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$ 30. Témoignages de l'ancienne université de Paris en faveur de la thèse que le Pouvoir souverain est conféré immédiatement par la communauté. - Jean Gerson. Durand. Almain.

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- Jean Majeur. —Pierre d'Ailly.—Bossuet et Fénélon ont eu tort de déserter l'opinion traditionnelle de cette école, sur le même sujet.

On sait qu'après la mort de saint Thomas, l'ancienne Sorbonne dont le Docteur angélique avait été la plus grande gloire - en présence de l'évêque de Paris et des membres les plus distingués de son clergé, le proclama d'une manière solennelle la lumière la plus splendide de toute l'Église, le théologien des théologiens, le philosophe des philosophes, et le maître le plus sûr et le plus solide de tout savoir (RIBADENEIRA, In vita). Cela vous explique ce fait incontestable que la doctrine de saint Thomas a toujours été en grand honneur dans l'université de Paris. Ce qui est hors de doute, c'est que les docteurs que les gallicans regardent comme les plus brillantes lumières de cette école célèbre sont, dans tous les temps, restés attachés à l'opinion de l'Ange de l'école, que nous venons de faire connaître, touchant l'origine immédiate du Pouvoir civil.

C'est d'abord Jean Gerson. En commençant par définir la puissance ecclésiastique par ses causes efficientes, formelles et finales, il a dit : « C'est Jésus<< Christ qui a conféré cette autorité aux Apôtres et à << leurs successeurs; ce sont les lois divines et évangéliques qui en sont la règle; c'est la félicité éternelle qui en est le but. Par là elle se distingue de toutes

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<«<les autres puissances, parce que celles-ci ou sont « naturellement instituées, si l'on en considère la cause << EFFICIENTE; ou elles se règlent selon les lois naturelles «<et humaines, si l'on en considère la cause formelle; << ou elles ont pour fin immédiate et principale une fin « naturelle (1). » Il est clair par ces mots que pour Gerson la puissance civile tire son origine immédiate des causes naturelles ou purement humaines, et qu'elle ne vient de Dieu que dans ce sens que, comme auteur de la nature, Dieu a donné aux hommes le droit, les lumières et les règles nécessaires pour l'établir.

Voici encore quelque chose de plus clair, de plus décisif en faveur de la doctrine que nous avons établie. L'illustre Durand s'était ainsi exprimé : « La souveraineté est de Dieu, quant au devoir qu'a toute société de la constituer et de la conserver, car c'est là la volonté de Dieu; mais quant à son acquisition et à son usage, elle n'est pas de Dieu; parce qu'ordinairement parlant, Dieu ne l'a point communiquée à aucun homme en particulier, ni n'a fait aucun précepte particulier pour qu'elle lui fût communiquée. Il a fait à la société un devoir de se créer un Pouvoir suprême et de le maintenir, mais il ne lui a pas fait une obligation de choisir la monarchie plutôt que l'aristocratie, un chef héréditaire plutôt qu'un chef électif, une dynastie plutôt qu'un individu, et celui-ci pour toute sa vie

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(1) « Quoniam omnis alia potestas vel est naturaliter indita quoad causam efficientem, vel est secundum leges naturales « aut humanas regulata, quoad causam formalem, vel est ad finem «< naturalem immediate et principaliter ordinata (De potest. « ecclesiast. Cons. I).

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plutôt que pour un certain nombre d'années. Là-dessus Dieu a laissé à la communauté la liberté entière de choisir ce qu'elle croit lui convenir le mieux. Ce choix, une fois fait dans des formes régulières, devient par cela même légitime, et puisque le Pouvoir ainsi constitué conserve l'ordre et la société, il reçoit l'approbation de Dieu et il représente Dieu même en tant qu'il est l'auteur de l'ordre et de la société (1).

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Or, Jacques Almain, docteur non moins illustre de la même école, en traitant cette même question : Si la puissance civile vient de Dieu? commence par approuver la doctrine de Durand qu'on vient de lire, d'après laquelle cette puissance vient de Dieu quant à ce qu'elle doit être, mais non quant à la manière dont elle est acquise ou possédée; puis, il donne cette belle explication de la distinction Durandienne : « Ce qui est naturellement dû aux hommes, c'est un jugement droit qui leur fasse reconnaître la nécessité qu'il y a pour eux d'être soumis à quelqu'un chargé de maintenir parmi eux le droit et la justice; et comme c'est Dieu qui a donné aux hommes, entre autres dons naturels, cette

