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portion de l'ancienne Pologne dont la lâcheté et l'infamie des mêmes Judas les ont rendues maîtresses. Ces gouvernements auraient pu, eux aussi, par les moyens que nous venons d'indiquer, devenir possesseurs légitimes de ces contrées, volées à la république chrétienne et à l'Église; mais, ayant partagé sous plusieurs rapports les emportements aveugles de la Russie dans la manière de les gouverner, ils partagent son injustice quant au droit de les posséder. La diplomatie ne ferait donc qu'un acte de haute civilisation et de haute justice qui la comblerait d'honneur, si elle s'entendait avec elle-même pour obliger, contre indemnité si l'on veut, le Joséphisme janséniste, le protestantisme et le schisme, de restituer chacun la part qu'il possède, sans la moindre apparence de droit, de l'ancienne Pologne, et pour s'appliquer à reconstituer dans son ancienne intégrité ce noble royaume.

Ce serait même, nous le répétons, l'unique moyen d'épargner à l'Europe une nouvelle avalanche de la part de la barbarie asiatique, d'y rétablir un équilibre véritable et de résoudre cette grande question d'Orient, de la solution de laquelle dépendent l'avenir de la civilisation et le repos du monde.

$ 46. A la suite d'une guerre juste, le vainqueur ne devient prince légitime du peuple conquis qu'à la condition d'en respecter la constitution. C'est ce droit public qui servait jadis de règle aux conquérants chrétiens, et qui explique l'indifférence des peuples chrétiens en présence des guerres de succesExemple tiré de la domination de l'Autriche en Italie. Ancienne constitution de la Lombardie que l'Autriche a respectée pendant trois siècles. — Faute et injustice de cette puissance de l'avoir méconnue dans ces derniers temps. Abus de

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la force que lui reproche l'opinion légitimiste et par lequel elle a effacé la légitimité de sa domination. - Le congrès de Vienne n'a pu, pas plus que les guerres, conférer la légitimité aux dynasties restaurées. Ce congrès n'a été qu'un grand crime. Ces souverainetés n'ont été légitimes qu'en vertu des anciennes constitutions de leurs États. En les foulant aux pieds, elles ont effacé elles-mêmes les titres de leur légitimité, et ont créé la triste situation de l'Europe de nos jours. On ne règne aujourd'hui que par le droit révolutionnaire de la force, et la révolution ne finira que par la restauration de la force du droit.

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La guerre juste, les traités internationaux, et enfin les congrès diplomatiques ne confèrent, pas plus que la conquête, la légitimité au Pouvoir.

D'après l'ancien droit public des peuples chrétiens, lorsqu'une contestation surgissait entre deux princes, on en appelait à l'arbitrage et à la décision du Souverain Pontife; et, comme nous l'avons déjà prouvé ailleurs (VII® Discours), de longues et affreuses guerres ont été, par ce moyen, bien souvent épargnées à l'Europe, et par un trait de plume ont été éteintes de grandes inimitiés, que des flots de sang chrétien n'auraient pu faire cesser. Mais depuis que l'étourderie des souverains n'a plus voulu de ce moyen, si simple et si peu coûteux, de justice et de pacification, le lot de la guerre, dit le publiciste Cocceji, est demeuré le seul juge de tout démêlé entre les pouvoirs souverains, et la dernière victoire est censée décider le procès en dernier ressort (1).

Mais, comme nous l'avons fait remarquer plus haut, même dans ce cas, ce n'est pas la victoire qui donne

« Cum inter summas Potestates lis sit, sola belli alea judex est; « et ultima victoria instar sententiæ (Diss. de jure regis ejecti).

au prince vainqueur la légitimité de la souveraineté sur l'Etat arraché par la force des armes au prince vaincu. Certainement celui-ci perd justement ses droits de souveraineté sur le peuple qu'il n'a su ou n'a pu défendre; car cette perte est la suite logique de la décision qui a eu lieu sur le champ de bataille, et à laquelle il s'était soumis d'avance en en appelant à la guerre; mais ce n'est pas au même titre que son rival devient le souverain légitime du pays conquis. Il ne fait qu'entrer simplement dans les droits du prince dépossédé, et ce n'est que de ces droits, résultant de la constitution et de la volonté du peuple tombé en son pouvoir, qu'il reçoit sa souveraineté nouvelle.

