Obrazy na stronie
PDF
ePub

Ce petit dialogue, de trente pages grand in-8°, se trouve à la bibliothèque Mazarine, et fait suite aux Actes du premier concile de Pise, Paris, 1672, sous ce titre : Dialogus viri cujuspiam eruditissimi festivus sane et elegans. A l'appui de notre opinion, il y a des preuves intrinsèques et des preuves extrinsèques. Nous avons parlé du style et de la pensée en général. On peut ajouter que l'auteur connait bien l'état religieux et politique de l'Europe, l'Angleterre, la France, les Pays-Bas, l'Italie. Ce qu'il en dit est conforme a ce que l'on trouve dans la correspondance d'Érasme. On y voit que l'Angleterre est peu dépendante du pape. Il y est question de la guerre contre ceux de la Gueldre. Maximilien, Henri VIII, Ferdinand le Catholique y sont jugés d'une manière assez remarquable. L'empire est appelé l'ombre d'un grand nom. Dans une lettre intime adressée au nonce Ammonio en 1512, Érasme dit: Nam magnopere velim audire num vere Julium agat Julius, t. III, p. 106. Dans le Dialogue, nous lisons: Vere Julium agerem. Nous avons vu comment, dans l'Éloge de la Folie, Erasme parle du patrimoine de saint Pierre; l'auteur du dialogue s'exprime presque dans les mêmes termes : Quod, obsecro, mihi narras patrimonium, qui relictis omnibus nudum Christum nudus sum secutus? Au sujet des dispenses, des bénédictions pontificales, du faste de la cour romaine, nous retrouvons dans le Dialogue les mêmes pensées, les mêmes expressions que dans la Folie et dans d'autres ouvrages d'Erasme : Quæso te, non reputabas tecum, cum esses summus ecclesiæ pastor, quibus modis nata esset ecclesia, quibus aucta, quibus constabilita; num bellis, num opibus, num equis? Dans l'Eloge de la Folie, nous lisons: Priscum et obsoletum, nec horum omnino temporum, miracula edere; dans le Dialogue: Claruisti miraculis? - obsoleta loqueris. Il est souvent question dans la correspondance d'Erasme des traités faits et rompus sans cesse par les pontifes. Dans le Dialogue, il en est de même, ruptis, discessis, discussis fœderibus. On a vu avec quelle âpreté Erasme parle de Jules II, toutes les fois qu'il en a l'occasion. Dans le Dialogue, ce pape est représenté comme simoniaque, faux-monnayeur. Dans la Folie, il est fait allusion à un vice infàme. On trouve la même allusion dans le Dialogue. La Folie nous fait voir le souverain pontificat acheté quelquefois à prix d'argent, obtenu par toute sorte de moyens; le Dialogue contient la même accusation. Une lettre d'Érasme à Ammonio fait mention du médecin juif qui devrait administrer de l'ellébore à Jules II. Dans le Dialogue, ce juif joue aussi un rôle : Judæus ille medicus qui Diu mihi vitam arte suȧ prorogȧrat, amplius proferre potuisset. Erasme distingue souvent les deux glaives. De même saint Pierre dit à Jules II: Sane cum istum tenerem locum, nullum novi

gladium, nisi gladium spiritus, quod est verbum Dei. On lit dans une lettre d'Erasme : « Autrefois le cardinalat était une charge, maintenant c'est une royauté; » dans le Dialogue : « Nunc regnum est ac tyrannis. » On a vu avec quelle verve Érasme poursuit les brigands soldés pour faire la guerre; l'auteur du Dialogue s'indigne aussi contre ces latrones conductitios. On reconnaît encore la pensée, le style et l'ironie d'Erasme dans ce passage du Dialogue: Secus loquereris, si vel unum meorum triumphorum spectasses, vel eum quo Bononiam sum invectus, vel quem egi Romæ subactis Venetis, vel quo, Bononia fugiens, sum Romam revectus, vel quem hic egi postremum, Gallis præter omnem spem fusis apud Ravennam. Si mannos, si Caballos, si militum, armorum speciem, si ducum ornamenta, si delectorum spectacula puerorum, tum Scipiones, Emilios, Augustos, sordidos ac frugales dixisses præ me. V. au chapitre XIII de ce volume, un passage très violent de la Folie, contre Jules II.

