Obrazy na stronie
PDF
ePub

deux Testaments. Luther montra plus d'emportement encore. Il prétendit que cet ouvrage n'était qu'une dérision du Christ et de toutes ses actions, que le lecteur en un mot ne pouvait y puiser que le dégoût de la religion chrétienne.

Les Paraphrases furent accueillies d'abord avec beaucoup de faveur. Après avoir lu celles des deux Épitres aux Corinthiens, l'anglais R. Pace écrivait à l'auteur: « J'ai retiré le plus grand fruit de votre travail, et j'oserais affirmer, maintenant enfin, que je comprends dans une certaine mesure, pour ne pas trop accorder à mon entendement, ce que dit et ce que pense saint Paul. A présent, cet esprit divin de l'Apôtre qui auparavant me semblait manquer de chaleur et de force, m'apparaît plein de vigueur. A présent, ces préceptes sacrés qui jusque-là étaient pour moi de l'aloès, se sont changés en miel. Auprès de cette Paraphrase qui explique tout, les autres commentaires ne me semblent que ténèbres. » Il louait Érasme d'avoir conservé la simplicité du langage apostolique dans l'élégante pureté de son style. Il ajoutait : « Si saint Paul ressuscitait aujourd'hui, pourrait-il ne pas se préférer à lui-même ? »

On ne saurait dire si Érasme goûtait beaucoup ces éloges exagérés jusqu'à l'indécence; mais assurément il se réjouissait en voyant le succès de ses Paraphrases. « Je n'ai pas toujours eu, disait-il, à m'applaudir d'avoir obéi aux conseils de mes amis; toutefois, en cette circonstance, je me suis félicité que le succès de mon audace ait dépassé mon attente. » Mais bientôt des propositions indiscrètes troublèrent le brillant succès de cet ouvrage. Les théologiens de Paris et de Louvain attaquèrent les Paraphrases, comme la plupart de ses autres écrits. Celle de saint Mathieu ayant été traduite en italien, fut condamnée à Rome.

Ses travaux sur les Psaumes donnèrent moins de prise aux censures; et pourtant là encore se rencontraient des opinions hardies sur les Pères, sur la Confession, sur les Décrets et les Décrétales. La manière peu respectueuse dont il parle de

saint Augustin en divers endroits de ses écrits dut paraître un blasphème aux nombreux théologiens qui voyaient dans ce Père l'oracle de l'Église. Ce qui ne devait pas moins exciter les ombrages, c'était l'admiration enthousiaste qu'il professait pour Origène, lui donnant toujours la première place parmi les interprètes des Écritures. Les théologiens ne pouvaient qu'être singulièrement choqués de cette préférence exclusive pour un auteur dont les doctrines n'étaient pas orthodoxes.

Malgré les indiscrétions de langage et les témérités d'opinion auxquelles Érasme se laissait aller et qui étaient pour plusieurs un nouvel attrait, ses éditions des Pères de l'Église furent accueillies avec empressement et bientôt épuisées. Il fallut en donner de nouvelles. Le Saint Jérôme ajouta beaucoup à sa réputation. Budé parlait de cet immense travail comme d'une restauration complète, François de Loin comme d'une renaissance des ouvrages de ce Père. L'archevêque de Cantorbéry, écho de l'opinion commune, déclarait ne pouvoir assez louer cette œuvre. Les autres éditions eurent un succès moins bruyant. Néanmoins elles s'écoulèrent avec rapidité. Le goût de l'ancienne théologie se propagea de plus en plus. La Scholastique tomba en discrédit et fut négligée. Le mouvement s'étendit du centre de l'Europe à ses extrémités, en Espagne, en Pologne, en Hongrie. Les pays les plus éloignés comptèrent de nombreux Érasmiens qui abandonnèrent les docteurs du moyen âge et les manuels scholastiques pour étudier la théologie dans ses sources. Mais ce mouvement studieux se ralentit au milieu des troubles et des passions que fit naître le luthéranisme. Les Universités elles-mêmes furent délaissées. Presque partout les études solides devinrent languissantes. On ne s'occupait plus que de polémique.

Érasme déplorait ce dépérissement des bonnes sciences. Il désirait que l'enseignement de la théologie et de la philosophie fût simplifié, mais non pas détruit. La Réforme paralysa

