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tion pleine de vigueur et de logique. L'auteur, dès le principe, montre nettement le but qu'il se propose d'atteindre, et signale avec clarté les obstacles qui s'opposent à sa marche. Ce qui donne à ce passage un irrésistible entraînement, c'est que l'auteur y prêche du fond de l'âme, avec une conviction sincère et chaleureuse, la nécessité de la réforme des études cléricales. L'ouvrage même de M. de Valroger nous apprend que cette conviction n'est pas chez lui, comme chez certains ecclésiastiques, une affaire de mode et de bon ton. Pendant que le jeune professeur publiait dans les Annales de Philosophie chrétienne cet article important qui révélait un nouveau système de controverse, il fondait au grand séminaire de Bayeux un cours d'introduction à l'étude de la théologie, dans lequel il appliquait pendant plusieurs années la méthode que nous avons fait connaître à nos lecteurs au commencement de cet article. Pourquoi donc ce courageux exemple est-il donc resté sans imitateurs, dans un temps où les catholiques réclament avec tant de vivacité des prêtres qui puissent leur servir de guides dans la bataille? Pourquoi faut-il qu'un seul évêque de Normandie ait plus fait pour la régénération des études cléricales que les écoles les plus renommées des plus illustres diocèses? Sommes-nous donc destinés à rester éternellement au milieu d'un siècle plein de mouvement et d'agitation dans la tradition vieillie du moyen âge? On a certainement fait beaucoup pour les études des petits séminaires, et ces établissements soutiennent avantageusement la concurrence, malgré les études qui les garrottent et les étouffent, avec les colléges universitaires. Mais où sont les écoles normales du clergé? par quoi a-t-on remplacé ces savantes universités qui faisaient la gloire de notre Église de France? quelles institutions théologiques ont pris la place des corporations religieuses qui conservaient avec tant de zèle la glorieuse tradition ecclésiastique? Pense-t-on que c'est avec trois années d'études théologiques qu'on formera, dans le 19° siècle, de dignes successeurs des Mabillon, des Huet, des Petau, des Bergier?

Nous ne faisons qu'indiquer ici la plus haute question qui puisse intéresser les évêques et le clergé. Nous n'avons à parler ici que d'exégèse. Les réflexions que nous avons à faire sur ce sujet pourraient seules fournir des preuves bien plus que suffisantes à ce que nous disions tout à l'heure, de la nécessité d'agrandir le cercle jusqu'alors inflexible des études cléricales? Personne, en effet, ne peut contester parmi nous l'importance des études exégétiques, ou

bien, si l'on osait avancer, comme certains esprits paraîtraient disposés à le faire, qu'elles n'ont qu'une importance très-bornée dans le cadre immense de la science ecclésiastique, il faudrait considérer comme des travailleurs inutiles et comme des intelligences bornées, des hommes dont l'Église conserve précieusement la mémoire. Il faudrait admettre que les Maldonat, les Cornelius à Lapide, les Bellarmin, les Sanctius, les Bonfrerius, les Estius, les Justiniani, les Calmet et tant d'autres savants de premier ordre ont consumé dans un stérile labeur leurs talents et leur vie.

Dans les anciennes études ecclésiastiques, qu'on décrie aujourd'hui avec tant d'injustice parce qu'on n'en soupçonne pas la profondeur, l'étude des livres saints occupait avec raison une place considérable. Il suffit, pour s'en convaincre, de jeter un coup d'œil rapide sur les prodigieux travaux que nous a légués, comme un glorieux héritage, le clergé des derniers siècles. C'est vraiment bien à tort que nous nous vantons tous les jours d'une supériorité imaginaire sur nos prédécesseurs. S'ils reparaissaient tout d'un coup parmi nous, les hommes qui ont jeté sur l'Église de France un éclat immortel, quel compte sévère ne demanderaient-ils pas de leurs travaux et de leurs sueurs? Pour ne parler que de l'exégèse, qu'est-elle devenue depuis les savantes publications de Calmet? quelle place cette science indispensable occupe-t-elle dans l'enseignement de nos grands séminaires? Ne se contente-t-on pas de consacrer un peu plus d'une heure par semaine à traduire avec quelques explications certains passages de la sainte Écriture? croiton que des hommes aussi superficiellement préparés, soient bien propres à soutenir plus tard, au milieu de la société laïque, les assauts multipliés de l'exégèse rationaliste? n'y a-t-il pas dans une pareille négligence de grands dangers? Il l'avait bien senti, le savant ecclésiastique auquel M. de Valroger avait dédié son livre. Le vénérable supérieur de Saint-Sulpice, qui vient de mourir dans le Seigneur après une vie consumée dans les fatigues de la science et de l'exil, n'avait pas cru pouvoir rendre à l'Église de France un plus important service qu'en fondant au grand séminaire de Paris un cours d'exégèse, où il discutait avec une science profonde et une impartialité digne des plus grands éloges toutes les difficultés soulevées depuis cinquante ans par l'exégèse allemande. Pourquoi faut-il qu'un si bel exemple n'ait pas exercé sur les autres diocèses une salutaire et victorieuse influence? pourquoi cet esprit si éminent, qui méritait si bien la confiance de tout le clergé français par ses

