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toutes les sciences dans une immense synthèse, et toutes les sciences ont à venir payer à la philosophie leur tribut d'hommages, et à la proclamer leur maîtresse. C'est ainsi que le panthéisme a voulu établir son empire sur toutes les ramifications du grand arbre de l'intelligence, et nous avons vu ses principes se dérouler dans la philosophie de l'histoire, la philosophie du droit, la philosophie sociale, la philosophie des sciences naturelles. Le panthéisme n'est donc resté étranger à aucune des plus graves questions qui se débattent par le monde. Or il y a, je n'hésite pas à le dire, dans cette manière large et élevée de prendre possession du domaine intellectuel quelque chose de fort séduisant et qui captive tout d'abord l'imagination. Avouons-le, au point où nous voici parvenus, nous sommes à une assez grande distance du 18° siècle. Cette allure si prétentieuse, sans doute, mais si entraînante de nos panthéistes, est bien différente de la mesquine tactique des disciples du voltairianisme, qui ne savaient que jouer sur les mots, et qui, pour combattre avec quelque apparence de succès la vérité catholique, qu'ils n'osaient attaquer de front et dans son majestueux ensemble, s'attachaient à la fractionner, et ne cessaient d'ergoter sur chaque syllabe de chaque dogme, après l'avoir préalablement isolé des autres vérités religieuses dans l'unité desquelles il puisait sa plus grande forcé. Essentiellement intolérante et jalouse, la philosophie du siècle dernier avait tracé le cercle le plus étroit autour de l'esprit humain. Tout voir, tout comprendre, tout saisir d'intuition, tout savoir, dans le sens propre du mot, tel est, au contraire, le cri de ralliement du panthéisme. Noble prétention sans doute. Mais le panthéisme est-il bien en état de tenir de si magnifiques promesses, dont l'exécution se trouve hérissée de tant de difficultés? et jusqu'à présent a-t-il rempli son programme de manière à en faire entrevoir pour un prochain avenir la réalisation complète? Voyons un peu.

Le panthéisme impose, au premier abord, par les magiques illusions dont il vous berce. Ses théories ont un côté spécieux, et tant que vous n'êtes pas descendu au cœur du système pour l'examiner dans toutes ses parties et en étudier les fondements, rien ne vous semble plus digne d'admiration. Mais l'enthousiasme une fois calmé, quand vous n'abordez plus seulement cette théorie par celui de ses côtés qui séduit l'imagination, que vous l'interrogez au point de vue purement scientifique, que vous lui demandez des preuves de ses assertions et de son ton si tranchant d'affirmation, vos yeux sont bientôt dessillés. Vous avez découvert la partie faible de la cuirasse; vous voyez tomber un à un les faux brillants dont se parait la philosophie moderne, et au lieu de ses théories qui vous semblaient si remarquables, vous n'apercevez plus que des rêves creux, que de ridicules utopies. Et c'est là le système qui a la prétention de conquérir l'avenir ! C'est là ce qu'on se plaît à nous donner pour le dernier mot de la philosophie, pour le couronnement de la marche progressive de l'humanité à travers les siècles, le nec plus ultrà des investigations de l'esprit humain ! Mais à quel titre donc le panthéisme revendiquerait-il la suprématie intellectuelle? Serait-ce parce que ses preuves arbitraires et impuissantes n'offrent que de véritables pétitions de principes, de pures assertions, des hypo

