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Simon de Montfort exerçaient dans la province. On assure que le roi Philippe-Auguste, le duc de Bourgogne, le comte de Nevers et la comtesse de Champagne qu'il avait visités successivement, embrassèrent ses intérêts avec beaucoup de chaleur, et lui donnèrent des lettres de recommandation auprès du pape'. Le comte partit donc pour Rome, où il arriva vers la fin de janvier 1210, accompagné de divers seigneurs et de plusieurs députés de la ville de Toulouse, qui, excommuniés par l'abbé de Citeaux, allaient poursuivre l'appel qu'ils avaient fait au pape.

On prétend que le pape, prévenu par les légats, lui fit d'abord un froid accueil et des reproches sur sa conduite; mais dès qu'il eut entendu ses plaintes et vu les attestations authentiques de plusieurs églises indemnisées, et ses dispositions à remplir le reste de ses serments, et à prouver son innocence au sujet du meurtre de Castelnau et des intelligences qu'on l'accusait d'entretenir avec les hérétiques, il lui montra une vive sympathie. Un auteur ancien rapporte que le pape le prit par la main, et qu'après avoir entendu sa confession, il lui donna l'absolution en présence de tout le sacre collége. Il reçut avec la même cordialité les députés de Toulouse, dont l'excommunication lui paraissait injuste. Il est inutile de vous faire observer combien la conduite du pape contraste avec celle de l'abbé de Citeaux, cela tient à la différence de leurs vues.

Innocent III s'occupa immédiatement de l'affaire du comte de Toulouse. Malgré tout ce que lui avaient dit les légats, il ordonne qu'on lui rende ses châteaux, car il trouve inconvenant que l'Église les garde plus longtemps et s'enrichisse aux dépens d'autrui. Pour la justification relativement à la foi, il veut qu'on procède avec plus de prudence et de circonspection. Il ordonne donc que dans un délai de trois mois on assemble un nouveau concile, où seraient invités les évêques, les abbés, les princes et les seigneurs, et où le comte se justifierait au sujet de la foi catholique, et du meurtre de Castelnau. Si le comte se justifie, ils doivent le déclarer innocent et catholique; si, au contraire, il ne parvient pas à se justifier, ils doivent envoyer l'instruction au Saint-Siége et en attendre la décision. Il recommande à ses légats de ne pas retarder l'exécution de ses ordres par des questions frivoles et malicieuses, avertissement qui a un sens bien significatif.

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Pour les habitants de Toulouse, il ordonnaà Tabbé de Citeaux de les absoudre sur-le-champ, après avoir reçu caution de leur part '. Ayant ainsi réglé les affaires du comte et de ses sujets, il le congédia en lui faisant présent d'un riche manteau et d'une bague de grand prix.

La conduite d'Innocent III mérite non-seulement l'éloge, mais l'admiration. Il se montre en homme généreux, sage et juste. It fait un bon accueil au comte, il entend ses plaintes, compatit à ses maux, et bien loin de vouloir le dépouiller, il ordonne de lui conserver ses biens, de lui rendre ceux qu'on lui avait ôtés pour un moment, et lui donne, à son départ, des marques d'affection. Sans doute il avait prescrit des précautions, car, quand il s'agit de la foi, il ne faut pas procéder légèrement. Mais ces précautions étaient sages et justes; si la bonne foi avait présidé de part et d'autre à leur exécution, elles auraient rendu la paix au comte de Toulouse et à toute la province 3.

Mais, pour y réussir selon les vues du pape, il aurait fallu d'un côté changer le caractère du comte de Toulouse, lui donner plus de consistance et de résolution. Quand Raymond était devant le pape ou les légats, il promettait tout, et je crois que ses promesses étaient sincères. Mais quand il était retourné dans ses États et dans sa capitale, il ne faisait rien ou peu de choses. Il était retenu sans doute par de funestes conseils et de puissantes influences.

