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En étudiant sérieusement l'histoire d'Angleterre au XVIIe siècle, il est impossible de ne pas se convaincre de ces deux faits: 1° que, pendant cette longue période, le vrai Parlement et la vraie nation qu'il représentait ont constamment fait preuve de sagesse, de modération, de justice, et d'un désir sincère de voir rétablir l'ancienne constitution anglaise, d'après laquelle le Pouvoir suprême était dévolu aux chambres et non au roi; et d'après laquelle celui-ci devait se contenter du rôle de connétable ou de chef du ministère public; 2o que, si dans la cause de Charles Ier tout s'est fait par les conspirations, par les émeutes, par la trahison, par l'injustice et par la force, et si la nation ne put sauver le roi, la faute en fut à la royauté elle-même, qui, depuis Henri VIII, avait faussé toutes les idées touchant la souveraineté, avait méconnu tous les droits que la communauté parfaite de ce pays s'était réservés, avait confondu tous les ordres, avait introduit la corruption dans tous les grands corps de l'État, avait enfin renversé quant à l'esprit et quant à la lettre toutes les lois et n'avait laissé debout aucun principe de droit, aucune règle de justice. Elle a donc été punie par ой elle avait péché, car le désordre de toutes les choses humaines et divines, dont elle a été victime, avait été

son œuvre.

A l'égard de Charles II, la nation anglaise et le Parlement, qui en était la représentation légitime, ont manifesté, d'une manière encore plus frappante qu'ils ne l'avaient fait à l'égard de son père, leurs sentiments d'ordre et de justice. On le rappela de son exil volontaire; on l'accueillit avec des transports de joie, et il fallut que ce triste prince renouvelât d'une manière plus

dégoûtante encore les fautes de ses aïeux, pour rendre odieuse et impossible sa dynastie. Pendant les vingt ans de son déplorable règne, les plaisirs furent sa grande affaire; il ne laissa pas un enfant légitime, mais une foule de bâtards adultérins qu'il combla de richesses et de titres. L'exemple du roi était imité par la cour; les anciens royalistes n'avaient célébré leur triomphe qu'en se livrant à la débauche et à l'ivrognerie; les nouveaux s'efforçaient de les surpasser pour prouver la sincérité de leur conversion; le libertinage de la vie était le titre le plus légitime à la faveur du roi, et le moyen le plus sûr de parvenir. Un jour, dans un moment de gaieté, Charles II, ayant dit à Shaeffsbury, son ministre : « Je crois que tu es le plus mauvais sujet de mes États, en reçut cette réponse : « Votre Majesté a raison, si elle entend parler seulement de ses sujets.» «< S'il était possible de supposer, » a dit M. de Chateaubriand, «< que <«< la corruption de mœurs répandue par Charles II en

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Angleterre fût un calcul de sa politique, il faudrait << ranger ce prince au nombre des plus abominables « monarques. >>

Il fit passer un acte aux communes par lequel il voulut rétablir la doctrine de Jacques Ier sur l'obéis sance passive. Il empiéta contre les catholiques, et particulièrement contre cette héroïque Irlande, qui cependant s'était exposée aux fureurs de la plus atroce de toutes les persécutions de la part de Cromwell pour rester fidèle à Charles Ir son père. Jamais les catholiques n'ont été opprimés d'une manière plus infâme et persécutés d'une manière plus atroce que sous ce monstre de libertinage, sous ce prince écervelé et lâche, qu'on a cependant voulu faire passer pour catholique.

C'est donc en désespoir de cause et après avoir attendu en vain pendant un siècle que les Stuarts voulussent entendre raison au sujet de la souveraineté, que l'Angleterre s'est débarrassée de ces princes et qu'elle leur a substitué une dynastie du continent qui, étrangère à toute tradition héréditaire de despotisme, se résigna à se renfermer dans le cercle bien restreint des attributions que la constitution anglaise a réservées

au roi.

Cette histoire est bien instructive; elle nous apprend, entre autres choses, la raison par laquelle, de toutes les révolutions modernes, celle de l'Angleterre a seule réussi. C'est que, tandis que toutes les autres révolutions ont prétendu imposer au peuple des constitutions toutes nouvelles, la révolution anglaise seule n'à travaillé qu'à restaurer l'ancienne constitution de cé pays; c'est-à-dire que, tandis que les brouillons du continent ont voulu assujettir leur pays à des formes de gouvernement contre sa nature, les hommes sérieux de l'Angleterre ont voulu ramener leur pays au régime conforme à sa nature, duquel seul peut résulter l'ordre, le repos, la sûreté du pouvoir et la liberté publique.

