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est délivré; plus tard, la Gaule s'est transformée, l'empire de sainte Geneviève est devenu le royaume de saint Louis, et il a grandi sous l'aile de l'Église; mais voici que des revers déplorables ont introduit l'étranger au cœur du pays. La France va devenir anglaise, si Dieu ne lui envoie un sauveur; il en suscite un, et c'est encore une bergère, encore une simple et pieuse fille qui sait prier. Inspirée par la foi qui nourrit son patriotisme, pleine d'une confiance inébranlable dans ses Voix et dans sa mission, c'est avec l'épée toujours pure de sainte Catherine, c'est avec sa blanche bannière, ornée des noms de Jésus et de Marie, que Jeanne chasse les Anglais et reconquiert la France. Héroïque jeune fille! il ne lui manquait plus, après le miracle de Reims, que d'expier par un martyre le triomphe magique de ses armes! Dieu lui a donné cette gloire, et la patrie reconnaissante a inscrit en tête de son martyrologe le nom immortel de la Pucelle d'Orléans.

La femme aussi avait grandi de Geneviève à Jeanne-d'Arc, non qu'elle surpassât ni qu'elle pût surpasser ses modèles, toujours admirables, que le christianisme des premiers siècles avait offerts à son admiration, mais elle avait pris rang dans les nouvelles sociétés, elle y avait étendu son influence et son empire. Après l'établissement des états chrétiens, ce ne sont plus seulement des saintes, des femmes d'élite, de grandes âmes ou de grandes vertus qui commandent le respect du monde : c'est le sexe tout entier qui reçoit ses hommages; un moment arrive où l'on dirait que la femme est devenue la reine de la chrétienté.

Les croisades surtout travaillèrent à sa puissance. On sait quel fut son rôle dans ces grandes entreprises, et comment elle en seconda l'inspiration. Excitant dans les cœurs un enthousiasme qu'elle partageait, tantôt elle prêchait la guerre sainte' et poussait les chevaliers à la conquête du sacré tombeau; tantôt, à la manière de ces femmes germaines dont parle Tacite, elle gourmandait les déserteurs et les forçait de retourner au combat ; souvent elle s'enrôlait elle-même sous la bannière des croisés pour affronter avec eux les fatigues et les périls. Des armées de femmes et d'en

⚫ Trente ans après la mort de saint Louis, quand Boniface VIII voulut soulever encore une fois le monde chrétien contre les infidèles, les femmes de Gênes répondirent seules à son appel : elles offraient généreusement leurs biens, leurs bijoux et jusqu'à leurs personnes pour le service de Dieu.

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On raconte qu'Adèle, comtesse de Blois, fit honte à son mari d'avoir déserté la guerre sainte, et le força de reprendre la route de Jérusalem.

fants partirent, dans la première croisade; les autres expéditions entraînèrent des princesses et des reines qui ne voulurent pas quitter leurs époux1. On voyait parmi les guerriers, des femmes armées de lances et montées sur des chevaux, fières de visage et plus hardies que des amazones, entrer dans la mêlée et disputer la victoire; on en voyait qui délivraient, avec des bâtons et des haches, les prisonniers faits par les infidèles, ou qui comblaient de leurs corps les fossés des villes assiégées. Une femme osa défendre la ville de Jérusalem contre Saladin . La nouveauté de ces spectacles surprenait fort les musulmans; mais ce qui les étonnait bien davantage, c'était la condescendance des chrétiens pour un sexe à leurs yeux frivole: ces hommes de la polygamie croyaient rêver, quand ils entendaient saint Louis, traitant de la reddition de Damiette, réserver le consentement de la reine, et déclarer que celleci étant sa dame, il ne pouvait rien faire sans son aveu 5.

Tel était cependant l'esprit de la chevalerie, de cette noble institution, née en grande partie sous l'influence du christianisme, et que les croisades développèrent. Chose merveilleuse! au milieu des mœurs généralement si dures du moyen âge, la civilisation pousse une fleur précoce que la femme fait éclore et dont elle recueille le fruit. Les pèlerins armés se vouent à la défense des faibles, et la femme est au premier rang de ceux qu'ils protègent. Bientôt la protection accordée à la vierge et à la veuve devient exclusive, des ordres sont fondés, qui n'ont plus d'autre objet que de défendre envers et contre tous, non-seulement l'honneur et les biens, mais la louange et la renommée de toutes les dames ou de

'Sans parler d'Éléonore de Guienne, femme de Louis VII, et de Bérengère de Navarre, femme de Richard Coeur-de-Lion, on se rappelle la digne épouse de saint Louis, Marguerite de Provence, et la conduite héroïque qu'elle tint à Damiette; on sait aussi qu'elle était accompagnée, dans cette expédition, des comtesses d'Artois et de Poitiers.