Les preuves extrinsèques ne sont pas moins décisives. Le 1er mars 1517, Érasme écrit à Morus: « Ce Dialogue de Jules II et de saint Pierre, ut intelligo, est déjà dans les mains du grand chancelier, t Kaynellapio pɛyà, et lui plait singulièrement, unice placet. Il s'agit du chancelier Sauvage. Au mois d'août de la même année, de nombreuses copies de l'ouvrage circulaient à Cologne, V. t. III, p. 1622 et 1626, et le bruit courait qu'Erasme en était l'auteur. Celui-ci, tout en protestant contre cette rumeur fâcheuse, prie Jean Césarius et le comte de Nuenar, ses amis, de faire en sorte que ce petit livre soit tenu caché ou plutôt détruit, ut cures premendum vel potius abolendum. V. 1er vol., p. 200. Environ deux mois après, le 3 novembre, il écrit à Bilibald avec mystère: De libello illo premendo idem sentio quod scripsi. Le Dialogue fut néanmoins publié dans les premiers mois de 1518. Le 5 mars, Érasme annonce cette publication à Morus en des termes qui doivent être remarqués : « On m'écrit de Cologne qu'on a déjà imprimé je ne sais quel petit livre sur Jules II discutant avec saint Pierre à la porte du Paradis; on n'ajoute pas le nom de l'auteur. Le 19 juin, pendant qu'Erasme est à Bâle, Pierre Gilles, son ami intime, lui écrit: « Le Dialogue de Jules II, œuvre de je ne sais qui, mais assurément d'un homme instruit, est vendu ici de tous côtés; tout le monde l'achète; je voudrais beaucoup que vous l'eussiez vu, quoique je ne doute pas qu'il ne soit vendu aussi là où vous êtes. « Je ne sais si je me trompe, mais il me semble qu'on peut reconnaître dans un tel langage un ami de l'auteur. Le 14 juillet suivant, le théologien Dorpius lui adressa une lettre où l'on trouve ce passage: » Le petit livre sur Jules II exclu du ciel, est lu en tous lieux par tout le monde; et je ne sais comment il se fait que peu le condamnent; vous avez raison d'être en colère contre l'auteur, qui rend plus que jamais les lettres odieuses.>> Y avait-il dans ces paroles candeur ou malice? On ne saurait le dire. La rumeur générale qui attribuait à Erasme cet écrit satirique, pouvait produire une fàcheuse impression à la cour d'Angleterre ;

le 1er janvier 1519, il écrit à Morus: « Mes calomniateurs, qui ne cessent de remuer toute pierre pour me nuire, avaient fait croire à une ou deux personnes, à Cologne, que ce petit livre badin de Jules II exclu du ciel, avait été composé par moi. Ils en auraient persuadé un plus grand nombre, si présent je n'avais pas étouffé cette impudente calomnie. Si chez vous, de même, ce soupçon s'est glissé en quelque manière, car en pareil cas les conjectures s'étendent ordinairement sur plusieurs, je vous envoie une copie de ma lettre à Paul Bombasio; il serait trop long, en effet, de répéter à plusieurs les mêmes choses. » Quatre mois plus tard, le 1er mai 1519, il adresse une lettre quelque peu embarrassée au cardinal Campége, légat en Angleterre, pour écarter ce qu'il appelle une calomnie. Dans cette lettre, il déclare qu'il a parcouru ce petit livre, il y a cinq ans, tandis que, dans ses lettres à Morus, il a l'air d'en parler par ouïdire. C'est le cas de se rappeler que la vérité est une et le mensonge divers. Il refuse de reconnaître son style; mais sentant combien la ressemblance est frappante, il cherche à l'expliquer par l'imitation, non sans profit pour sa vanité, comme si l'imitation pouvait reproduire à ce point l'esprit, la pensée intime, la forme originale du langage et du style. Le cardinal ne paraît pas avoir été dupe; mais, en politique habile, il dissimula. V. 1er vol., p. 239. Quelques jours après, le 18 mai, il écrit au tout puissant Wolsey. Dans sa lettre, il prétend avec peu de vraisemblance que ce pamphlet a été composé à l'occasion du dernier schisme. Il se défend d'en être l'auteur; mais il laisse échapper la vérité, quand il dit : « Celui qui a écrit ce petit livre a fait une chose extravagante; mais celui qui l'a divulgué est digne d'un plus grand supplice. » Il est probable, en effet, que ce dialogue fut livré au public contre son gré. Il se plaint maintes fois de la perfidie des Allemands à son égard. Dans l'Eponge, t. X, p. 1659, rappelant diverses indiscrétions commises par eux, il ajoute : Præter alia quædam incivilius vulgata. Peut-être a-til en vue la publication du Dialogue de Jules II.