Cela nous explique pourquoi les États-Unis, en se détachant de la mère patrie, se sont avec tant de facilité constitués en république. C'est la race anglo-saxonne qui s'était établie dans cette contrée, c'est-à-dire la race qui n'a jamais entendu déléguer à une seule personne la souveraineté politique, mais qui se l'est réservée à elle-même et l'a exercée par les deux chambres, et par un chef du Pouvoir exécutif, auquel elle n'avait donné que le nom de roi. Les États-Unis n'ont donc fait autre chose que changer le nom de leur connétable,

appeler président celui qu'en Angleterre on a continué à appeler roi, et restreindre à quatre ans l'exercice de son Pouvoir. Pour le reste, ils n'ont pas créé une république, mais ils sont restés républicains ainsi qu'ils l'avaient toujours été.

La même chose, quelques siècles avant, avait eu lieu en Suisse. Attendu la situation géographique de ce pays et la manière d'exister de ces populations, séparées les unes des autres par des montagnes, des rivières et des lacs, et ayant des chefs particuliers, la Suisse, depuis un temps immémorial, n'avait été et n'avait pu être qu'un État confédéré, une république démocratique, exerçant le Pouvoir suprême par des conseils particuliers présidant la commune, et par un conseil fédéral gouvernant toute la confédération. Même après qu'elle fut tombée au pouvoir des empereurs d'Allemagne, ces derniers n'en étaient pas les souverains et n'en exerçaient pas le Pouvoir public par le droit, mais par

la force. C'était un état violent et contre-nature qui ne pouvait durer. Ainsi ce généreux pays, en finissant par recouvrer son ancienne indépendance, ne se forma pas en république, mais il revint à son état originaire et naturel d'une république fédérative.

Il résulte de ces considérations une preuve nouvelle en faveur de ces deux principes: 1° du principe spéculatif que nous avons développé dans le cours de cet ouvrage Que nul Pouvoir public n'est légitime qu'en tant qu'il est conforme à la constitution naturelle de chaque pays; et 2o du principe pratique sur lequel nous reviendrons tout à l'heure : Que nulle révolution ne peut réussir, si, au lieu de restaurer l'ancienne constitution, propre à chaque État, elle la renverse pour se jeter dans

l'inconnu, pour créer un avenir qui n'a ni fondement ni raison dans le passé, ou bien pour affubler une nation chrétienne des formes barbares et hideuses des anciennes républiques païennes.

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§ 48. L'ancienne constitution française était essentiellement monarchique et avait très-bien résolu le problème de la stabilité du Pouvoir et de la liberté du peuple. Folie des publicistes modernes de vouloir imposer aux États des constitutions de leur création.— Il est aussi impossible de donner à un État, qu'il est impossible de donner à un homme, une constitution autre que celle qu'ils tiennent de leur nature. - Injuste reproche qu'on fait à la France d'être un pays ingouvernable. — Par ses fréquentes révolutions, la France ne fait que réclamer sa constitution propre, qu'on s'est obstiné à lui refuser. - Différence essentielle entre le droit héréditaire de toute propriété et le droit héréditaire de la souveraineté. Ce dernier droit ne s'acquiert que par le consentement de la nation, prêté toutes les fois que la souveraineté passe d'une personne à une autre. La communauté parfaite ne confère que l'usage du pouvoir et non la propriété; c'est un contrat emphyteotique. -Preuves historiques tirées de l'ancienne constitution française et de l'usage de toutes les monarchies, en faveur de cette doctrine. - Nul descendant légitime d'un roi n'est roi légitime lui-même sans le consentement, au moins tacite, de la nation.

Mais, comme la constitution ancienne, la constitution naturelle de l'Angleterre est essentiellement républicaine, la constitution ancienne, la constitution naturelle de la France est essentiellement monarchique. C'est le pouvoir suprême confié à un chef héréditaire dans sa plus grande plénitude, par rapport aux deux fonctions essentielles de ce pouvoir : la fonction de juger et celle de combattre; mais limitée par la puissance

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