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davre, encore animé, ne fut plus qu'un monceau de chairs meurtries et d'ossements brisés, il lui trancha la tête, qu'il porta toute sanglante à Sylla. Le cadavre du vainqueur des Cimbres fut exhumé, livré aux outrages et jeté dans l'Anio. César, alors âgé de dix-huit ans, était parent de Marius et gendre de Cinna; Sylla voulut le contraindre à répudier sa femme: il refusa et s'enfuit dans les montagnes de la Sabine, où il faillit plusieurs fois périr. Les larmes de sa famille, les prières des vestales, arrachèrent sa grâce : « Je vous le laisse, dit le tout-puissant proconsul, mais dans cet enfant il y a plusieurs Marius. » Un grand nombre de victimes avaient déjà péri, quand un Metellus lui demanda : « Où et quand comptes-tu enfin t'arrêter? - Je ne sais encore. - Mais au moins déclare ceux que tu destines à la mort. - Je le ferai. » Et aussitôt il dressa une liste de quatrevingts noms qu'il fit afficher dans le forum; il laissa passer un jour, et le lendemain il publia une seconde liste de deux cent vingt personnes, puis une troisième de pareil nombre. « J'ai proscrit tous ceux dont je me suis souvenu, dit-il au peuple, mais j'en ai oublié beaucoup leurs noms seront écrits à mesure qu'ils reviendront à ma mémoire.» Du 1er décembre 83 au 1er juin 82, pendant six longs mois, on put tuer impunément; on tua encore longtemps après, car Roscius d'Amérie fut égorgé le 15 septembre. Les familiers de Sylla, ses affranchis, et surtout ce Chrysogonus dont Cicéron a immortalisé l'infamie, vendaient le droit de faire placer un nom sur la liste fatale. « Celui-ci, disait-on, c'est sa belle villa qui l'a fait périr; celui-là, ses bains dallés de marbre; cet autre, ses magnifiques jardins. » Les biens des proscrits étaient confisqués et vendus à l'encan: ceux de Roscius valaient 6 millions de sesterces, Chrysogonus les eut pour 2000. Quel fut le nombre des victimes? Appien parle de quatre-vingt-dix sénateurs, de deux mille six cents chevaliers; Valère Maxime, de quatre mille sept cents proscrits. Mais qui pourrait compter, dit un autre, tous ceux

qu'immolèrent les haines privées? La proscription ne s'arrêta pas aux victimes: les fils et les petits-fils des proscrits furent déclarés indignes d'occuper jamais une charge publique. Dans l'Italie, des peuples furent condamnés en masse; les plus riches cités, Spolète, Interamna, Préneste, Terni, Florence, furent comme vendues à l'encan. Dans le Samnium, Bénévent resta seul debout.

13. Constitution aristocratique de Sylla. Après avoir tué les hommes par le glaive, Sylla essaya de tuer le parti par des lois qui assureraient tout pouvoir dans Rome à l'aristocratie. Pour les donner, il voulut bien prendre un titre légal, celui de dictateur. Il fit entrer au sénat cent membres nouveaux et rendit à ce corps les jugements et la discussion préalable des lois, c'està-dire le veto législatif; il enleva aux tribuns le droit de présenter une rogation au peuple: leur veto fut restreint aux seules affaires civiles, et l'exercice du tribunat ôta le droit de briguer une autre charge.

Après avoir rendu le pouvoir aux grands, Sylla chercha du moins à empêcher quelques-uns des excès qui ne leur étaient que trop habituels. Pour diminuer la brigue, il décréta qu'on ne pourrait exercer la même charge qu'après un intervalle de dix ans, et il défendit qu'on sollicitât la préture avant la questure, le consulat avant la préture. Lucretius Ofella, qui essaya de contrevenir à cette loi, la scella de son sang. La loi de majesté de Varius fut étendue à des cas nouveaux : l'eau et le feu furent interdits à quiconque porterait atteinte à l'honneur et à la sécurité du peuple romain. Ce fut de cette loi, qui plus tard punit non-seulement les actes, mais les paroles et les gestes, que les empereurs firent un si cruel usage. Les lois de falso, de sicariis, de repetundis, prévinrent le vol, la violence et les concussions, et huit tribunaux permanents promirent une prompte justice. Comme les juges dans ces cours de justice étaient tous sénateurs, et qu'ils prononçaient sans appel, l'administration de la justice criminelle passait tout entière au sénat.