Il aurait fallu de l'autre changer les idées et le caractère de l'abbé de Citeaux, qui, par ses vues secrètes, bien différentes de celles du pape, mettait obstacle à toute réconciliation, ou la faisait échouer lorsqu'elle était sur le point de s'opérer, ou plutôt il aurait fallu l'éloigner du théâtre de la guerre et le renvoyer dans son couvent.

Mais Innocent III avait placé en lui toute sa confiance, et s'il est vrai de dire que la confiance ne se commande pas', on peut dire ↳ également qu'elle ne s'enlève pas facilement. Le pape nous en offre un exemple. Il avait reconnu les torts de l'abbé de Citeaux, il cherche à les réparer et les répare généreusement. Mais il ne peut se décider encore à faire ce qu'il sera obligé de faire plus tard, c'est-à-dire à lui ôter la confiance. Il sentait trop vivement le besoin d'avoir dans

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le midi de la France un homme ferme, qui connût le pays et l'état des affaires. Ce qui l'a séduit principalement, c'est le succès qu'avait obtenu Milon à l'égard du comte de Toulouse et des autres seigneurs du Midi dont il avait reçu les serments, succès qu'il attribuait aux conseils de l'abbé de Citeaux. Ce qui l'a séduit encore, ce sont les victoires des croisés dont il se croyait également redevable à l'abbé de Citeaux; car le pape, mal informé par ses légats, était toujours dans une complète illusion à ce sujet. Il croyait que la guerre touchait à sa fin, et qu'il ne fallait plus qu'un dernier coup de main; grâce, selon lui, au zèle et aux conseils de l'abbé de Cîteaux. C'est pourquoi, tout en lui ordonnant de lever l'excommunication prononcée contre les Toulousains, il le comble d'éloges, il le félicite de tout le bien qu'il a fait à la religion et en rend grâces à Dieu. Il fait plus; comme Milon était mort à Montpellier au commencement de l'hiver, il met à ses ordres le nouveau commissaire qu'il nomme pour l'affaire du comte de Toulouse; c'est maître Théodise, chanoine de Gênes, l'ancien compagnon du légat Milon. Ce commissaire ne doit rien faire sans son ordre, se comporter en toutes choses comme son organe et l'instrument dont il se servira envers le comte de Toulouse. Ainsi Raymond se trouvait toujours dans les mains de l'abbé de Cîteaux. Rien n'est changé dans sa position'.

Cependant il quitta Rome plein d'assurance, il croyait avoir obtenu du pape tout ce qu'il avait désiré. Avant de revenir dans ses États, il alla à la cour de l'empereur d'Allemagne et à celle du roi de France, pour demander quelque appui contre Simon de Montfort; mais ce fut sans succès. De retour dans ses États, vers la SaintJean (1210), il alla trouver immédiatement l'abbé de Citeaux et Simon de Montfort pour leur faire connaître les ordres du pape, et demander à se purger du crime d'hérésie et de sa complicité au meurtre de Castelnau. On lui fit bon accueil et on lui donna un rendez-vous dans la ville de Toulouse.

Maître Théodise à qui cette affaire avait été spécialement confiée, arrive à Toulouse avec des dispositions bien peu favorables au comte de Toulouse. Il était timide et circonspect, et persuadé que la religion serait perdue dans le pays si le comte venait à se justifier par des allégations frauduleuses, ou par la ruse. Il était prévenu contre le comte, et sans connaître peut-être le dessein de l'abbé de Citeaux, il croyait à l'impossibilité de rétablir la religion, si on lais

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sait le comte maître de ses États. Il aurait donc volontiers trouvé quelques prétextes pour ne point l'admettre à se purger sur les deux crimes dont on l'avait accusé. Mais les ordres du pape étaient précis. Le comte ne devait se justifier que sur le crime d'hérésie et la mort de Pierre de Castelnau. Dans sa perplexité, maître Théodise consulte l'abbé de Cîteaux dans un entretien secret.

