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orthodoxe Russie se considère maîtresse légitime du petit royaume de Pologne, qu'en 1831 la trahison des démocrates francs-maçons, bien plus que la vaillance militaire des Moscovites, fit retomber sous ses griffes (1).

Mais les chrétiens (pour lesquels c'est le droit qui fait la force, et non la force qui fait le droit) ont toujours repoussé avec horreur ce droit public du lion, ce droit public de l'école matérialiste et athée d'Épicure, d'Hobbes et de Lamettrie. Pour eux c'est un principe absolu de leur science sociale que FORCE NE FAIT PAS DROIT. Grotius s'est ainsi exprimé sur ce sujet : << Tout envahisseur d'un pays n'est qu'un usurpateur « et un BRIGAND; tout ce qu'il fait, il le fait injuste

(1) « Que voulez-vous? »> nous disait, dans le temps, un diplomate russe à Rome, << nous sommes allés les combattre, nous les avons vaincus, nous sommes donc leurs maîtres légitimes, par droit de conquête. » D'après la remarque du cointe de Maistre, la Russie étant tombée dans le schisme, deux siècles à peine après que les envoyés du Saint-Siége l'eurent soustraite à l'idolâtrie, n'a pas eu le temps de se pénétrer, comme l'avaient fait la France et l'Espagne, de l'esprit du christianisme de manière à le faire passer dans ses lois et dans ses institutions. Convertis au christianisme, ses peuples sont devenus chrétiens; mais son droit public, sa constitution et ses formes gouvernementales sont restés complétement païens. De là cette doctrine païenne de la légitimité du droit, jaillissant du fait de la conquête, qui fait la base de son droit des gens. De là aussi l'usage, encore païen, de se débarrasser du czar par la strangulation ou par le poison, érigés en moyens constitutionnels de la transmission légitime du Pouvoir. Et de là, enfin, cet absolutisme sauvage, toujours païen, que les lois attribuent au Pouvoir, sur les biens et sur la vie des citoyens, et qui fait de cette belle race un peuple de serfs à demi barbare.

«ment; par conséquent toutes ses actions concernant « le droit à l'empire sont nécessairement frappées de « nullité par le droit (1). ›

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En criant donc tout haut que l'USURPATEUR N'A POINT DE DROIT: Usurpatoris jus nullum est, ce publiciste n'a fait que proclamer cet axiome du droit public des nations chrétiennes, fondé sur la raison, sur le droit naturel et sur l'Évangile : QU'ON N'EST PAS SOUVERAIN LÉGITIME PARCE QU'ON A ÉTÉ CONQUÉRANT HEUREUX. A moins donc qu'on ne veuille fouler aux pieds tous les principes et tous les instincts chrétiens, pour revenir au droit public païen, il faut impitoyablement effacer la conquête du nombre des conditions de la légitimité politique.

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§ 45. La résignation de la part d'un peuple à subir un Pouvoir usurpateur ne crée pas un droit quelconque au profit de ce dernier. La longue durée de l'usurpation ne saurait la légitimer non plus. A quelle condition un Pouvoir usurpateur peut devenir légitime. - Faute de cette condition, les Turcs ne sont pas maîtres légitimes de la Grèce chrétienne. - Infamie des publicistes de la révolution, se déclarant, ainsi que l'avait fait Luther, pour la légitimité turque. Une nouvelle croisade contre les musulmans serait légitime. La Russie se trouve à l'égard de la Pologne dans les mêmes conditions que la Turquie à l'égard de la Grèce. - Le czar actuel, malgré sa bonne volonté, ne pourra qu'à grand'peine légitimer son pouvoir sur la Pologne. Il n'est pas plus facile pour l'Autriche et pour

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Invasor usurpator est et PRÆDO, qui omnia quæ agit injuste agit unde necessario sequitur omnes ejus actiones, quatenus ad jus imperii pertinent, ipso jure nullas esse (GRO« TIUS, lib. II, c. 14).

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la Prusse de légitimer le leur sur ces mêmes contrées. la diplomatie doit à la Pologne.