donc momentanément la Renaissance. Les théologiens, attaqués avec violence par les novateurs, devinrent plus ombrageux et plus défiants. Ils condamnèrent hautement ce qui était auparavant inaperçu ou toléré. La réforme qu'Erasme avait voulu introduire dans les études sacrées, légitime et utile dans son principe, bien que manquant de mesure dans l'application, fut exagérée par les uns, repoussée absolument par les autres. Il faut tout dire : Érasme lui-même en avait compromis le succès. Il recommandait sans cesse la prudence et la modération. Mais son esprit singulièrement libre, sa nature irritable, son penchant à la raillerie et à la satire, l'entraînaient souvent au-delà du vrai. Ses propositions hardies sur les personnes et sur les choses, ses attaques contre divers abus plus ou moins réels, ses satires violentes et renouvelées à tout propos contres les moines et les théologiens devaient exciter des préventions et des animosités que toutes les séductions de sa plume et de sa rhétorique ne pouvaient dissiper. Les théologiens et les moines, attaqués, déchirés, ridiculisés de toute manière, se vengeaient en relevant ses opinions téméraires, ses paroles irréfléchies qui avaient l'air de saper en se jouant la discipline et la foi de l'Église. Confondant le bon grain avec l'ivraie, ils condamnaient tout en lui, le déclarant plus coupable et plus dangereux que Luther.

C'est ainsi que la réforme des études théologiques demeura incomplète et fut ajournée, en partie du moins, chez les nations restées catholiques. Mais la semence déposée dans les esprits, quoique longtemps arrêtée dans son développement par la crainte des nouveautés dangereuses, germa peu à peu et produisit enfin ses fruits au XVIIe siècle. Ce principe d'Érasme, que nul n'est vraiment théologien s'il ne remonte pas aux sources, fut admis en pratique ainsi qu'en théorie. On étudia l'Écriture et les Pères avec une ardeur consciencieuse. Les grands hommes qui surgirent de tous côtés au sein de l'Église après le concile de Trente, les Bellarmin, les François de Sales, les Bossuet, les Fénelon, les Fleury, sans

parler des solitaires de Port-Royal et de beaucoup d'autres, puisèrent dans cette étude une grande partie de leur force.

Quant aux moines et aux théologiens qui, au commencement du XVIe siècle, repoussaient les lettres et les langues, esprits sincères pour la plupart, mais étroits et peu clairvoyants, ils ne s'apercevaient pas que le moyen âge était passé. Leur erreur était de croire qu'ils pouvaient arrêter l'essor des idées nouvelles : tentative chimérique et insensée! Au lieu de s'opposer au mouvement qui entraînait le monde, il fallait s'efforcer d'en prendre la direction pour le modérer. Ainsi avaient fait les grands pontifes du moyen âge. Ceux du xve et du XVIe siècles eurent aussi la sagesse de se mettre en Italie à la tête de la Renaissance. Dans les autres parties de l'Europe, les prélats les plus vertueux et les plus éclairés firent comme eux, Ximenès en Espagne, Fisher en Angleterre, Étienne Poncher en France, Adrien d'Utrecht lui-même, quoique avec plus de réserve, dans les Pays-Bas. Mais les papes, distraits par des intérêts temporels et des passions mondaines, ne surent pas modérer la Renaissance et lui imprimer un caractère vraiment chrétien. Au moment où l'esprit d'examen s'éveillait avec la restauration des lettres antiques et la découverte de l'imprimerie, ils ne songèrent point à fortifier l'enseignement théologique par l'étude approfondie de l'Écriture et des saints Pères. Un grand nombre de théologiens et de moines, s'obstinant dans l'immobilité, ne virent pas que la science des langues était désormais nécessaire pour la défense de la doctrine catholique. Au lieu d'accepter de bonne grâce cette renaissance de l'antiquité profane et sacrée, et de s'en faire une arme contre la présomption ou la mauvaise foi des nouveaux interprètes, comme on l'a fait plus tard, ils se bornèrent à déclamer sans fin et sans mesure contre les études nouvelles. Leurs clameurs furieuses ne servirent qu'à jeter dans le parti de Luther la plupart des lettrés. C'est ainsi que les novateurs, armés de la science des langues,

pleins des Écritures qu'ils interprétaient à leur façon, soutenus par le prestige de la forme littéraire, eurent le champ libre et triomphèrent aisément de leurs contradicteurs aux yeux du public qui les écoutait.

CHAPITRE VI

Érasme réformateur de la Prédication.

Grand rapport entre la

méthode qu'il recommande et celle qu'ont suivie Bossuet, Fénelon et Fleury.

I

La réforme des études théologiques conduisait naturellement à la réforme de la prédication. Dans l'Eloge de la Folie, les prédicateurs du temps ne sont pas mieux traités que les théologiens. La Folie se moque de ces moines qui cherchent dans la chaire chrétienne à suivre les préceptes des rhéteurs, gesticulant, changeant leur voix et leur visage, chantant et criant tour à tour: « Ils commencent d'abord par une invocation, usage emprunté aux poètes. Puis, ayant à parler de la charité, ils prennent leur exorde du Nil, fleuve d'Égypte; ayant à expliquer le mystère de la Croix, ils commencent à parler du Dragon de Babylone. Doivent-ils disserter sur le jeûne? ils débutent par les douze signes du Zodiaque. Doi

« PoprzedniaDalej »