thèses toutes gratuites, sans aucun fondement ? Serait-ce parce que ses principes constituent comme autant de blasphèmes contre la nature raisonnable de l'homme et le bon sens de tous les peuples, et partant autant d'absurdités? Enfin, serait-ce parce que le panthéisme, dans ses conséquences logiques et nécessaires, est un système subversif de toute moralité, destructeur de tout lien social, et qui doit, en dernière analyse, fatalement aboutir aux plus épouvantables infamies? En vérité, il n'y a pas là de quoi s'enorgueillir! Et si le panthéisme est un progrès pour l'humanité, il faut convenir que c'est un progrès d'une bien singulière nature. C'est ce que l'on a fini par entrevoir, et le sens commun a déjà entrepris de faire bonne justice de ce système. On sait quel a été le sort du saint-simonisme en France. En Allemagne, la philosophie de la nature ne fait plus aujourd'hui de partisans, et la voix du vieux Schelling se perd sans rencontrer d'échos. Encore quelques années et le panthéisme dormira son sommeil éternel, comme tous les faux systèmes qui l'ont précédé. Contemplez-le, il se meurt déjà. Ses représentants les plus distingués n'ont plus de forces pour le défendre; ils en sont réduits aujourd'hui à édifier les uns contre les autres, et à se déchirer mutuellement. Leibnitz, en parlant de ce naturalisme immense que nous voyons régner de nos jours, le signalait comme devant être la dernière extravagance de l'esprit humain, et fermer la chaîne des hérésies. Et je crois facilement à la prédiction de l'illustre philosophe, puisque le panthéisme n'est que l'ensemble et comme le résumé fidèle de toutes les erreurs qui aient jamais égaré la raison humaine. C'est le cri de détresse de T'esprit du mal, sur le point d'être dépouillé de son empire; c'est la dernière attaque de l'enfer, son dernier défi contre le ciel.

Nous touchons au moment où une nouvelle ère va commencer pour l'intelligence. Que se passera-t-il alors? L'esprit humain, après avoir parcouru le cercle entier de l'erreur, sera-t-il condamné, nouveau Sisyphe, à refaire toujours cet ingrat labeur? Il y aurait, ce me semble, dans cette pensée un blasphème contre le ciel. Non, l'humanité n'est pas le jouet d'une Providence aveugle, qui lui aurait imposé des lois fatales et nécessaires! Non, elle n'est pas destinée à rouler sans cesse dans un cycle, toujours renaissant, de misérables utopies! Le Christ est venu déposer dans son sein le germe d'une perfectibilité indéfinie. Purifiée par le sang divin qui coula sur elle des hauteurs du Golgotha, elle a été appelée, dès ce moment suprême de sa réhabilitation, à s'avancer de progrès en progrès vers le trône dont l'a précipitée la déchéance originelle. Sans doute sa marche n'a pas toujours été libre. Les passions et les vices des hommes lui ont fait maintes fois obstacle; et elle rencontrera toujours sur son passage quelque pierre d'achoppement, parce que la nature humaine ne pourra jamais se dépouiller entièrement de sa faiblesse. Depuis trois siècles l'humanité est restée stationnaire. Je serais peut-être plus vrai en disant qu'elle a subi un mouvement de recul. La réforme religieuse opérée par Luther l'a rudement poussée hors de ses voies. Mais cette période de douleurs et de pénibles angoisses semble être arrivée à son terme. Voyez ce qui se passe de nos jours; examinez les tendances sérieuses qui se manifestent de toutes parts dans la

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société. Le sentiment religieux dirige les plus hautes têtes de notre époque. Tous les esprits sont entraînés vers les études graves et profondes. L'intelligence humaine est lasse du doute, elle voudrait pouvoir affirmer. Aussi jamais les convictions fortes et nettement arrêtées, les principes raisonnés n'ont excité plus d'admiration et de respect. Partout on recherche avec ardeur la vérité, on la demande à grands cris. Plus de théories préconçues à l'avance contre les livres saints; plus de paradoxes, plus d'hypothèses. C'est la bonne foi, la franchise, l'impartialité qui président aux consciencieux travaux de la science moderne. Sans doute nous ne disons pas que notre siècle soit pleinement catholique; nous affirmons seulement qu'il semble affranchi de l'influence d'une érudition mensongère; et cet état de choses est déjà un bien grand pas vers sa régénération, car la vérité éclaire toujours celui qui l'invoque après avoir eu soin d'écarter d'abord tous les obstacles qui auraient pu s'opposer à son heureuse diffusion.