⚫ Ce fut ainsi que le comte de Poitiers, frère du roi, fut délivré, après la malheureuse journée de la Massoure.

3 Au siége de Ptolémaïs, une femme travaillait avec d'autres à combler un fossé. Percée d'une flèche, elle demanda, comme une grâce, à son mari, qu'il la jetåt dans le fossé, afin que sa mort ne fût pas inutile au succès.

4 C'était une femme nommée Marguerite, sœur d'un pauvre moine; abandonnée sur la route, elle revint en Europe, armée d'un casque et d'une fronde. — La Clorinde du Tasse n'est pas une fiction; seulement Clorinde devait être chrétienne.

5 Longtemps après saint Louis, les rois mêlaient à leurs ordonnances le nom de la reine leur compaigne.

moiselles. L'homme se fait le fidèle de la femme. C'est elle qui l'inspire, et c'est elle qu'il sert. Elle est l'âme de sa vie héroïque; elle le voit combattre pour elle et sous ses yeux dans des tournois dont il lui rapporte la gloire. Mon Dieu et ma dame! c'est le cri du chevalier. Tandis que les chevaliers combattent pour elle, les troubadours la chantent; elle inspire la poésie aussi bien que la valeur, et partout les littératures modernes produiront des chefs-d'œuvre que cette nouvelle muse aura dictés. En attendant, troubadours et poëtes fondent en son honneur un culte d'amour et de tendresse; ils font brûler pour elle le doux encens de la galanterie. Heureux l'objet de tant d'hommages, si ce culte, toujours innocent, n'eût point fait tort à celui du ciel, si cet amour toujours pur et respectueux, si cette galanterie toujours honnête et discrète n'eût porté aucune atteinte à la sévérité des principes chrétiens. Mais la femme s'enivra de sa gloire : comme ces antiques Aurinie qu'adorait la superstition germanique, elle se laissa diviniser; elle souffrit qu'on la comparât, qu'on la préférât à Dieu lui-même, qu'on dressât, pour ainsi dire, son autel contre celui du Très-Haut '. Elle en fut punie; car un culte sacrilége est aussi un culte impur, et les passions les plus grossières étouffèrent l'amour dont il semblait l'expression.

Malgré ces abus, l'esprit chevaleresque a puissamment servi la civilisation et la femme, il a poli les mœurs, exalté les sentiments, élevé la condition du sexe. La galanterie même, ce délicat et léger mensonge de l'amour, la galanterie, sous un nom frivole, a popularisé des égards aussi précieux que nouveaux : elle a répandu, et elle continue de répandre sur les relations sociales un charme de courtoisie, un parfum de grâce et d'urbanité, qui suffiraient à distinguer notre société de toutes les sociétés anciennes. La femme, aujourd'hui, reçoit des hommages plus mesurés; mais on peut dire qu'elle n'y a rien perdu puisqu'elle conserve un culte raisonnable d'amour et de respect. Encore mêlée quelquefois, avec honneur, aux grands événements politiques, c'est le plus souvent par une influence secrète qu'elle agit sur la société. Non-seulement elle exerce une douce autorité sur la famille, mais elle règne sur nos salons, elle inspire et cultive nos arts, elle donne ou plutôt elle

Voir l'heureux développement que l'érudition de M. Roux donne à cette idée, dans son travail déjà cité sur le Rôle des femmes dans la poésie.

• C'est Montesquieu qui a dit: La galanterie est le délicat, le léger, le perpétuel mensonge de l'amour. (Esprit des Lois, l. xxviii, ch. xx1.)

a donné à notre littérature et à nos théâtres des types jusqu'alors inconnus de pureté, de sensibilité, de noblesse, de grandeur dans la passion, et d'héroïsme dans le dévouement.

Mais à quoi bon parler de nos salons, de nos arts et de nos théâtres? Ce n'est pas là qu'est la véritable gloire de la femme; elle est dans l'exercice des vertus religieuses, dans la pratique de la charité, dans cette longue suite de vierges, d'épouses et de veuves qui continuent depuis dix-huit cents ans la tradition des grands exemples chrétiens.