Or, voici l'importante conclusion qui découle de cette doctrine. Il s'ensuit que tout nouveau prince qui commencerait par méconnaître ou fouler aux pieds la constitution, les lois, les libertés du peuple que le sort des armes a fait tomber sous sa domination, effacerait lui-même, par cela seul, les titres de sa légitimité, et ne serait plus qu'un véritable usurpateur.

Par un reste de tradition des principes et des instincts chrétiens, les princes s'étaient bien gardés, jusqu'à la moitié du dernier siècle, de faire bon marché des constitutions des pays dont la guerre les avait mis en possession. Loin de porter atteinte à leur loi fondamentale, ils commençaient par la jurer et par la confirmer; loin de violer ou de restreindre leurs franchises et leurs priviléges, ils se faisaient un devoir et même un point d'honneur de les étendre et de les affermir. C'est ainsi, par exemple, qu'à la suite de tous les changements de dynastie que les guerres entre les souverains ont amenés en Sicile, ce royaume, loin

de la perdre, a vu son ancienne constitution confirmée et même élargie par les plus puissants souverains. Charles V, comme nous l'avons indiqué plus haut, à son retour de l'Afrique, alla chercher à Palerme, par le serment à la constitution et par le couronnement, la confirmation de la légitimité de son pouvoir sur cet intéressant pays; et en dernier lieu Charles III d'Espagne en a fait absolument de même, à la suite de la fameuse bataille de Velletri contre les Autrichiens, qui le rendit maître du royaume des Deux-Siciles.

Cela nous explique cette espèce d'indifférence, qui est l'un des plus singuliers phénomènes de l'histoire, de la part des peuples, en présence des guerres qui allaient décider du passage de la souveraineté de leur pays d'une dynastie à une autre. Comme il était reçu par les principes du droit public chrétien, et par un usage, à des exceptions près, toujours suivi, que les lois fondamentales des nations étaient chose sacrée, que tout nouveau souverain devait religieusemeut respecter, on ne voyait dans les guerres que les princes se faisaient entre eux que des querelles de famille ou de personnes dont l'issue, quelle qu'elle fût, loin d'empirer, ne devait qu'améliorer le sort du pays. Leur nationalité donc et leur autonomie n'étant pas en jeu, on assistait sans se passionner aux débats par les armes, par lesquels certains princes s'avisaient de vider leurs contestations personnelles ou dynastiques.

Voici encore une autre preuve bien frappante de la vérité de ces observations, et qui emprunte un grand intérêt aux circonstances de l'époque.

C'est à la suite de la bataille de Pavie que l'Autriche était devenue souveraine de la Lombardie. Eh bien,

tout en formant, depuis cette époque, une des provinces héréditaires de la maison de Habsbourg, ce beau pays n'en conserva pas moins sa propre constitution, tirée de ses traditions, de ses usages et de ses anciens droits. Le sénat institué par le roi de France Louis XII siégeait toujours à Milan, et avait des attributions analogues à celles de l'ancien parlement de Paris. Il exerçait nonseulement la magistrature suprême, mais il avait aussi le droit de contrôler tous les actes qui émanaient de la cour de Vienne, et il pouvait refuser de les entériner. La ville de Milan envoyait des ambassadeurs auprès du pape ou des autres puissances. C'est de Vienne, il est vrai, que venaient les lois d'intérêt général et les nominations aux plus hauts emplois; mais ces lois et ces nominations étaient faites sur la proposition des Lombards. La Lombardie payait à l'Autriche un tribut qui était fixé à huit millions de francs. De temps en temps, l'Empereur demandait quelques subsides, ou dons extraordinaires, mais ils n'étaient accordés qu'après avoir été discutés et consentis par les représentants du pays. La Lombardie ne fournissait pas de militaires à l'Autriche; on en recrutait quelquesuns, mais par des engagements volontaires. Marie-Thérèse ayant voulu établir en Lombardie aussi la conscription, la congrégation d'État s'y opposa, et consentit seulement à racheter cet impôt du sang moyennant une somme annuelle de douze cent mille francs. La Lombardie conservait donc son autonomie. Le culte, l'instruction publique, les travaux publics, l'administration intérieure, étaient du ressort des magistratures locales; les finances restaient toujours indépendantes; et cet état de choses a duré jusqu'en 1796. C'était la

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