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livrés à la rapacité de bergers mercenaires ou cruels. C'est ainsi enfin qu'on leur ôta tout droit, même la faculté de pétition, même la liberté de se plaindre, le dernier soulagement du malheur. Mais on n'a pas réfléchi que tout peuple chrétien a toujours des idées trop justes sur les vrais droits de l'homme, pour pouvoir être gouverné despotiquement. Aussi, dépouillés de tous les moyens légaux pour se garantir de l'oppression, et n'ayant plus à leur disposition que le moyen de l'insurrection pour obtenir justice, ils se sont laissé tromper par les conspirateurs et les brouillons qui leur promettaient la liberté et le bonheur. Ils les ont laissés faire; ils les ont même suivis, et de là toutes les révolutions auxquelles nous avons assisté, et auxquelles peut-être nous assisterons encore révolutions qui rendent les peuples malheureux et les princes impossibles.

C'est l'histoire de la révolution moderne, elle n'est que la fille naturelle du despotisme. Le droit public de nos pères et de nos maîtres dans la foi, en prévenant ou en rendant impossibles les écarts du Pouvoir, affranchissait d'un côté les peuples, et de l'autre côté fournissait une garantie solide à l'autorité et à la sûreté des princes. Rien n'est donc plus utile, dit le célèbre Mariana, que la doctrine qui rappelle et persuade aux princes que s'ils oppriment le peuple, s'ils se rendent insupportables par leur égoïsme et par leurs vices, ils sont exposés à être jugés et destitué par la justice du peuple (1).

(1) Est tamen salutaris cogitatio, ut sit principibus persuasum, si rempublicam oppresserint, si vitiis et fœditate intole

$ 42. On confirme la doctrine exposée dans les deux derniers chapitres par l'exemple des dix tribus d'Israël, qui se sont soustraites au pouvoir de Roboam. — Histoire de cette grande révolution, que Dieu lui-même paraît avoir approuvée. — Résumé de la discussion sur le droit qu'a toute nation de constituer le Pouvoir public, et de s'en défaire lorsqu'il abuse de son autorité.

Mais puisque les adversaires de notre doctrine en appellent toujours à l'Écriture sainte; eh bien, leur disons-nous, l'Écriture elle-même paraît avoir confirmé cette doctrine. Car voici ce qu'on lit au chap. 12 du III livre des Rois.

«

Après la mort de Salomon, Roboam son fils s'étant rendu dans la ville de Sichem pour y recevoir l'hommage de l'obéissance qui lui était due comme à l'héritier légitime du trône, les députés des douze tribus du peuple de Dieu, ayant Jeroboam à leur tête, se présentèrent au nouveau roi et lui dirent : « Nous te supplions d'avoir pitié de nous, à qui ton père a imposé le joug le plus dur et le plus insupportable: Pater « tuus durissimum jugum imposuit nobis; hâte-toi donc « de relâcher un peu de la rigueur intolérable du gou« vernement de ton père et d'adoucir un peu les « lourdes charges qu'il a fait peser sur nous, et nous « te promettons de te servir avec une fidélité parfaite; « Nunc imminue paululum de imperio patris tui durissimo, et de jugo gravissimo, quod imposuit nobis, et « serviemus tibi (III Reg.). »

⚫ randi erunt, ea conditione vivere, ut non jure tantum, sed cum ⚫laude et gloria perimi possint (De reg., lib. I, cap. vi). »

Les vieux conseillers de l'empire, aussi versés dans la science d'État qu'ils étaient de pieux Israélites, et aussi dévoués à la personne du prince qu'au bonheur de ses sujets, furent d'avis que le jeune roi accueillît avec bonté une supplique si respectueuse et si raisonnable de la part du peuple. Voilà, lui dirent-ils, l'un des cas (qu'on remarque bien ces expressions de l'Écriture) où, tout roi que tu es, tu dois non-seulement faire justice aux demandes du peuple, mais encore lui céder, lui OBÉIR, et même le SERVIR. Car ce n'est qu'à cette condition, ajoutèrent-ils encore, que tu pourras toujours compter sur la fidélité et le dévouement de ces braves gens. Seniores qui assistebant coram Salomone patre ejus, dixerunt ei: Si hodie OBEDIERIS populo huic, et SERVIERIS, et petitioni eorum CESSERIS, locutusque fueris ad eos verba lenia, erunt tibi servi cunctis diebus. Mais le jeune prince écervelé ne tint aucun compte de ce sage conseil des vieillards, et il lui préféra le conseil insensé et brutal que lui donnèrent les jeunes gens plus écervelés que lui au milieu desquels il avait été élevé et dont il s'était entouré: Quid dereliquit consilium senum, et adhibuit adolescentes, qui nutriti fuerant cum eo, et assistebant illi. En répétant donc, du ton du plus sot orgueil et du plus grand mépris, les mots insolents que ses vils courtisans lui avaient mis sur les lèvres : « Scélérats, dit-il aux représentants des tribus, vous osez reprocher à mon père de vous avoir imposé le joug le plus pesant! Sachez donc que l'unique justice que je ferai à vos griefs, ce sera celle de redoubler ce joug et de vous le rendre mille fois plus accablant et plus dur; je ferai de manière que vous ayez à regretter comme un bonheur perdu

