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il n'est pas seulement soumis aux restrictions sévères imposées au prêtre les règles les plus assujétissantes sont multipliées autour de lui, pour aider la faiblesse de l'homme à porter le fardeau du sacerdoce suprême, comme on élève des contre-forts autour d'une église dont la voûte tremble sous le poids de la tour dont elle est couronnée.

Cette réunion d'usages, de rites, d'emblèmes, forme, comme je l'ai dit, une sorte de monument vivant dont les autres monuments reflètent la perpétuelle présence. L'impression qu'ils produisent serait bien affaiblie, il y aurait dans leur ensemble une grande lacune, si l'on ne voyait s'élever au milieu d'eux cette auguste figure de la Papauté. Protectrice des monuments anciens, créatrice des nouveaux, elle semble avoir toujours eu une main dans le passe et l'autre dans l'avenir.

Parmi ces monuments, nous devons maintenant distinguer deux classes auxquelles s'attache un intérêt très-distinct. Elles contribuent, par des fonctions spéciales, au caractère de la ville qui est le siége de la paternité religieuse, le centre de l'empire spirituel de la vérité et de l'amour. L'une réfléchit les clartés primitives de la révélation évangélique; l'autre est la manifestation permanente de l'esprit

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ses serments et sa pénitence. -Marche des croisés. — Influence et autorité de l'abbé de Citeaux. Sa dureté envers le vicomte de Béziers.

Les nombreuses lettres du pape Innocent III, portées en France par un légat, produisirent un prodigieux effet. Les évêques les

Voir la 12 leçon au t. in de cette série, p. 502.

lurent en chaire et exhortèrent les peuples à s'armer pour la dé-fense de la foi. L'abbé de Cîteaux et les religieux de son ordre parcoururent toute la France, prêchant la croisade et les indulgences qui y étaient attachées. Ils n'eurent aucune peine à toucher les cœurs par le récit des circonstances tragiques de la mort de Castelnau. L'indignation était générale. Les peuples se levèrent en masse, prirent la croix qu'ils attachèrent à la poitrine pour se distinguer des croisés de la Terre-Sainte qui la portaient sur l'épaule 1. Le roi de France prit part à l'indignation publique. Menacé d'une guerre par l'empereur d'Allemagne et le roi d'Angleterre réunis, il ne pouvait s'absenter, mais il équipa à ses frais 15,000 soldats, qu'il envoya dans le Midi contre les ennemis de l'ordre et de la foi; car c'est ainsi qu'il appelait les Albigeois ".

L'exemple du roi entraîna les évêques et les seigneurs; tous firent des préparatifs de guerre. Le comte de Toulouse, en apprenant ce mouvement, en eut peur et chercha à se réconcilier avec l'Église et à faire lever son excommunication. Sachant que l'abbé de Citeaux, légat du Saint-Siége, était à Aubenas, dans le Vivarais, il s'y rendit avec le vicomte de Béziers et plusieurs autres de ses principaux vassaux; mais il eut beau protester de ses sentiments catholiques et de son innocence au sujet du meurtre de Pierre de Castelnau, le légat se montra inflexible et renvoya le comte au pape. Nous avons ici un premier exemple de la dureté du légat, qui deviendra la cause de bien des malheurs.

Le comte de Toulouse était extrêmement irrité de l'inflexibilité de l'abbé de Cîteaux. Son neveu, le vicomte de Béziers, jeune homme de 24 ans, plus irrité encore, était d'avis de faire un appel à la noblesse du pays, et de résister aux croisés en repoussant la force par la force. Le comte de Toulouse, voyant mieux les dangers de sa position, rejela cet avis et résolut de donner satisfaction à l'Église. Il envoya donc à Rome des ambassadeurs chargés de le justifier au sujet du meurtre de Pierre de Castelnau et de prier le pape d'accepter la soumission. Il se plaignit amèrement de la dureté d'Arnaud, et supplia le pape de lui envoyer un légat plus traitable. Cette démarche lui était inspirée par la peur. En attendant le résultat de ses négociations à Rome, le comte alla

Dom Vaissette, liv. xxi, c. 41.

