cheter, j'en partagerais le prix entre mes fils, et elle <<< resterait tout entière pour servir d'encouragement << et d'exemple, et pour perpétuer mon nom! >>

De pareilles situations sont plus nombreuses qu'on ne pense; et il est évident qu'elles doivent avoir pour résultat infaillible de décourager, d'une part, l'activité

française de semblables entreprises qui n'auront pas d'avenir, et de l'autre d'engager les propriétaires du sol à ne le cultiver qu'au jour le jour, et autant qu'il est nécessaire pour en percevoir des avantages leur vie durant; qu'en un mot, cette condition déplorable que la loi du partage a faite aux propriétaires, en leur ôtant l'espérance de perpétuer les fruits de leur zèle, est la mort des grandes entreprises agricoles et un immense obstacle aux progrès bien entendus de l'agriculture nationale.

« L'égalité des partages, ajoute enfin M. de Bonald, porte un coup mortel à la propriété. Quel intérêt peut mettre le propriétaire à l'acquisition et à l'amélioration d'une propriété qui lui donne tant d'embarras pendant sa vie et qui doit, à sa mort, disparaître en fractions imperceptibles et aller grossir le patrimoine d'une famille étrangère? Comment oserait-il se livrer à des spéculations d'amélioration qu'il peut ne pas achever, et que personne après lui ne doit continuer? Qui avancera les fonds nécessaires, au risque de se voir ballotter entre de nombreux héritiers? Les enfants ne diront plus comme leur père lui-même a dit : « Ce sont les arbres « que mon père a plantés, les champs qu'il a défri«< chés, la fontaine qu'il a creusée. » Il ne restera plus de monument de l'intelligence et des labeurs de leur père; ces souvenirs si touchants qu'ils font naître, et qui inspirent le désir d'en laisser de semblables à ses enfants, s'effacent entièrement, et des enfants ne savent plus où a été leur berceau ni où repose la cendre de leurs pères! >>

Mais le nom de M. de Bonald rappelle des opinions qui ne sont pas du goût des adversaires que nous com

battons et qui diminuent à leurs yeux l'autorité de son témoignage, et d'ailleurs trente-quatre ans se sont écoulés depuis que cet illustre auteur a écrit ce qu'on vient de lire. Écoutons donc un écrivain contemporain, esprit aussi loyal qu'éclairé, et l'un des membres les plus distingués du Sénat.

Dans son important écrit que nous venons de mentionner, M. Le Play a prouvé que les inconvénients de toute espèce attribués par M. de Bonald à la loi du partage sont d'une déplorable réalité, et que le temps n'a fait que les augmenter toujours davantage.

« L'une, dit-il, des propensions les plus marquées de l'école révolutionnaire a été de faire, autant que possible, abstraction de la famille, et de placer sans cesse l'État en présence des individus. C'est par là peut-être qu'elle s'écarte le plus de la tradition européenne, qui, presque partout encore, considère la commune et l'État comme des agrégations de familles, et qui interdit, si ce n'est en cas de nécessité absolue, toute intervention dans les intérêts de ces communautés naturelles. Privée de l'autorité et des ressources nécessaires à son existence, la famille française s'est tellement affaiblie qu'elle ne peut même plus donner à ses propres membres l'assistance et l'appui indiqués dans les civilisations imparfaites par les lois de la nature et de l'affection....

<< De toutes les conséquences du régime de partage forcé, la plus funeste est l'amoindrissement chaque jour plus marqué du personnel des familles; je n'en connais pas qui réagissent avec des circonstances plus déplorables sur les mœurs et sur le travail. Les nations qui jouissent de la liberté testamentaire ou qui sont sou

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