Nous aimerions à suivre à travers les siècles une si belle histoire; mais comment suffire à pareille tâche ? Que de noms il faudrait citer, depuis ces veuves illustres, en qui saint Jérôme saluait la gloire des dames romaines, jusqu'à ces humbles sœurs de la Charité qui sont aujourd'hui l'orgueil de la religion! Chaque siècle d'ailleurs nous raconterait les mêmes prodiges de vertu, de piété, de sacrifices. Ne pouvant donc dérouler tout au long ces merveilleuses annales, nous essayerons, dans un dernier article, d'en détacher une page et d'en redire quelques noms.

J.-CH. DABAS.

Polémique catholique.

L'ÉGLISE ROMAINE ET LES RÉFORMATEURS MODERNES ́.

Réformateurs modernes. - Jouffroy, Michelet, Lherminier, Quinet, nient la divinité du Christ. Leurs raisons sont sans base historique. — Le progrès et la liberté ne peuvent venir des philosophes. Les socialistes modernes ; ils ne feront le bien que lorsqu'ils seront chrétiens.

Est-ce à dire qu'il ne survit rien de l'athéisme frondeur du dernier siècle? aurait-il jeté tant d'éclat pour ne rien léguer à nos philosophes modernes? Qu'allions-nous dire?..... le dévergondage de la Pucelle et d'un millier d'imitations n'ont-ils pas engendré la promiscuité des femmes, prônée par les saint-simoniens, par les communistes et les feuilletonnistes philosophes; le grand mot d'ordre écrasons l'infâme, n'a-t-il pas enfanté une foule de petites sectes isolées où chaque homme fait son église à lui, son dogme à lui?

■ Voir tome xxIII, p. 500, l'article intitulé l'Église romaine et le 18° siècle.

Nous ne parlons pas de M. Auzou ni de M. Chatel, mais de tout homme qui se mêle c'écrire un livre soit-disant philosophique. Depuis qu'on a détruit la théologie scolastique, on ne bronche plus qu'à des théologiens d'académie, et grâce aux progrès de la production logicienne, nous avons presque autant de dieux que l'ancienne Grèce! Ainsi M. Jouffroy nous apprend que Jupiter et Jésus « sont deux faces de la vérité également adorables. Les mystères » du christianisme sont une enveloppe usée comme une nuée ob>> scurcie, de mythes, de symboles et de figures que le soleil de la >> philosophie dissipera 1. »

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Cette adorable similitude de Jésus-Christ et de Jupiter aurait compliqué le dogme de la Trinité, qui serait devenu quaterne, si M. Michelet n'y avait mis ordre en rejetant le Christ au rang des hommes. « Le >> réformateur de l'Eglise, Grégoire VII, comme le fondateur, était >> fils d'un charpentier, » a-t-il écrit dans son Histoire de France 2. Et M. Voisin, professeur de phrénologie, ajoute par compensation « que >> le fils de Joseph et de Marie, dont on a voulu faire un dieu, pos» sédait à un degré éminent la bosse de la bienveillance. » Nous serions-nous douté que Parny eut un imitateur aussi sérieux? M. Lherminier ajoute « que jamais usurpation ne fut plus nécessaire que >> celle de César : il succéda à la république devenue désormais >> impossible, et prit une place légitime entre Brutus et Jésus>> Christ...... L'homme d'autorité s'est rapproché de la raison su» prême; il s'est fait dieu autant qu'il était en lui, qu'il s'appelle » César ou Jésus-Christ, Shakspeare ou Platon, peu importe. >> .... Pourquoi ne pas dire Lherminier ou George Sand? Il faudrait avoir le courage de ses convictions. Pour qu'il ne reste pas la moindre incertitude sur la pure humanité de Jésus-Christ, M. Michelet nous apprend que « le Christ lui-même a connu l'angoisse » du doute, cette nuit de l'âme où pas une étoile n'apparaît plus » sur l'homme. » M. Quinet, heureux de pouvoir exploiter cette pensée, fait faire au Christ cet aveu très-explicite : « Le doute rem>>plit ma coupe et mouille mes lèvres. Si je mettais le doigt dans » ma plaie, ma bouche ne saurait plus dire mon nom, et le Christ >> ne croirait plus au Christ. Qui ai-je été? qui suis-je? qui serai-je

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'Mélanges, p. 49; Problèmes, p. 475, 483.

Tome II, p. 170.

3 Revue des Deux Mondes, t. vi, p. 740; t. vii, p. 471.

▲ Histoire de France, t. 11, p. 638 et suiv.

5 Dans Ahasvérus, p. 537, 542.

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