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fonctionne depuis dix ans, et où il serait peut-être dangereux d'y toucher, tous les pères de famille sont admis à voter. Sous ce rapport, on y est donc en règle avec le droit naturel; mais comme les pères de famille n'ont pas le droit de vote en tant que pères de famille, mais en tant que citoyens, c'est l'individu et non la famille qui possède ce droit d'où découlent tous les droits sociaux. Mais l'individualisme social n'est que la traduction de l'individualisme philosophique et religieux; c'est la souveraineté du peuple dans le sens de la révolution; c'est la souveraineté de la raison individuelle, et le protestantisme, trônant dans la politique; et de là les inconvénients que nous venons de signaler comme dérivants du suffrage universel. Si donc des circonstances exceptionnelles, avec lesquelles il faut toujours compter, ne permettent ni de le restreindre ni de le modifier, c'est une raison de plus pour que les hommes d'État de ce grand empire s'empressent de relever par d'autres moyens la paternité et la famille, et de neutraliser par ces moyens la puissance destructive du droit de vote accordé à la multitude. C'est de ces moyens que nous allons nous occuper dans le chapitre suivant.

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CHAPITRE XII.

ENCORE DES RAPPORTS DU POUVOIR PUBLIC AVEC LE POUVOIR PATERNEL, OU DES MAJORATS ET DES SUBSTITUTIONS.

$57. De même que la société politique non constituée par la publicité du culte et de la législation est une société nomade, de même la société domestique reste dans un état de dissolution et de mort si elle n'est pas constituée par la stabilité de la propriété. Toute famille tend naturellement à se perpétuer.-La société politique n'existe que par le désir des chefs de famille d'y trouver la stabilité de la famille et de la propriété. La loi qui interdit les substitutions est en opposition avec le droit naturel. Injustice de l'Etat qui, en interdisant l'immobilisation de la propriété domestique, condamne la famille à périr.

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Ex parlant des différents états où peut se trouver la

société politique, nous avons prouvé que nulle société de ce genre ne peut se constituer sans s'être précédemment établie, et qu'elle ne s'établit qu'en sortant de son état nomade (ch. III, § 40, p. 116).

Il en est absolument de même de la société domestique.

La société politique ne se constitue que par le culte et par une législation uniformes, permanents, publics, découlant de la constitution fondamentale, et par des autorités religieuses et civiles, chargées d'en maintenir l'exécution. De même la société domestique n'est

constituée que lorsque son chef en a fixé la loi fondamentale et tout ce qui s'ensuit par son testament; car le testament du père de famille est la constitution de la famille, comme la constitution de l'État n'est que le testament des fondateurs de l'État.

Enfin, la société politique ne sort de son état nomade et ne s'établit que lorsqu'elle s'est fixée d'une manière permanente sur un territoire quelconque, qui devient par cela même son pays à elle. De même la société domestique ne s'établit que par l'occupation permanente du sol, ou par l'immobilisation de la propriété de son fondateur ou de son chef.

Bien plus, même à l'état nomade, dans lequel elle change souvent de place et se transporte d'un lieu à un autre, dans l'intérêt de sa conservation et de son bien-être, la société des familles est toujours une société publique, tandis que la société des individus, privés de toute propriété stable, n'est pas une société domestique. Elle peut être une famille dans le sens naturel; mais elle ne l'est pas dans le sens légal et social. On peut même dire que l'état nomade ou l'état incertain, précaire, parce qu'il n'est pas attaché à la stabilité de la propriété, est pour la famille un état de destruction et de mort.

Voyez ce qui arrive dans les pays où l'esprit révolutionnaire est parvenu à faire passer dans les lois l'interdiction de toute SUBSTITUTION, ou à établir en principe le morcellement forcé de la propriété domestique. A la mort du père, ses enfants se partagent ses dépouilles par portions à peu près égales; ils vendent la maison et la terre paternelles, et chacun en touche le prix qui lui revient'; ils se débandent comme des êtres

n'ayant plus un centre commun, capable de les maintenir unis; ils vont former des nouvelles unions, aussi précaires que celle dont ils sont sortis, mais leur famille commune n'existe plus; en sorte qu'il y a dans ces contrées des hommes et des femmes qui s'unissent pour avoir des enfants, à peu près comme parmi les animaux; mais des familles proprement dites, conservant les traditions, et, qu'on nous pardonne cette expression, les dieux pénates de leur chef, ainsi que son nom, il n'y en a pas. Que voulez-vous ? l'existence de la famille, toujours la même, est essentiellement liée à la stabilité de la même maison, de la même propriété ou de la même industrie; et, point de propriété stable, point de famille.

Égaré par de mauvais conseils, en 1819, le gouvernement napolitain, en adoptant le droit public de la révolution, non-seulement interdit les nouveaux majorats, mais détruisit les anciens; en sorte que leurs titulaires, qui n'en avaient que le fideicommis, en devinrent propriétaires et purent disposer, d'après les principes du Code français, en faveur de leurs enfants, des terres patrimoniales des familles. Or, « A la bonne heure! » s'écria alors l'un des cadets d'un grand seigneur (le prince del Cassaro, majordome du roi,) « voilà « enfin effacée l'énorme injustice de ce droit barbare << par lequel, parmi les fils d'un même père, l'un avait <<< tout et les autres rien. » A quoi le prince, dont le bon sens exquis égalait la noblesse du caractère, répondit : « Insensé que tu es! tu ne sais ce que tu dis; si cette «< prétendue injustice n'avait pas existé dans notre << pays depuis six siècles, je ne serais pas, moi, le << prince del Cassaro, ni toi le fils d'un grand seigneur

<< dont le nom t'a valu une place dans l'armée, à laquelle « tu n'avais aucun autre titre. Tu n'aurais pu toucher << à cette partie de propriété qui te revient maintenant; «< car toute la propriété de notre ancienne famille, «< morcelée en des parties infiniment petites, se serait << depuis longtemps évanouie dans le néant, et avec << elle l'éclat de notre nom et de notre maison. Encore, « ou tu ne serais pas né, ou tu ne serais que le fils « d'un cordonnier ou d'un portefaix. Mais prends cou

rage! ce dernier honneur, auquel tu as échappé à la « faveur de l'injustice de l'ancienne législation, est as«< suré à tes enfants en vertu de la justice de la législa<< tion nouvelle. »

On nous rapporte qu'en plusieurs endroits, le père venant à mourir, son premier-né, poussé par le désir naturel qu'a tout fils non dégénéré de prolonger encore de quelques années l'existence de la maison ou de la chaumière qui l'a vu naître, fait de grands sacrifices pour en empêcher la vente, emprunte de l'argent à des taux usuraires pour désintéresser ses frères, et ruine sa propre famille, dans la pieuse intention de conserver quelques souvenirs de la famille (1).

(1) « L'égalité du partage a eu un autre effet, un effet politique et d'une grande conséquence: il a fait tomber le serviee « volontaire, et a forcé le gouvernement d'établir et de géné«raliser la conscription, déplorable nécessité qui pèse sur tous « et plus encore sur les plus pauvres et les plus malheureux, qui «< n'ont d'autre richesse que leurs enfants, ni d'affection que « pour eux, service forcé que les libéraux ont regardé comme l'accompagnement obligé et le soutien de la liberté. Là où les « affections domestiques étaient les plus vives, les familles propriétaires, même les moins aisées, ont fait d'énormes sacrifices

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