Le savant Baluze, malgré le désaveu formel d'Erasme, était persuadé qu'il en était l'auteur. Il consigna son opinion à ce sujet dans une préface manuscrite ajoutée à l'exemplaire dont il était possesseur. Le catalogue de sa bibliothèque faisait mention de cette préface. V. Burigny, t. II, p. 552, qui s'appuie d'une remarque critique sur le Dictionnaire de Bayle, édition de Trévoux.

M

Le mot xanyons, au commencement de saint Luc, avait arrêté Erasme. Budé l'expliqua sans peine et cita deux passages de Lucien où le mot se trouve. Il fit voir que ce verbe, à l'actif, signifiait ins

truire de vive voix, inculquer, et que l'on ne devait pas rendre xnxons comme zaτnno, ainsi qu'Erasme l'avait fait. Il ne montra pas moins de savoir et de sagacité judicieuse pour interpréter le mot παρηκολουθηκότι dans la première phrase du même évangile. Il s'était d'abord mépris sur le sens et avait traduit comme si l'Evangéliste avait dit qu'il avait été le compagnon des témoins oculaires; mais, sur l'observation d'Erasme qui avait contesté cette interprétation, il établit le vrai sens avec cette abondance d'érudition et cette sûreté de jugement qui le distinguaient. La Vulgate avait rendu apnzolovonzóti par assecuto qu'Erasme avait blâmé. Budé le défendit et montra que le mot grec répondait à pryμive. Il cite Démosthène, discours de l'Ambassade et discours de la Couronne, ainsi que Galien qui l'emploie d'une manière analogue pour marquer la connaissance intime et complète d'une chose. Erasme, qui substituait le mot persequi au mot de la Vulgate assequi, rapportait les deux parties de la phrase à la composition même du récit embrassant tout depuis le commencement. V. t. III, p. 248 et 259.

Les ouvrages de piété que nous avons en vue sont le Manuel du Soldat chrétien, les Explications des Psaumes, la Miséricorde du Seigneur, dédiée à l'évêque de Bâle en 1524, le petit livre sur la Manière de prier, la Préparation à la mort, l'écrit sur le Symbole, le Traité du mépris du monde, ouvrage de sa jeunesse, la Veuve chrétienne, diverses formules de prières, diverses pièces de vers d'un caractère tout religieux, la Comparaison de la virginité et du martyre, adressée aux religieuses macchabéitiques de Cologne, une lettre écrite aux saintes filles de l'Ordre de Saint-François, près Cambridge, enfin une explication de la Prière dominicale, donnée en 1523.

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION

[blocks in formation]
[ocr errors]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

rapport entre la méthode qu'il recommande et celle qu'ont
suivie Bossuet, Fénelon et Fleury.
CHAPITRE VII. Érasme fondateur de l'exégèse biblique chez les
Son ouvrage sur le Nouveau Testament.
Érasme préparateur de la Réforme.
Eloge de la Folie.

modernes.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors]
[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][ocr errors][merged small][merged small]

-

CHAPITRE X. - Érasme adversaire de la Réforme. Il défend la
liberté morale de l'homme contre la doctrine fataliste de Lu-
ther..

-

382

CHAPITRE IX. Érasme modérateur de la Réforme .

-

[blocks in formation]

Érasme véritable promulgateur du principe de
la liberté de conscience, incompatible avec le fatalisme de Lu-

« PoprzedniaDalej »