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IV.

Restent quelques Ordonnances administratives. Celle de Cerfroid, portant la date de 1685, montre comment Bossuet savoit venir en aide à ses prêtres dans la répression des abus; elle montre aussi quels heureux effets peut avoir l'union du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel. Il appartenoit à notre siècle, aussi fécond en catastrophes que fertile en erreurs, de proclamer la séparation de l'Eglise et de l'Etat, c'est-à-dire de séparer le corps et l'esprit, le bras et la raison, c'est-à-dire de destituer la règle de toute force et d'affranchir la force de toute règle.

L'Ordonnance publiée par l'archevêque de Paris contre un livre janséniste, a manifestement Bossuet pour auteur: on y remarque le style qui distingue le grand théologien, la science qu'il apporte dans les discussions dogmatiques, et particulièrement la doctrine qu'il défend contre Richard Simon.

Les Ordonnances diocésaines offrent le plus vif intérêt. Bossuet ouvroit les synodes par un discours en 1701, il prouva la nécessité de l'amour commencé dans la réception des sacremens; l'année suivante, il expliqua cette parole de saint Paul : « O Timothée, gardez le dépôt qui vous a été confié1: » le dépôt de la doctrine, le dépôt de la discipline et le dépôt des biens temporels des églises. Après avoir instruit les prêtres dans les réunions publiques, il les instruisoit encore dans des entretiens familiers, les éclairant dans leurs doutes, les consolant dans leurs peines et les encourageant dans leurs combats 2.

Les décisions qui furent prises dans ces saintes assemblées respirent, avec un zèle pur, une prudence consommée; seulement deux remarques. Dans un conseil qu'il donne à ses prêtres, le pontife indique les ouvrages qui peuvent leur apprendre suffisamment les dogmes de la foi et les préceptes de la morale, afin qu'ils deviennent, selon l'expression de l'Apôtre, « des ouvriers irrépréhensibles, traitant et distribuant droitement la parole de vérité. » Il faut lire le texte de l'article 3; on verra que les ouvrages recommandés renferment, non des phrases retentissantes, mais des doctrines profondes; non les règles de la rhétorique, mais les maximes de l'Evangile. A côté des conseils, on trouve des prescriptions non moins remarquables. A l'exemple de saint François de Sales, pour honorer la présence de Dieu, Bossuet gardoit jusque dans l'isolement une attitude noble et digne, à ce point qu'il ne pressoit point ses pas sous les torrens de la pluie. Il n'étoit pas long dans la célébration des saints mystères; mème « il ne se 11 Timoth., v, 20. 2 Journal, 1er septembre 1701; 5 septembre 1702. 3 Ordonnances de 1691, art. XIV.

lassoit point de dire qu'il falloit aller rondement, de peur d'ennuyer le peuple et de le faire murmurer 1; » mais il observoit une gravité si majestueuse et son extérieur révéloit une piété si profonde, qu'il inspiroit le respect et la dévotion. Il louoit les prêtres qui célébroient avec dignité, il recommandoit la beauté des ornemens sacerdotaux, il vouloit que les servans à l'autel fussent habillés proprement 3; il établissoit partout de bons organistes. C'est dans ce zèle pour le culte divin qu'il porta ce décret : « Nous défendons à tous ecclésiastiques de faire coutume d'user du tabac en poudre, notamment et en tout cas dans les églises, pour exterminer cette indécence scandaleuse de la maison de Dieu ". >>

Sévère dans les dispositions de la loi, il étoit plein de douceur dans l'application. Je me trompe : il n'appliquoit pas la loi; à cette époque de despotisme, les prêtres étoient jugés par l'officialité, c'est-à-dire par leurs pairs, selon les formes canoniques, avec toutes les garanties de la libre défense. Avant le jugement, quand les preuves étoient convaincantes, il engageoit l'accusé « de se retirer sans bruit 5; après la condamnation, quand il n'y avoit pas de scandale, le premier signe de repentir, la première marque de sincère amendement trouvoit auprès de lui la clémence et le pardon . Il fit une pension de trois cents francs au curé de Mareuil, condamné à quitter sa cure pour ses déréglemens notoires".

Les Ordonnances diocésaines ont été portées, comme on le voit dans les titres, en 1691 et en 1698; puis publiées les mêmes années à Paris, in-4°. Ce sont ces deux éditions qui ont servi de modèle à la nôtre.

V.

Bossuet ne se contentoit pas d'instruire et de diriger la partie active de la milice sacrée : il ramena l'ordre, la discipline et la piété dans la portion de son troupeau dévoué à la vie contemplative. On vit céder plus d'une fois, devant l'ascendant de son nom et de ses vertus, des prétentions longtemps rebelles aux ordres de ses prédécesseurs; à sa prière, bientôt après son avénement, l'abbaye de Farmoutiers rentra volontairement sous la juridiction des évêques de Meaux.