L'impuissance même de la raison, livrée à ses seules forces, contribuera aussi, dans une puissante mesure, à hâter le retour des esprits vers la religion. Jusqu'ici, en effet, la philosophie rationaliste n'a rien pu enseigner à l'homme sur les questions qu'il lui importe le plus de connaître. Et cependant la possession du vrai est indispensable à l'intelligence; faute de cet élément, la vie morale languit et s'éteint. Le doute est un état violent, un état contre nature. Donc, sous peine de s'anéantir lui-même, l'esprit humain devra bien un jour s'adresser à l'oracle par excellence, au catholicisme qui seul possède des promesses éternelles, et tient entre ses mains puissantes la clef des mystères du passé et de l'avenir. Cette vérité, la philosophie la proclame elle-même dans ses moments de religieux recueillement, quand elle a imposé silence à la voix de l'orgueil. Ainsi on a vu M. Cousin reconnaître que « toute philosophie est en germe dans » les mystères chrétiens. » Les aveux de M. Jouffroy ne sont pas moins remarquables: «Le système chrétien, dit-il, qui continue de s'étendre, qui entame >> tous les systèmes rivaux et s'enrichit de leurs pertes, marche à la conquête >> du monde. Le philosophe cherchera donc l'avenir de l'humanité dans ce sys» tème, qui seul possède cette puissance d'assimilation qui est un gage de du>> rée et d'accroissement. » Et en 1838, le même philosophe, dans une chaire de la Sorbonne, résumant son cours, terminait en développant ces paroles du catéchisme catholique qu'apprennent à balbutier tous les petits enfants: Dieu nous a créés pour le connaître, l'aimer, le servir et par ce moyen obtenir la vie éternelle : « Et c'est une grande autorité que celle du catéchisme, ajoutait » le savant professeur; ce livre est l'abrégé des préceptes de la religion la plus >> grande qui ait paru dans le monde. » Qu'il y a loin de ces paroles de Jouffroy aux articles qu'il rédigeait dans le Globe dix années auparavant, lorsque dans sa naïve confiance il écrivait que le dogme catholique était arrivé à son terme, et que celui de l'avenir allait briller à l'horizon. M. Edgar Quinet aussi, avant sa dernière prise d'armes contre les jésuites et l'ultramontanisme, avait rendu hommage à notre foi religieuse. Il a écrit quelque part: « Ceux qui veulent » extirper le principe du christianisme n'y réussiront pas, car il a fondé la

» grandeur et l'indépendance de la personne. » Enfin, il n'y a pas jusqu'à M. Lerminier lui-même qui ne se soit parfois également incliné devant la beauté et les bienfaits de la religion. Il a laissé tomber de sa plume ce témoignage : « Le catholicisme a de profondes racines dans nos mœurs. Loin d'être sans >> avenir, il contient encore des trésors à répandre sur les peuples. Roi de la » terre pour longtemps encore, on s'est beaucoup trop hâté de sonner ses fu» nérailles. » Ce passage est d'autant plus curieux que l'auteur même a été l'un des premiers et des plus persévérants à tinter le glas du catholicisme.

Il résulte des rapides considérations dans lesquelles nous venons d'entrer, que tout semble faire présager pour la nouvelle ère qui va s'ouvrir, un caractère éminemment religieux. On verra alors la philosophie, ramenée à sa véritable base, oublier ses outrecuidantes prétentions et entrer pleinement dans la voie catholique. Puisse la bonté divine hâater pour nous ce jour tant désiré! Ce sera l'alliance définitivement scellée de la croyance et de la science, de la religion et de la philosophie; ce sera le jour de Dieu et le jour de l'homme !

Allemagne et Italie, t. 1, p. 397.

L'ABBÉ CH. BRETON,

Docteur en philosophie et lettres de l'Université catholique de Louvain.

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Simon de Montfort semblait être parvenu au comble de ses désirs. Ce royaume du Midi, l'objet de ses rêves, de ses travaux et de ses fatigues, lui était adjugé par une assemblée générale composée de tous les évêques et de tous les potentats de l'Europe. Son frère Gui, et les autres députés qu'il avait envoyés au concile, s'empressèrent de retourner dans le Midi pour lui donner cette nouvelle. Lui n'en paraissait pas très-enchanté. Il s'attendait probablement à une plus large concession, à la confirmation pure et simple de la décision du concile de Montpellier, qui l'avait déclaré le seul monarque du pays, tandis que le concile de Latran ne lui en avait accordé qu'une partie. Sa part est bien assez belle, il est vrai, car, d'après le décret de Latran, sa domination s'étendait depuis Béziers jusqu'à l'Océan. Mais son ambition n'était pas satisfaite. Il n'avait pas la Provence, qui était réservée au jeune comte; il n'avait pas non plus les domaines des comtes de Foix et de Comminges, qui devaient être rendus à leurs seigneurs après leur réconciliation avec l'Église. Ainsi Simon n'était pas le seul seigneur ni le seul monarque, comme l'avaient

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