vertus et par ses talents, n'a-t-il pas eu la consolation suprême de voir refleurir chez nous les études exégétiques avant d'entrer dans la demeure de son éternité? Espérons que ses vœux, que ses travaux ne resteront pas stériles. Espérons que les jeunes ecclésiastiques comprendront enfin la nécessité de commencer contre l'incrédulité cette glorieuse croisade, qui doit venger les livres saints des attaques impétueuses de nos nombreux ennemis.

M. de Valroger est bien loin de partager les préjugés étroits que nous venons de combattre. Il renverse, en effet, avec une grande puissance de logique, les misérables sophismes sur lesquels on s'appuie ordinairement pour laisser chez nous dans une langueur si déplorable l'étude des livres saints. Ce morceau est trop remarquable pour que nous hésitions à le faire connaître aux lecteurs de cette revue, et il contribuera, nous l'espérons, à leur donner une juste idée de l'importance des questions résolues dans l'introduction de M. de Valroger.

Si l'Église peut démontrer sans le secours de l'Écriture, et par conséquent sans celui de l'exégèse biblique, ses droits incontestables à la souveraineté du monde moral, l'exégèse n'en demeurera pas moins une des sciences religieuses les plus importantes; et aujourd'hui plus que jamais, c'est pour le clergé un devoir pressant de la cultiver avec ardeur. Si nous étions assez imprudents pour la négliger, toutes nos constructions ultérieures ne tarderaient pas à tomber en ruine, et les fondements de notre édifice en seraient eux-mêmes ébranlés. N'est-ce pas en effet à l'exégèse qu'il appartient de justifier l'enseignement de l'Église sur F'authenticité, la véracité, l'intégrité de nos livres saints, sur l'inspiration de leur ensemble et de leurs diverses parties, sur le degré de leur importance, et sur leur sens véritable? Pensons-y bien, ces livres saints que nous vénérons comme la parole même de Dieu, écrite sous l'influence d'une inspiration surnaturelle, l'exégèse rationaliste s'efforce de nous les arracher page à page; elle prétend avoir détruit leur autorité historique, et par une conséquence inévitable, leur autorité dogmatique et morale. Si nous ne confondons pas d'une manière éclatante ces prétentions sacriléges, notre silence sera exploité par nos adversaires comme un aveu de notre défaite; et les fidèles auront le droit de nous dire que nous oublions leurs besoins avec nos devoirs.....

Contribuer selon la mesure de nos forces à ramener dans notre patrie les études exégétiques, tel est le but que nous nous sommes proposé en publiant ce volume. Ceux d'entre nos frères qui ne sentent pas encore le besoin de combattre pied à pied l'exégèse rationaliste de l'Allemagne, attacheront sans doute peu d'importance à cette publication et à celles qui vont suivre. Mais s'ils veulent peser attentivement les motifs qui leur inspirent une insouciance paresseuse, au sujet des erreurs combattues dans ce livre, ils finiront par trouver ces motifs bien légers et bien frivoles.

• Pour être trompeuse, la réputation des exégètes rationalistes d'outre-Rhin n'est en effet ni moins importante, ni moins formidable. Vainement dirons-nous que tous leurs systèmes reposent sur des hypothèses gratuites, que ce sont des fantaisies d'érudit, des puérilités obscures et ambitieuses, que loin d'avoir le mérite et la solidité, ils n'ont pas même toujours celui de la nouveauté; on ne voudra pas nous croire sur parole, et une foule d'esprits très-cultivés persisteront à considérer ces systèmes comme des découvertes inattendues et des objections irréfutables.

Pensons-y bien. Il ne suffit pas de savoir pour notre compte personnel, que nos anciens apologistes et nos commentateurs orthodoxes nous fournissent des armes suffisantes contre ces nouveaux ennemis; notre devoir est de le prouver. Comment, sans cela, le persuader à un siècle qui croit tout le contraire, à un siècle infatué de ses progrès et qui s'estime bien supérieur à tous les siècles passés, en fait d'exégèse comme en fait de physique ou d'industrie ? Si nous ne lui donnons pas à ce sujet une démonstration éclatante, il ne voudra pas nous croire, et il ne manquera pas d'attribuer notre sécurité à une ignorance orgueilleuse ou pleine d'entêtement. Nous pourrions, je le sais, renvoyer à nos détracteurs injure pour injure, nous pourrions leur dire que si nous méprisons l'exégèse rationaliste de l'Allemagne sans l'avoir étudiée, eux l'admirent sans la connaître. Mais rétorquer n'est pas répondre, et outrager n'est pas le moyen de convaincre '. Le plus souvent on cherche à se persuader que ces lourds sophistes, chargés d'hébreu et de grec, sont trop ennuyeux pour être lus, que, n'étant pas lus, ils ne sauraient être fort dangereux, et qu'ainsi la frivolité du public français nous dispense d'engager contre eux une discussion fastidieuse, Mais tout au contraire, ces sophistes sont d'autant plus dangereux qu'on a plus de peine à les lire et à se rendre un compte exact de leurs objections. Moins ils trouvent de lecteurs attentifs et patients, plus ils trouvent d'admirateurs fanatiques. L'ennui qu'ils inspirent est précisément ce qui protège et conserve la renommée de solidité et de profondeur qu'on a pu leur faire. Or, c'est le fantôme de cette renommée qui obsède aujourd'hui une foule d'esprits, confirmant les uns dans le scepticisme, et troublant les autres dans la foi.