L'abbé de Citeaux qui était riche en expédients ne fut pas en peine de fournir à maître Théodise des prétextes pour refuser la justification du comte. Car le pape avait dit dans ses lettres: Nous voulons que le comte fasse ce que nous lui avons commandé. Or qu'avait-il recommandé ? L'expulsion des hérétiques avec d'autres choses que le comte avait été négligent à faire. Le prétexte paraissait plausible. Maître Théodise, accompagné de l'évêque de Riez, indiqua au comte un concile à Saint-Gilles, qui devait se tenir dans trois mois, et où le comte serait admis à se purger selon les ordres du pape'. Mais ils lui recommandèrent de chasser avant tout de ses États les hérétiques et les routiers, et d'exécuter tous les autres articles auxquels il s'était engagé par serment 2.

Le concile eut lieu vers la fin de septembre 1210. Le comte s'y présenta pour se justifier du crime d'hérésie et de complicité dans le meurtre de Castelnau. Mais son sort était décidé d'avance. On refusa de l'entendre, sous prétexte qu'il n'avait pas chassé les hérétiques ni rempli les autres conditions imposées par le pape, et on lui demanda, avant tout, s'il voulait être admis à se justifier, qu'il exécutât ces articles. Selon un autre auteur très-ancien, et dont le récit me semble plus vraisemblable, les évêques auraient été divisés: les uns auraient pris chaudement son parti et l'auraient excusé; les autres, le regardant comme criminel, auraient refusé de l'entendre, et on se serait séparé sans rien conclure. Cette narration est plus vraisemblable; car il est difficile de croire que tout un concile se soit écarté des ordres du pape. Quoi qu'il en soit, le comte revint mécontent, et décidé à ne plus rien attendre que du sort des armes3. De là une nouvelle guerre.

Je termine. Il est des auteurs ecclésiastiques qui se sont efforcés de justifier la conduite de l'abbé de Citeaux, et de donner tous les torts au comte de Toulouse. Pour cela, ils ont été obligés de tronquer leur récit et de passer sous silence tout ce qui est défavorable à leur

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système de défense. Je ne veux pas suivre un tel exemple, c'est pourquoi je m'attache à vous dire la vérité entière pour vous mettre à même de porter votre jugement. Mais il m'est impossible de justifier la conduite de l'abbé de Citeaux. Je n'accuse pas ses intentions, mais j'accuse son plan de politique qui est mauvais, entièrement opposé à celui du pape, qui a déjà causé de grands malheurs, et qui va en causer de plus grands encore, comme nous le verrons par les leçons qui vont suivre.

Philosophie.

L'ABBÉ JAGER.

COURS DE PHILOSOPHIE.
DE LA MÉTHODE.

CHAPITRE XVII '.

De la médecine.

De toutes les sciences naturelles, la médecine est la seule dont je parlerai en particulier. Cette exception est motivée par la difficulté apparente d'appliquer à cette branche des connaissances humaines l'observation qui, selon moi, convient à toutes les sciences.

Toutes les sciences, ai-je dit, se composent de deux parties, l'une certaine, invariable, l'autre changeante et douteuse ou conjecturale. Il n'est pas difficile de trouver dans la médecine les éléments de la seconde partie; mais quels sont ceux de la première ? Existe-t-il dans la médecine des vérités premières? Y a-t-il des principes constants, invariables, des règles qui aient été généralement admises par tous les médecins sans distinction d'époques et de pays?

Quelles sont dans la médecine les vérités premières? C'est d'abord le principe sur lequel repose la stabilité de l'expérience: Effectuum generalium ejusdem generis eædem sunt cause. Appliqué à la médecine, ce principe peut se traduire par cette proposition : Les mêmes causes produisent les mêmes désordres, et les mêmes remèdes produisent les mêmes effets dans des circonstances semblables.

• Voir le chap. xvi, au numéro précédent ci-dessus, p. 37.

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