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ou tout au moins un acte purement civil, un arrangement provisoire, passager, n'engageant pas du tout la conscience; un acte inspiré par l'intérêt, conseillé par le savoir-vivre, accompli par convenance, et garanti par la force. Mais tout cela ne confère au Pouvoir aucun droit de commander, n'impose aux sujets aucun devoir de lui obéir; tout cela n'est pas l'autorité. Et nous voilà ramenés toujours à la conclusion : que l'autorité vient de Dieu, ou elle n'est pas.

Et puisque nulle société ne peut exister sans un Pouvoir ayant le droit de lui commander, aussitôt qu'on méconnaît le principe que tout Pouvoir vient de Dieu, on est obligé d'aller chercher ailleurs les titres de la légitimité de son commandement, et de les fixer dans le droit de la force ou dans les jeux de la fatalité.

D'après Rousseau, ce docteur trop tristement célèbre de la constitution athée du Pouvoir public, dans la société de sa création, «< la minorité qui refuserait d'obéir au Pouvoir établi par le peuple, doit y être forcée par la puissance de tout le corps; et c'est là que se réduit le jeu de la machine de la société politique; sans quoi, le contrat social ne serait qu'une vaine formule (Contrat social, liv. I, ch. 7). » C'est dire en d'autres termes : qu'un pouvoir établi par le peuple en dehors de toute croyance à l'origine divine de l'autorité, n'a son droit de légitimité que dans la force, et que la minorité n'a d'autre raison de lui être soumise que la force. Ce qui, au fond, ne serait que constituer la société humaine d'après le droit public des loups.

Il n'en est pas de même pour un peuple croyant que tout pouvoir vient de Dieu, et que la raison de lui obéir c'est la volonté de Dieu. Pour un tel peuple, la majorité

choisissant un tel personnage plutôt qu'un autre, n'est
que le moyen naturel par lequel cette volonté de Dieu
se rend manifeste. En se soumettant donc à la personne
qu'elle n'aurait pas choisie, la minorité ne cède pas à
la force du nombre, à la force de l'homme, mais elle
courbe le front devant les dispositions de la Providence,
et se soumet au Pouvoir par la volonté de Dieu. C'est
ainsi
que la foi à l'origine divine du Pouvoir est le seul
moyen d'établir l'autorité sur un fondement moral, de
lier mutuellement les êtres sociaux par des rapports
de conscience, et de constituer la société d'après la
raison et les exigences légitimes de la dignité hu-
maine.

Mais là où la science sociale altérée, corrompue, aussi bien que la religion, par l'intempérance de la raison et par le délire d'une fausse philosophie, a amené les esprits à nier l'origine divine du Pouvoir, nous voyons la conquête, l'usurpation, les rébellions heureuses ou les coups d'État, regardés comme une source de légitimité créant le droit de commander en faveur de la force, et le devoir d'obéir comme le partage de la faiblesse. Ou bien, nous voyons la fatalité érigée en dispensatrice suprême des royaumes et des empires, et les peuples croyant devoir subir avec une soumission aveugle le joug d'un homme que le sort des batailles, l'œuvre d'intrigues habilement conduites, ou le jeu du hasard ont élevé au pouvoir.

De là ces désolantes maximes païennes : On doit désirer d'avoir de bons empereurs, mais il faut les subir quels qu'ils soient; il faut se résigner à supporter avec patience le luxe ou l'avarice de ceux qui dominent, à peu près comme on le fait à l'égard de la pluie ou du beau

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temps; il y aura toujours des vices tant qu'il y aura des hommes, mais il faut se consoler par la pensée que ces vices ne sont pas perpétuels, et qu'on y trouve une compensation dans certaines vertus (1); il faut supporter le gouvernement des rois tel qu'il est, qu'il soit juste ou qu'il soit un amas d'iniquités (2); il faut obéir à nos maîtres, quoique cruels et barbares (3); il faut supporter toutes les étourderies de ceux qui ont le Pouvoir dans leurs mains (4).

De là aussi la croyance de beaucoup de gentils : que les choses humaines ne sont gouvernées que par les étoiles, et que les empires ne sont que leurs dons. Et de là enfin, d'après la remarque d'un ancien, la pensée de certains rois païens, de se croire des êtres divins par nature, régnant par un droit tout à fait céleste, par un décret de la fatalité, devant lequel toute la société devait courber le front; et c'était là ce qui leur donnait cet air d'insolence, de morgue, d'orgueil et de fatuité (5) qui les changeait en vrais fléaux du genre humain.

(1) Bonos imperatores voto expetendos, qualescumque tolerandos.