le gouvernement de mon père, dont vous vous plaignez. Il ne vous a frappés qu'avec des fléaux, et moi je déchirerai vos chairs avec des crochets de fer. Éloignez-vous de ma présence, vous n'êtes que des factieux; on ne donne pas de leçons aux princes, on ne pactise point avec la souveraineté, et elle n'a aucun compte à vous rendre de ce qu'elle fait: Responditque rex populo dura, dicens: Pater meus aggravavit jugum vestrum, ego autem addam jugo vestro, minimus digitus meus grossior erit dorso patris mei, pater meus cecidit vos flagellis, ego autem cædam vos scorpionibus. Et non acquievit rex populo. »

Or, qu'en est-il résulté? Il en est résulté que, révolté d'un langage si hautain et si barbare de la part du roi, le peuple s'écria: Et qu'avons-nous de commun avec ta race? Et quel devoir avons-nous de te respecter, toi, petit-fils d'Isaï et de David? Nous allons dans nos tabernacles, et la maison de David verra bientôt ce qu'elle deviendra : « Videns itaque populus quod no« luisset eos audire rex, respondit et dicens : Quæ nobis « pars in David? vel quæ hæreditas in filio Isai? Vade in « tabernacula tua, Israël; nunc vide domum tuam, « David.

Ces mots terribles, passant de bouche en bouche, furent répétés parmi tout Israël; la nation se souleva en masse; l'autorité royale fut méconnue. Adura, ministre du roi, envoyé pour exiger les impôts, expira sous une grêle des pierres, victime de la fureur du peuple. Le roi lui-même ne sauva sa vie que par la fuite et en se cachant à Jérusalem. Les représentants des tribus, se réunissant en conseil, déclarèrent Roboam déchu du trône, et le remplacèrent par Jéro

boam; il ne resta au fils de Salomon qu'une petite portion du pays, la tribu de Juda et de Benjamin, qui forma depuis le royaume de Juda.

Les dix autres tribus se détachèrent pour toujours de la dynastie de David; elles constituèrent le nouveau royaume d'Israël, et la plus grande des révolutions du peuple de Dieu s'accomplit dans quelques jours; Misit rex Aduram, qui erat super tributa et lapidavit eum omnis Israël, et mortuus est. Porro rex Roboam festinus ascendit currum, et fugit in Jerusalem: recessitque Israël a domo David. Et congregato cœtu constituerunt Jeroboam regem super omnem Israël.

Ce mémorable récit offre de bien importantes remarques à faire. D'un côté, le peuple ne s'est révolté contre son roi qu'après avoir épuisé tous les moyens pacifiques pour se faire rendre justice et qu'après que le roi, par son obstination, par son orgueil et par sa brutalité, s'était révolté contre le droit le plus légitime et le plus sacré qu'a le peuple de ne pas être opprimé par l'autorité qui le régit. D'autre part, nonseulement l'Écriture n'a pas blâmé comme séditieux ce mouvement des dix tribus, mais elle paraît le reconnaître comme légitime et juste.

En effet, 1° le texte sacré ne dit pas qu'Israël se révolta contre Roboam, mais simplement qu'il se détacha de la maison de David; Recessitque Israël a domo David. 2o Non-seulement Dieu ne condamna pas cette séparation, mais il sembla l'approuver comme un acte conforme aux desseins de sa providence et à sa volonté : Hæc dicit Dominus: A me factum est verbum hoc. 3° Nonseulement il ne permit pas que les tribus récalcitrantes fussent punies comme coupables de rébellion, mais il

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