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pressive et tyrannique, celle-ci se trouverait toujours exposée aux caprices, aux préjugés, aux violences de toutes les passions privées; elle se verrait en présence d'une opposition permanente; elle n'aurait plus ni sécurité, ni indépendance; son existence serait mise à chaque instant en problème, et avec elle l'existence de la société elle-même. C'est pour cela que dans toutes les législations du monde, la résistance des particuliers contre l'autorité publique, les conspirations, les manœuvres ourdies contre elle, sont considérées et punies comme crimes de haute trahison, comme des actes de rébellion, comme des attentats contre l'existence et le repos de l'État. C'est donc dans ce sens que la raison et la foi, le droit public et les principes chrétiens, ont proclamé d'un commun accord cette grande maxime conservatrice de l'ordre : QUE LA RÉBELLION N'EST JAMAIS PERMISE, QU'Elle ne l'est daNS AUCUN CAS.

Mais, cette même raison et cette même foi, ce même droit public et ces mêmes principes chrétiens, en condamnant inexorablement tout acte de résistance individuelle et privée contre le Pouvoir public, n'ont jamais condamné, que nous sachions, la résistance exercée à l'égard de ce Pouvoir par la coMMUNAUTÉ ENTIÈRE. Saint Paul lui-même paraît admettre cette distinction; car dans tous les passages où il flétrit comme un péché contre Dieu lui-même la résistance au Pouvoir suprême, il s'exprime dans des termes qui indiquent manifestement l'individu et non point la société; car il dit : « CELUI qui résiste au Pouvoir résiste aux dispositions divines. »

On vient d'entendre Suarez affirmer dans les termes les plus explicites que, lorsqu'un roi, même légitime,

gouverne tyranniquement son peuple, et que le peuple n'a d'autre moyen de se soustraire à son oppression que celui de s'en débarrasser, il peut le faire sans injustice, pouvu que cela soit fait non par un parti, mais par le conseil public de la cité, de la noblesse, et avec le consentement de toute la république. On vient d'entendre saint Thomas lui-même proclamer en des termes plus tranchants encore ce principe : « que résister au prince qui s'est changé en tyran, n'est ni ne peut se dire un acte de sédition, lorsque cette résistance n'expose point le peuple à des maux plus graves et qu'elle s'exerce par la communauté entière». Or apparemment saint Thomas et Suarez n'étaient ni francs-maçons, ni carbonari, ni révolutionnaires. Apparemment connaissaient-ils un peu saint Paul et les vrais principes du droit public chrétien. Quant à nous, nous n'avons fait ici autre chose qu'exposer leur doctrine d'après leurs propres expressions; et nous n'entendons la proposer aux autres et la suivre nous-même que dans les termes dans lesquels ils l'ont établie et avec toutes les restrictions qu'ils y ont apposées. Et ce n'est pas de la témérité de notre part, de nous croire à l'abri de toute censure, puisque nous avons pour nous de telles autorités.

$ 40. On répond à l'objection tirée de la possibilité que la société juge injustement le Pouvoir. - La possibilité de l'abus d'un droit légitime n'est pas une raison pour le méconnaître. Les Princes ont à leur disposition les moyens de se mettre à l'abri de l'injustice de la société en marchant eux-mêmes dans les voies de la justice. -L'exemple de Louis XVI ne prouve rien contre cette proposition. · Dans tous les cas, le Pouvoir public avait dans l'intervention du Pouvoir religieux le moyen

d'échapper aux jugements précipités de la multitude. - Importance de ce droit public dans l'intérêt des Princes eux-mêmes. Ils se sont fait le plus grand tort en le détruisant.

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On oppose encore contre le droit naturel, imprescriptible de la communauté parfaite, de faire justice du Pouvoir qui l'opprime et la perd : « Que cette commu« nauté elle-même peut abuser de ce terrible droit et << se laisser entraîner à corriger de grandes injustices « au moyen d'injustices plus grandes encore; à dé« truire le Pouvoir sous prétexte de le faire rentrer <«< dans la voie du devoir et à jeter l'État dans le dés<< ordre et dans l'anarchie. >>