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Quomodo sterilitatem, aut nimios imbres, et cætera naturæ mala; ita luxum, vel avaritiam dominantium tolerate. Vitia « erunt donec homines, sed neque hæc continua, et meliorum << interventu pensantur (TACITE, Hist., lib. IV, 74). »

(2) « Æquum atque iniquum Regis imperium feros (SENEC., «Med.).

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(3) « Quamvis crudelibus, æque paretur dominis (CLAUDIAN., « De Persis in Eutrop., lib. II). »

(4) « Imperia habentium perferenda inscitia est (EURIP., • Phonis.).

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(5) Cornélius A Lapide rapporte qu'un prince électeur ayant été questionné pourquoi il avait donné son vote pour la souve

C'est ainsi que le dogme chrétien de l'origine divine de tout Pouvoir, établi d'une manière si éclatante et si magnifique par l'autorité des livres saints, est aussi un dogme philosophique conforme à la raison et prouvé par la raison. Maintenant, nous n'avons pas autre chose à faire qu'à le confirmer par la tradition.

$ 25. Perpétuité de la foi des peuples chrétiens sur l'origine divine du Pouvoir.Saint Irénée, Tertullien, saint Augustin, saint Grégoire, les docteurs catholiques.-Témoignages tirés des livres saints et des auteurs païens, prouvant que l'humanité entière a toujours gardé la même foi. - Même le culte sacrilege rendu par certains peuples à leurs princes, a été une preuve de leur croyance à l'origine divine du Pouvoir. - Les sentiments de crainte révérentielle que tout sujet éprouve en présence de son supérieur, sont une nouvelle preuve que le principe de l'origine divine du Pouvoir est une vérité du sens intime de l'homme.

Effets déplorables de la négation de cette doctrine. Résumé des preuves exposées dans ce chapitre.

Formés à l'école des Prophètes et des Apôtres, les vrais chrétiens d'abord ont ajouté à toutes les vertus dont ils ont été les modèles, la foi la plus complète au dogme de l'origine divine des Pouvoirs publics, l'obéissance la plus parfaite et la soumission la plus respec tueuse à leur égard, quels que fussent leur manière de se conduire, leur origine et leur nom.

raineté à un individu qui ne la méritait point, répondit: Parce que c'était écrit dans les livres de la fatalité: Sic erat in fatis. Sur quoi quelqu'un reprit à son tour: Vous voulez dire plutôt dans les livres de la fatuité: Imo sic erat in fatuis. Rien, en effet, n'est plus insensé que l'opinion que les rois soient constitués sous l'influence et l'empire des astres.

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La royauté, dit le premier docteur de la Gaule chrétienne, saint Irénée, n'est pas l'œuvre de Satan, qui, toujours dans le désordre à cause de son péché, ne peut engendrer que le désordre; mais c'est l'œuvre de Dieu, qui ne l'a établie que pour l'avantage du genre humain, c'est-à-dire afin que, arrêtés par la crainte du Pouvoir humain, les hommes ne vinssent pas à se dévorer mutuellement comme font les poissons, et afin que leur penchant pour toute espèce d'injustice trouvât une digue dans les lois établies par ce même Pouvoir. C'est pourquoi saint Paul a appelé ministres de Dieu les Pouvoirs publics; qu'il a ordonné de leur payer des tributs; qu'il a défendu de leur résister, et qu'il les a proclamés des êtres constitués de Dieu lui-même, pour servir à l'accomplissement de ses desseins sur l'homme (1).

Puis le même docteur a prononcé cette belle parole: « C'est par le même Dieu qui fait naître les hommes, que sont constitués les rois » (2)

« Nous professons, disait Tertullien, une espèce de «< culte religieux pour l'empereur qui nous gouverne. « Nous le regardons comme un homme occupant, << dans l'ordre de la Providence, la première place

(1) « Ad utilitatem ergo gentilium terrenum regnum positum « est a Deo, sed non a diabolo, qui nunquam omnino quietus est, immo qui nec ipsos quidem gentiles vult in tranquillo « agere; ut, timentes regnum humanum, non se alterutrum « homines vice piscium consumant; sed per legum positiones « repercutiant multiplicem gentilium injustitiam. Et secundum «< hoc ministri Dei sunt, qui tributa exigunt a nobis, in hoc ip« sum servientes; quæ sunt potestates, a Deo ordinatæ sunt « (Adv. hæres., lib. V, c. 24). »

(2) « Cujus jussu homines nascuntur, hujus jussu et reges eon«stituuntur (Ibid.).

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