Hist. de l'Église gallic., t. x, p. 265.

3 Hist. du Languedoc, liv. xx1, c. 42.

4 Ibid.

trouver le roi de France, sous prétexte de demander son conseil, mais dans le but réel de le disposer en sa faveur. Le roi lui ayant conseillé de se soumettre, il alla trouver l'empereur Othon, ennemi du roi, soit pour lui demander conseil, soit pour implorer son secours en cas d'attaque. Cette démarche déplut beaucoup au roi de France, qui dès lors ne prit plus si à cœur les intérêts du comte 1.

Cependant le pape, toujours plein d'indulgence, ferma les yeux sur la conduite passée de Raimond, et lui accorda tout ce qu'il avait demandé, c'est-à-dire il accepta sa soumission, lui envoya d'autres légats, qui furent Milon, notaire apostolique, et Théodise, chanoine de Gênes, tous deux distingués par leurs vertus, leur science et la fermeté de leur caractère. Ils étaient chargés de lever l'excommunication du comte, aussitôt qu'il se serait soumis et justifié au sujet du meurtre de Castelnau 2.

Le comte de Toulouse se réjouissait d'avoir affaire à d'autres légats, dont il espérait pouvoir disposer selon ses désirs. Mais rien n'était changé à son égard. Le pape ayant craint sans doute qu'on ne tendît des piéges à ses envoyés qui ne connaissaient ni le pays, ni le comte de Toulouse, leur avait intimé l'ordre de ne rien entreprendre sans l'avis de l'abbé de Cîteaux, ce qui fut rigoureusement observé. Ainsi, le comte fut obligé bon gré malgré lui de subir l'influence de l'abbé de Cîteaux qui ne se montrait plus visiblement, mais qui agissait en secret et dirigeait toutes les démarches. Il avait indiqué aux légats certains évêques qu'ils devaient consulter, et qui, sans aucun doute, pensaient comme lui. Ces évêques s'assemblèrent à Montpellier, sous la présidence du légat Milon. Leur avis unanime fut de citer le comte au concile de Valence. Le comte s'y rendit au jour indiqué, se disant disposé à faire tout ce qu'on lui prescrirait. On exigea de lui la promesse de chasser les hérétiques de ses terres, de réparer les injustices faites aux églises et aux monastères, de rétablir dans leurs siéges les évêques de Carpentras et de Vaison, de ne plus exiger d'impôts contraires aux anciens usages, et de purger ses domaines des bandes armées qui l'infestaient. C'étaient les bandes qui servaient de bras aux hérétiques. Il fut obligé en outre de livrer, selon les ordres du pape,

Dom Vaissette, liv. xx1, c. 44.

. Ibid., c. 45.

Labb., t. xi, p. 35.

comme gages de ses promesses, sept châteaux de ses domaines, et le comté de Melgueil, dont la suzeraineté appartenait à l'Église romaine. Ces châteaux devaient lui être rendus, dès qu'il aurait donné des preuves suffisantes de sa fidélité et de son innocence. On exigea de plus que les consuls d'Avignon, de Nîmes et de SaintGilles se rendissent caution, et fissent le serment de ne plus lui obéir, s'il venait à violer ses promesses 1.

Raimond de Toulouse se soumit à tout, trop heureux de pouvoir se réconcilier avec l'Église, et d'éviter ainsi le choc des croisés. Jamais il n'avait été aussi docile. Il ne s'agissait plus que de recevoir l'absolution. Celle-là devait se donner solennellement dans l'église de Saint-Gilles, selon les formes usitées en pareille occasion. Ces formes n'ont pas pu être comprises par nos auteurs modernes, parce qu'ils n'ont pas saisi l'esprit des institutions de cette époque. Je vous ai parlé, Messieurs, de la pénitence publique et de ses avantages; je vous ai dit qu'au 12° siècle elle était presque tombée en désuétude, que cependant on en pratiquait encore quelques faibles restes pour l'expiation de grandes fautes qui avaient causé du scandale. Le comte de Toulouse fut soumis à la cérémonie de la pénitence publique. Comme cette cérémonie a été sévèrement critiquée par un grand nombre d'historiens modernes, il est nécessaire de bien établir les faits et de vous donner un récit exact de ce qui s'est passé : vous porterez ensuite votre jugement.