A force de prouver trop, cette objection ne prouve absolument rien. Il est possible que, dans l'exercice du droit de résistance, la communauté parfaite se trompe et se laisse entraîner à des excès. Mais ce n'est pas là une raison pour le lui contester. Si on devait supprimer tous les droits dont l'abus est possible, on devrait les supprimer tous; car quel est le droit dont on ne puisse abuser? On devrait même supprimer le droit divin que l'absolutisme attribue aux rois; car malheureusement les rois eux-mêmes ont trop souvent abusé de ce droit. En créant les êtres intelligents, Dieu a certainement prévu qu'un grand nombre parmi eux abuseraient de leur liberté, comme il est arrivé parmi les hommes et même parmi les Anges. Cependant cette prévision ne l'a pas empêché de les créer libres et ne l'empêche pas de conserver à l'homme en particulier sa liberté. Il nous a appris par là que la possibilité d'abuser d'un droit légitime n'est pas une raison pour le méconnaître et le fouler aux pieds.

Il est possible aussi que la communauté juge quel

quefois et condamne injustement le Pouvoir : mais, encore une fois, ce n'est pas une raison pour lui refuser le droit de juger le Pouvoir qu'elle a établi. Est-ce que les magistrats et les rois eux-mêmes ne se trompent pas quelquefois? et ne condamnent-ils pas des innocents à des punitions que ceux-ci n'ont pas méritées ? Cependant de cette possibilité de mal juger, on n'a jamais inféré qu'ils n'ont pas le droit de juger.

« Le prince, dit le publiciste Mariana, ne doit pas se «< croire le maître de la république et de tous ses mem«bres, quoique l'adulation ne cesse de lui souffler «< cela à l'oreille; mais il doit se considérer comme « chargé de régir l'État moyennant une rétribution «< fixée par les citoyens, et qu'il doit se bien garder << d'augmenter sans leur consentement (1). »

« Il est de la plus haute importance, dit le même <«< auteur, que le prince se persuade que l'autorité de toute la république est bien plus grande que la sienne, «< car il n'est qu'un seul. Il ne doit donc pas croire << aux hommes détestables qui lui persuadent le con<< traire, dans l'intérêt d'en captiver la faveur, ce qui « est un grand malheur pour l'État (2). »

Vattel a dit à son tour: «< Tandis que les lois subsis

(1)« Neque enim se princeps reipublicæ et singulorum domi« num arbitrabitur, quamvis assentatoribus id in aurem insusurrantibus, sed rectorem, mercede a civibus designata, quam . augere, nisi ipsis volentibus, nefas existimabit (De rege et regis a instit., lib. I, c. v). »

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(2) « Quod caput est, sit principi persuasum totius reipublicæ majorem quam ipsius unius auctoritatem esse; neque pessimis « hominibus credat diversum affirmantibus gratificandi studio; « quæ magna pernicies est (Ibid.). »

«< tent, le souverain doit les maintenir et les observer << religieusement. Elles sont le fondement de la tran« quillité publique et le plus ferme appui de l'autorité « souveraine. Tout est incertain, violent, sujet aux « révolutions dans ces États malheureux où règne un « Pouvoir arbitraire. Il est donc du véritable intérêt << du prince, comme de son devoir, de maintenir les <«<lois et de les respecter: il doit s'y soumettre lui« même.

<< Nous trouvons cette vérité établie dans un écrit, « << publié pour un prince des plus absolus que l'Europe «ait vus régner, pour Louis XIV: « Qu'on ne dise « point que le souverain ne soit pas sujet aux lois de «son État, puisque la proposition contraire est une « vérité du droit des gens que la flatterie a quelque<< fois attaquée, et que les bons princes ont toujours « défendue comme une divinité tutélaire de leurs « États (VATTEL, Droit des Gens, liv. I, ch. 4, § 48). »

Le Pouvoir public n'a donc qu'à se renfermer scrupuleusement dans ces limites, pour se mettre à l'abri des injustices de la nation. C'est-à-dire qu'il doit fermer l'oreille au langage de l'adulation, qui, en lui exagérant ses droits, lui fait trop souvent oublier ses devoirs, qu'il doit prêcher d'exemple l'obéissance aux lois; respecter la constitution du pays, aussi bien que les droits des particuliers et les libertés publiques; gouverner lui-même avec justice, et se bien garder de se rendre coupable des crimes que nous venons d'indiquer, et à cause desquels seulement, d'après l'opinion unanime des publicistes, il est justiciable et condamnable par la communauté. En un mot, afin d'éviter d'être injustement condamné, il lui suffit de ne pas s'exposer à être jugé. Il a donc

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