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CHAPITRE VII

ORIGINE ET PROGRÈS DE LA CONCEPTION IMMACULÉE.

I

Telle était la doctrine universelle et jusquelà invariable des Pères, des papes et des théologiens, lorsque le fameux Jean Scot, de l'ordre des Cordeliers, arriva à Paris pour se faire recevoir docteur, en 1305. Dans sa thèse, il soutint l'opinion de la Conception immaculée, et voici, d'après Fleury (1), comment

(1) Fleury, tom. xix, liv. 91, n° 29.

il trancha la question : « Je dis que Dieu a pu » faire que la Vierge ne fût jamais en péché » originel, il a pu faire aussi qu'elle y fût un » instant, et il a pu faire aussi qu'elle y fût » quelque temps et que, dans le dernier in» stant, elle fût purifiée; » et après avoir rapporté des raisons de ces trois possibilités, il conclut << Lequel des trois a été fait ? Dieu » le sait, et il semble convenable d'attribuer » à Marie ce qui est plus excellent, s'il ne >> répugne point à l'autorité de l'Eglise et de » l'Ecriture. »

Si c'est pour des arguments de cette force que Scot a été qualifié de « docteur subtil et » vainqueur, » on avouera qu'il en coûte un peu plus aujourd'hui pour obtenir un diplôme, même celui de bachelier ès-lettres.

II

Une nouveauté si excentrique et si pauvrement soutenue devait tomber à plat, mais les moines s'en étant mêlés, elle souleva des tempêtes. Une dispute violente s'éleva à Paris entre les Jacobins, opposés à la nouvelle

croyance, et les Cordeliers, qui suivaient les imaginations de Jean Scot, leur confrère. La Faculté de théologie prit parti pour les Cordeliers. Jean de Montson, Jacobin et docteur en théologie, ayant soutenu publiquement en 1387 quatorze propositions, dont la onzième était ainsi conçue : <<< Il est expressément » contre la foi de dire que la bienheureuse » vierge Marie, mère de Dieu, n'a pas con» tracté le péché originel, » la Faculté de théologie, dans une assemblée tenue aux Mathurins, le 6 juillet 1387, condamna cette proposition comme « fausse, scandaleuse, > offensant les oreilles pieuses, et soutenue >> présomptueusement. »

L'évêque de Paris, Pierre d'Orgemont, saisi de la question, défendit à Jean de Montson de sortir de Paris, et par un jugement du 23 août 1387, condamna les quatorze propositions, se réservant, si Jean de Montson pouvait être pris, de procéder contre lui «< par

emprisonnement et autres voies de droit. » Celui-ci, soutenu et encouragé par ses confrères, appela du jugement à Clément VII, et se rendit à Avignon, où il cita l'Université de Paris, laquelle envoya des députés sous la conduite de Pierre Dailli, grand-maître du

collége de Navarre. Le pape nomma une commission composée de trois cardinaux qui, pour première preuve d'impartialité, défendirent à Jean de Montson de s'absenter d'Avignon. Le Jacobin, qui connaissait son monde, se hâta, au contraire, d'en sortir, après quoi il fut condamné par contumace, et excommunié le 27 février 1389.

III

Cette sentence fut le signal d'une violente persécution. La quête, la chaire et le confessionnal furent interdits aux Jacobins. L'Université les expulsa, refusa de les admettre aux examens, de leur conférer aucun titre. Le peuple fanatisé les insultait dans les rues; ils souffrirent l'emprisonnement et la confiscation. Pendant dix-sept ans, les doux partisants de la Conception immaculée n'employèrent pas d'autres arguments contre leurs adversaires, qui finirent par succomber. Le 29 août 1403, après des rétractations et des professions de foi dérisoires, les Jacobins, « par

>> une grâce spéciale de l'Université (1), » furent rétablis dans tous les droits dont ils jouissaient avant la controverse.

Cette paix, fondée sur le mensonge, dictée par l'intérêt ou arrachée par l'oppression, ne dura pas longtemps. Les Jacobins n'abandonnèrent pas leur sentiment, et la Conception immaculée, attaquée et soutenue par deux factions également acharnées, donna lieu à de tels scandales que Sixte IV fut forcé, en 1483, d'imposer silence à tous ces énérgumènes (2). Quatre-vingts ans plus tard, le

(1) Voici un exemple de ces professions de foi : Le 22 juin 1389, le frère Geoffroi de St-Martin se rétracte de la manière suivante: « Je promets d'être désormais invariablement attaché à ma mère l'Université dans la défense de la cause qu'elle soutient, et s'il arrive dans la suite que je sois informé que quelques religieux de l'Ordre des frères prêcheurs, ou quelque autre personne, de quelque état, sexe ou condition qu'elle soit, ait eu la témérité de soutenir, prêcher, enseigner en publie ou en particulier quelquesunes des propositions de Montson ou de favoriser sa cause, je m'oblige d'en donner avis le plus tôt possible à madite mère l'Université.

» Je crois, de plus, qu'elle n'est jamais tombée dans aucune erreur, qu'elle ne s'est jamais écartée de la saine doctrine, et qu'elle est la lumière et la protectrice de la foi. »

(2) Voici le texte de sa constitution :

« Grave nimis gerimus et molestum, cum sinistra nobis

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