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(1) Potestas temporalis, sive laica, est a Deo quantum ad debitum; sed non est frequenter a Deo quantum ad acquisitio« nem et usum. Deus naturaliter inserit lumen vultus sui, hoc « est rectum judicium, quo naturaliter judicamus : « Omnes politice viventes debere esse subjectos alicui; » ergo quoad debitum, ipsa potestas secularis est ex ordinatione divina. Sed « non est a Deo regulariter ad istum sensum, quod alicui Deus « communicaverit istam jurisdictionem laicam; quia nunquam << alicui regulariter communicavit hanc potestatem, nec dedit speciale præceptum ut alicui communicaretur; et ideo non est a

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« Deo quantum ad istum sensum (De origine juris). »

lumière et ces connaissances, la puissance civile vient ainsi de Dieu quant à ce principe qu'elle doit exister; mais elle ne vient pas régulièrement de lui quant au fait particulier de sa communication, puisque jamais Dieu, régulièrement parlant, ne communique à un homme en particulier cette puissance, ni n'ordonne qu'elle soit communiquée à tel homme en particulier ».

Puis, distinguant entre la puissance ecclésiastique et la puissance civile, il ajoute « que la puissance ecclésiastique dérive immédiatement de Jésus-Christ, qui l'a instituée; au lieu que la puissance civile, quoiqu'elle soit d'ordination divine en tant qu'elle est naturellement due au genre humain, n'a pas été néanmoins, ordinairement parlant, instituée immédiatement de Dieu, bien qu'il soit encore hors de doute que dans certains cas extraordinaires Dieu l'ait conférée immédiatement à quelques hommes (1) ».

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(1) « Pro resolutione, dicit Durandus, quod potestas temporalis « sive laica est a Deo quantum ad debitum, sed frequenter non « est a Deo quantum ad acquisitionem et usum. Primum proba« tur. Nam secundum dictamen rectum debitum est, talem po<< testatem esse; naturaliter enim judicant homines quod oportet << eos subjici alicui qui eis judicium, et jus, sive justitiam administret; ergo secundum judicium rectum naturaliter nobis in« situm debitum est, talem potestatem regiam seu secularem «< esse; ex ordinatione enim insitum est nobis tale judicium na« turale, ut conformiter ad ipsum vivamus, et hoc a Deo, hoc «< est Deus naturaliter nobis inseruit lumen vultus sui, hoc est « unum judicium, quo naturaliter judicamus omnes politice ad «< invicem viventes debere esse subjectos alicui, vel aliquibus, « quibus incumbat ex officio facere mutuam justitiam; ergo quoad « debitum ipsa potestas secularis sive laica est ex ordinatione divina; sed non est a Deo regulariter ad istum sensum, quod

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<< La puissance temporelle, ajoute Almain, c'est un pouvoir régulièrement conféré à quelqu'un par le peuple, en vertu d'un droit héréditaire ou bien du droit d'élection pour l'avantage de la communauté (1) ».

Ailleurs le même auteur établit comme une conséquence certaine de la doctrine qu'il avait précédemment développée : « Qu'il n'y a aucun gouvernement purement civil qui ne puisse changer de forme; aucune monarchie, par exemple, qui ne puisse devenir une république démocratique ou aristocratique, attendu que tous les pouvoirs de cette nature ne sont institués que de droit positif (2). »

Jean Majeur, fameux théologien de l'ancienne Sorbonne, est encore plus tranchant; « Nul roi, dit-il, n'a de puissance et d'autorité que par le royaume

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«< alicui Deus communicaverit istam jurisdictionem laicam, quia « nunquam alicui regulariter immediate communicavit hanc po<< testatem, nec dedit speciale præceptum ut alicui communicaretur, et ideo non est a Deo quantum ad istum sensum. Et sic tangitur prima differentia inter has duas potestates, quia << ecclesiastica est immediate a Christo instituente; sed laica, << quamvis a Deo sit ex ordinatione quantum ad debitum, nun« quam tamen est a Deo regulariter instituta (ALMAINUS, De potest. eccles. et laica., quæst. I, c. 1).

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(1) << Potestas laica sive secularis est potestas a populo ex

« successione hæreditaria, vel ex electione alicui regulariter tra

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(2) « Ultro supponitur quod nulla est politia pure civilis, et

nulla regalis, quæ non possit mutari in aliam speciem, puta democratiam, vel aristocratiam, quia quælibet talis est insti« tuta jure pure positivo (Ibid.). »

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