Cependant un monastère devoit faire éclater sa fermeté apostolique. L'abbesse qui le gouvernoit alors, princesse d'une haute naissance, croyoit avoir assez honoré la vie cénobitique en prenant le voile. Pendant les courtes apparitions qu'elle faisoit à Jouarre, elle régnoit

1 Mémoires, ire Messe de Bossuet.· 2 Ibid.. Les réponses de la messe, hic. Ordonnances de 1698, art. XXII. 5 Journal, 9 et 14 décembre 1699 et alibi. Procès-verbaux des visites pastorales, particulièremen de la visite de Jouarre en 1690. 7 Journal, 9 janvier 1701.

plutôt en souveraine qu'elle ne vivoit en religieuse. Non-seulement elle disposoit des biens de la communauté comme de son patrimoine, mais elle avoit des tribunaux pour porter des sentences et des prisons pour détenir les condamnés. Joignant l'autorité spirituelle à l'autorité civile, elle suspendoit et déposoit les clercs, elle nommoit et confirmoit les vicaires, elle conféroit et retiroit la cure de Jouarre, elle ordonnoit des prières publiques, publioit des monitoires et donnoit des mandemens; en un mot elle exerçoit, comme le dit Bossuet, la juridiction épiscopale plus indépendamment que les évêques qui ont sur eux les métropolitains, plus souverainement que les métropolitains qui ont sur eux les patriarches. Et tous ces droits, tous ces pouvoirs, je voulois dire cette théocratie féminine, elle l'appuyoit sur des priviléges sanctionnés par une possession cinq fois séculaire. Qui donc oseroit troubler dans l'exercice de son autorité Henriette de Lorraine, princesse d'une maison souveraine qui avoit mêlé tant de fois son nom à celui des rois de France? Quel tribunal ne prononceroit en sa faveur contre un simple évêque?

Bossuet avoit prévu tous les inconvéniens, calculé tous les obstacles, pesé toutes les difficultés. Cependant il écrivit à l'abbé de Rancé : Je vais « ôter, si je puis, de la maison de Dieu, le scandale de l'exemption de Jouarre, qui m'a toujours paru un monstre 1. » Après les démarches préliminaires, il porta la cause devant la grande chambre du Parlement de Paris, rédigea plusieurs mémoires, soutint un long procès contre madame Henriette de Lorraine, et ramena l'abbaye de Jouarre sous la juridiction épiscopale. Voilà comment Bossuet faisoit sa cour aux Grands!

Les péripéties de la procédure et la visite pastorale qui fit exécuter la sentence, présentent le plus grand intérêt; elles montrent comment les lois canoniques règlent l'exercice de l'autorité et protégent les droits de tous.

1 Lettre du 21 janvier 1690.

AVERTISSEMENT

SUR LE CATÉCHISME

AUX CURES, VICAIRES, AUX PÈRES ET AUX MÈRES, ET A TOUS LES FIDÈLES DU DIOCÈSE DE MEAUX.

JACQUES-BENIGNE, par la permission divine, Evêque de Meaux : à tous les curés et vicaires de notre diocèse, salut et bénédiction. Il y a longtemps qu'on nous demande de tous côtés et de toutes les paroisses, que selon l'exemple de la plupart des évêques, nous ayons aussi à donner à notre diocèse un catéchisme un peu plus ample et plus expliqué que celui dont on s'est servi jusqu'à présent; et la grande ignorance où nous voyons la plupart des peuples à l'égard de plusieurs vérités très-importantes, nous y invitoit d'elle-même. Outre que par les soins des évêques nos prédécesseurs les instructions ayant été plus fréquentes et mieux faites que dans les temps précédens, il est juste que nous profitions de cette bonne disposition, pour donner des catéchismes plus étendus, à mesure que les fidèles en deviennent plus capables. Et enfin le retour des hérétiques à l'Eglise nous sollicite à donner des instructions plus amples, pour ôter tout à fait le vieux levain.

C'est, mes frères, ce qui nous a excité à vous donner ce nouveau Catéchisme; où si vous trouvez quelquefois des choses qui semblent surpasser la capacité des enfans, vous ne devez pas pour cela vous lasser de les leur faire apprendre, parce que l'expérience fait voir que, pourvu que ces choses leur soient expliquées en termes courts et précis, quoique ces termes ne soient pas toujours entendus d'abord, peu à peu en les méditant on en acquiert l'intelligence joint que regardant au salut de tous, nous avons mieux aimé que les moins avancés et les moins capables trou

vassent des choses qu'ils n'entendissent pas, que de priver les autres de ce qu'ils seroient capables d'entendre.

Il nous a aussi paru que le fruit du catéchisme ne devoit pas être seulement d'apprendre aux fidèles les premiers élémens de la foi, mais encore de les rendre capables peu à peu des instructions plus solides; de sorte qu'il a fallu commencer à leur en inspirer le goût et leur donner quelque teinture du langage de l'Ecriture et de l'Eglise, afin qu'ils fussent en état de profiter dans la suite des sermons qu'ils entendroient.

Nous avons jugé nécessaire d'appuyer un peu plus sur la création de l'homme, sur sa chute et sur les mauvaises dispositions où le péché nous a mis; comme aussi sur le mystère admirable de notre rédemption et sur les saints sacremens qui nous en appliquent la vertu, afin que chacun connùt plus distinctement les remèdes que Dieu a donnés à nos maux, et les dispositions avec lesquelles il les faut recevoir.

Et nous avons trouvé à propos de nous étendre davantage sur ces choses que sur les vertus et les vices particuliers, réservant cette instruction pour l'àge plus avancé, où l'on fait des réflexions plus sérieuses sur les obligations générales de tous les chrétiens, et sur les obligations particulières de son état.

Enfin nous avons voulu principalement faire entendre les mystères et la vertu des sacremens, parce que ces vérités bien entendues contiennent la vraie semence venue du ciel, qui produit dans la suite les fruits des bonnes œuvres, quand la terre où on la jette est bien cultivée.

C'est pourquoi nous vous exhortons à répandre toujours dans vos prônes et dans vos sermons quelque chose du Catéchisme, et d'y ramener souvent les mystères de Jésus-Christ et la doctrine des sacremens, parce que ces choses étant bien traitées, inspirent l'amour de Dieu, et avec l'amour de Dieu toutes les vertus.

C'est aussi la véritable fin de tous les mystères, Dieu n'ayant pas fait des choses si admirables pour être la pâture des esprits

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