Après ces considérations préliminaires M. l'abbé de Valroger vient à parler de la Vie de Jésus par le docteur Strauss, c'est-à-dire

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Il ne suffit pas de les maudire (les exégètes allemands), s'écriait naguère M. Quinet, il faut les contredire avec une patience égale à celle dont ils ne se sont pas départis.» Des Jésuites, par E. Quinet, p. 305.

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« Pour nous, simples laïques, disait encore M. Quinet, que pouvons-nous faire, sinon vous presser de répliquer à tous ces savants hommes... Entre vos adversaires, qui, tranquillement, chaque jour, vous arrachent des mains une page des Écritures, et vous qui gardez le silence ou parlez d'autre chose, que pouvez-vous demander de nous, sinon que nous consentions à suspendre notre jugement aussi longtemps que vous suspendrez votre réponse?» - Combien d'esprits flottants et irrésolus rejettent ainsi sur nous la responsabilité de leur scepticisme!

la plus célèbre de toutes les publications qu'ait produite le Rationalisme des écoles luthériennes.

Les attaques de l'école encyclopédiste contre l'histoire évangélique commençaient à vieillir. Les déclamations passionnées du 18° siècle perdaient de jour en jour leur influence sur les classes éclairées. Pour paralyser le besoin de foi qui se faisait sentir dans bien des âmes, les rationalistes français ont jugé nécessaire de populariser surtout les travaux d'un homme qui résume en lui toute l'incrédulité des doctrines protestantes. Le traducteur de Tholuck a compris que si nos adversaires se servaient contre nous avec tant d'adresse des travaux du rationalisme germanique, nous avions également le droit d'appeler à notre secours les hommes éminents qui défendent en Allemagne avec une si grande puissance d'érudition et de talent l'autorité des livres saints.

Pendant quelques années, dit le savant traducteur de Tholuck, nos ennemis ayant seuls l'exploitation de la science tudesque, on crut qu'il n'y avait que des rationalistes de l'autre côté du Rhin. Mais grâce aux efforts de nos littérateurs catholiques, cette illusion commence à se dissiper. Déjà les principaux ouvrages de F. Schlegel, de Stolberg, de Molher, de Walter, de Dællinger, de Theiner, d'Alzog, de Voigt, de Ranke, de Hock et de Hurter, ont passé dans notre langue. Mais il y a encore bien des matériaux à extraire de cette mine inépuisable. Le livre que nous publions n'est, en effet, que le second volume d'exégèse sacrée dont l'Allemagne chrétienne ait jusqu'à cette heure enrichi la France. Et, cependant, que de précieux travaux, Heydenrich, Hug, Kühn, Iahn, Pareau, Windischmann, Olshausen, Hengstenberg, Bengel, Dahler, Keil, Kueper, Baumgarten, Ranke, Hævernick, Hoffman et Tholuck, ont fait pour la justification des livres saints! Comme les témérités de l'exégèse perdraient leur prestige en face d'une collection qui résumerait avec clarté, méthode et discernement, ce qu'il y a de plus solide dans les recherches de ces exégètes si religieux et si savants! Sans doute, il y aurait des inconvénients plus ou moins graves à traduire, d'une manière complète, ces doctes critiques. Pour réussir de ce côté-ci du Rhin, pour y être véritablement utiles, ils doivent tous, même les plus irréprochables, subir de nombreuses coupures. Mais que de richesses scientifiques il resterait encore dans leurs livres après le triage le plus sévère, et (comme Leibnitz le disait des philosophes du moyen âge) que d'or pur, que de perles inappréciables, un esprit judicieux et patient ne trouverait-il pas sous le fumier de cette scholastique! Nous serions d'autant plus coupables de négliger ces ressources, que nos adversaires ne sauraient en contester la valeur sans se contredire eux-mêmes. Bien des hommes qui dédaigneraient obstinément de lire nos commentateurs et nos apologistes des siècles passés, accueilleront avec plus de faveur la défense de nos saintes Écritures, quand elle leur sera offerte sous la garantie d'une gloire littéraire consacrée par l'opinion unanime

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