Sous le vestibule de l'église de l'abbaye de Saint-Gilles, on avait dressé un autel sur lequel on plaça le Saint-Sacrement et les reliques des saints. On y conduisit, selon l'usage de l'époque, le comte de Toulouse qui était nu-pieds et les épaules découvertes. Là, il fit le serment de remplir toutes les conditions dont on était convenu à Valence. Le légat lui mit ensuite une étole au cou, et prenant les deux bouts, il l'introduisit dans l'église en le frappant avec une poignée de verges. Arrivé au grand autel, il reçut son absolution. La foule était si grande qu'il eut de la peine à se retirer. Il fut obligé de passer par une chapelle souterraine, où se trouvait le tombeau de Pierre de Castelnau; ce qui fut regardé comme une amende honorable faite à Pierre de Castelnau . Voilà, en deux mots, le récit exact de ce qui s'est passé à Saint-Gilles en présence de plus de 20 évêques et d'une grande multitude de peuple. Vous

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voyez ici un reste de la pénitence publique, qui, au lieu d'être comme autrefois de 7 ou de 20 ans, se réduit à un seul jour, ou plutôt à une seule cérémonie. La pénitence publique était sans doute une expiation humiliante, mais elle ne déshonorait personne; elle était au contraire nécessaire au pénitent pour regagner l'estime publique. Un homme qui avait subi cette pénitence, faisait oublier sa conduite passée et rentrait dans la société comme pleinement purifié. Il avait reçu aux yeux de l'Église un second baptême, et aux yeux du monde, des lettres de réhabilitation. Aussi Henri II, roi d'Angleterre, se l'était-il imposée volontairement pour reconquérir la considération qu'il avait perdue.

Pour nous, Messieurs, nous avons à regretter de n'avoir plus aucun moyen de réhabiliter l'homme convaincu de crimes. La religion seule a pu le faire; aucune expiation humaine n'y peut suffire. Un homme convaincu et condamné aux bagnes a beau expier ses crimes pendant 10, 20 et 30 ans, il reste toujours suspect. Tout le monde le repousse, ce qui le force souvent à se jeter dans la voie de nouveaux crimes. Eh bien! Messieurs, ce que ne peut faire aucune puissance humaine, l'Église l'a fait au moyen âge, par son admirable système pénitentiaire. Elle donnait, au moyen de la pénitence publique, des lettres de réhabilitation qui étaient alors reçues de tout le monde. Laissons donc nos philosophes se livrer à leurs déclamations. Ils n'ont jamais su apprécier les institutions de l'Église; nous le voyons par la manière dont ils ont parlé de la pénitence du comte de Toulouse. La description qu'ils en font, montre autant d'ignorance que de mauvaise foi. Je vais vous citer quelques exemples. Voici comme Voltaire décrit cette cérémonie :

Le comte parut devant le légat nu jusqu'à la ceinture, nu-pieds, nu-jambes, revêtu d'un simple caleçon, à la porte de l'église de Saint-Gilles. Là, un diacre lui mit une corde au cou, et un autre diacre le fonetta, tandis que le légat tenait un bout de la corde.

Voltaire termine par un autre trait spirituel, « après quoi, » ajoute-t-il, on fit prosterner le prince pendant le dîner du lẻ» gat1. »>On voit que Voltaire a pris à dessein l'étole pour une corde. Les deux auteurs de l'histoire des Albigeois que je vous ai déjà citės, Barrau et Daragon, me semblent renchérir encore sur Voltaire.

Raimond, disent-ils, se présenta devant l'abbaye pieds nus, vêtu d'une sim

• Essais sur les Mœurs, liv. LXII.

, T. 1, p. 50.

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