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Conquérir, d'après la signification qu'on attache généralement à ce mot, n'est que envahir un pays indépendant à la suite d'une guerre de trahison ou de la trahison d'une guerre qu'aucune raison ne justifie. Toute conquête est donc radicalement et essentiellement injuste; et le temps de sa durée, quelque long qu'il soit, ne saurait la dépouiller de cette tâche originelle, quoique le peuple conquis s'y résigne, afin d'échapper à de plus grands malheurs. « C'est en

quelque sorte, dit saint Augustin, une voix de la << nature même qui a persuadé à presque toutes les <«< nations de se laisser subjuguer par les princes qui «<les auront vaincues, plutôt que de s'exposer à être << anéanties par les dévastations et tous les malheurs de « la guerre (1). » Mais cette résignation de la part du

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(1) « In omnibus fere gentibus quodammodo vox naturæ ista personuit, ut subjugari victoribus mallent, a quibus contigit vinci, quam bellica omnifaria vastatione deleri (De Civ. Dei, lib., 18). »

En confirmation de la vérité de cette remarque, nous nous contenterons de rappeler un seul fait : Il existait jadis entre le duc (puis roi) de Naples et son peuple cette convention, que le prince était obligé d'accepter et de jurer en montant sur le trône : Que, si le duc eût été vaincu à la guerre, et que l'ennemi eût « occupé la forteresse de Capoue (à cinq lieues de Naples), il « était censé avoir abdiqué en faveur de son rival; et qu'alors,

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déliée, par ce seul fait, de son serment de fidélité, la nation « aurait été autorisée à envoyer les clefs de la ville de Naples au vainqueur et de le proclamer son seigneur légitime. »> La raison

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de ce pacte, qui peut paraître étrange, et qui n'était que l'écho

peuple ne crée pas un droit quelconque au profit de l'usurpateur.

Le droit public, dit Cocceji, n'admet point de prescription contre le droit particulier d'un roi légitime que l'usurpateur a chassé. Au contraire, l'injustice de ce dernier, loin de s'effacer, s'accroît avec le temps; et par conséquent il est toujours permis au roi légitime de chercher à le chasser à son tour, soit par ses propres moyens, soit avec le secours de ses alliés (1). Cependant il peut se faire, et quelquefois il s'est fait, que l'envahisseur injuste d'un pays, écoutant les voix de la raison et de la justice, laisse au peuple envahi sa constitution, ses droits, ses priviléges, sa religion; et que, par conséquent, ce peuple, satisfait de son nouveau maître, s'arrange de sa domination, et avec le temps finisse par s'attacher à lui comme à un principe d'ordre, de stabilité et de bonheur. C'est ainsi que les anciens Gaulois, conquis par les Romains, mais respectés par ces derniers au point de vue politique et religieux, et laissés à peu près maîtres chez eux, finirent par être fiers de faire partie de l'empire, et devinrent un des

de cette voix de la nature dont parle saint Augustin, était ajoutée au pacte même. « C'est, y disait-on au prince, que nous n'entendons pas voir notre beau pays ravagé par la guerre. » Sans être établi en loi par une convention précédente, ce même fait s'est renouvelé maintes fois chez d'autres peuples, jusqu'à ces derniers temps. On n'a pas oublié en France ce que le sénat et la ville de Paris se sont crus autorisés à faire, à la suite de l'occupation de tous les environs de Paris par les armées alliées.

(1)« Juri ejecti regis nunquam præscribetur, sed tempore « augetur injuria usurpatoris; et semper ei licitum est suis vel ◄ amicorum opibus invasorem expellere (De jure regis ejecti). »

il est

éléments de sa force et de sa gloire. Dans ce cas, évident qu'abusive et injuste au commencement, la souveraineté du conquérant peut devenir et devient juste et légitime dans la suite. Cependant, qu'on le remarque bien, ce n'est pas là l'œuvre d'un temps plus ou moins long; car, d'après la règle du droit, nulle chose injuste ne peut devenir juste seulement par le laps de temps; Injustum lapsu temporis justum fieri nequit; mais c'est parce que la nation, se trouvant bien du nouveau souverain, consent, au moins tacitement, à sa domination, et par là elle lui confère immédiatement le Pouvoir. Car, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas entendre, la souveraineté étant la propriété de la nation et n'étant immédiatement conférée que par elle, nul Pouvoir ne saurait être légitime s'il n'est pas, d'une manière plus ou moins explicite, consenti, accepté et sanctionné par la nation.

Il n'en est pas ainsi lorsque le conquérant foule aux pieds la constitution du peuple conquis, qu'il l'exploite dans l'intérêt de ses passions et de ses fantaisies, et qu'il l'opprime de toutes les façons sous le rapport religieux, financier, civil et politique. De quelque longue date que soit une telle domination, et quelque héroïque que soit la résignation d'un tel peuple à la subir, elle n'est pas et ne saurait jamais être légitime. C'est le cas des Turcs vis-à-vis de la Grèce chrétienne. Quatre siècles se sont déjà écoulés depuis que cette malheureuse contrée est tombée sous le glaive de l'islamisme; à de rares exceptions près, elle a supporté sans murmure son affreux sort; mais ni sa patience, ni un si long laps de temps, ni la lâcheté et l'injustice de quelques diplomates, n'ont pu faire du sultan le

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