Dans cette restauration du gouvernement aristocratique, Sylla ne pouvait oublier la religion. Il augmenta le nombre des pontifes et des augures, qu'il porta de dix à quinze, leur rendit le droit de compléter eux-mêmes leur collége, et fit partout chercher des oracles sibyllins pour remplacer les livres qui avaient péri dans l'incendie du Capitole, qu'il rebâtit avec magnificence; enfin il essaya par plusieurs lois de remettre en honneur la sainteté du mariage et d'arrêter l'abus du divorce, les dépenses des festins et des funérailles. Il n'avait pas oublié ses soldats : 100 000 légionnaires furent établis comme colons dans les terres les plus fertiles de la péninsule.

14. Abdication (79) et mort de Sylla (78). — Quand Sylla eut accompli son œuvre, il se retira. Son abdication (79) parut un défi jeté à ses ennemis et une audacieuse confiance dans sa fortune. Mais les charges et le sénat remplis de ses créatures, tant d'hommes intéressés. au maintien de ses lois, et dans la ville, ses dix mille cornéliens, esclaves qu'il avait affranchis; au dehors, ses vétérans, dont il aurait pu d'un mot refaire une armée formidable: tout cela rendait cette confiance peu dangereuse. Ses adieux au peuple furent dignes de cette royauté insolente qui abdiquait d'elle-même et de cette foule qui se vendait pour un congiarium. Il la gorgea de viandes, de vins précieux, de mets recherchés, et avec une telle profusion, que chaque jour on en jeta dans le Tibre des quantités prodigieuses, que le peuple repu avait laissées.

Retiré dans sa maison de Cumes, il y vécut une année encore et mourut d'une maladie affreuse. Ses chairs, décomposées, tombaient en pourriture et engendraient incessamment une innombrable vermine. Il avait écrit lui-même son épitaphe; elle était véridique : « Nul n'a fait plus de bien à ses amis ni plus de mal à ses ennemis. »

CHAPITRE XVIII.

SERTORIUS; SPARTACUS; GUERRE CONTRE MITHRIDATE;

POMPÉE.

1. Pompée. 2. Tentative de Lepidus pour renverser la constitution de Sylla (77). 3. Sertorius (82-72). 4. Spartacus (73-71). 5. Rétablissement du tribunat dans ses droits (70). — 6. Guerre contre les pirates (67).7. Mithridate (120-63). 8. Conquête de l'Asie Mineure par Mithridate; massacre de tous les Romains en Asie (88). 9. Prise d'Athènes par Sylla (86). 10. Victoire de Sylla à Chéronée (86). 11. Victoire de Sylla à Orchomène (86). 12. Tyrannie de Mithridate en Asie. - 13. Traité avec Mithridate 14. Campagnes de Lucullus en Asie (74-67).

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(84). 15. Campagnes de Pompée en Asie. - 16. Humiliation du roi d'Arménie. 17. Réduction de la Syrie et de la Phénicie en provinces ; intervention de Pompée en Judée. - 18. Mort de Mithridate. Organisation de l'Asie antérieure par Pompée.

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1. Pompée. Du milieu de la guerre civile avait surgi un homme qui à vingt ans levait une armée et savait en rester le chef; c'était Pompée. Il avait combattu avec distinction en Cisalpine, en Sicile et en Afrique. Quand il revint de ce dernier pays, Sylla sortit à sa rencontre avec tout le peuple, en le saluant du nom de Grand mais il lui refusa le triomphe, qu'il demandait, bien qu'il ne fût même pas encore sénateur. « Qu'il prenne donc garde, osa dire l'audacieux jeune homme, que le soleil levant a plus d'adorateurs que le soleil couchant. » Le dictateur, surpris, céda en disant à deux reprisés : « Qu'il triomphe! qu'il triomphe! » Puis il le vit, malgré lui et malgré les grands, faire nommer consul Æmilius Lepidus, l'ennemi déclaré des nouvelles lois (78).

2. Tentative de Lepidus pour renverser la constitution de Sylla (77). — On tue les hommes; on ne tue

les idées et les besoins légitimes qu'en leur donnant satisfaction. Lepidus, en prononçant ces seuls mots : rétablissement de la puissance tribunitienne, retrouva tout un parti que Sylla pensait avoir étouffé dans le sang. Tenu en échec durant son année de charge par son collègue Catulus, il reprit ses desseins dans son proconsulat de la Narbonaise et eut un auxiliaire influent dans le gouverneur de la Cisalpine, Junius Brutus. Il promit de rappeler les proscrits, de rendre aux Italiens leurs terres confisquées et de casser tous les actes de la dictature de Sylla. Précédé de ces déclarations, qui lui avaient aussitôt donné une armée, il marcha sur Rome et pénétra jusqu'au Janicule. Mais les vétérans, menacés de restitution, accoururent autour de Pompée, que le sénat adjoignit à Catulus.. Lepidus fut mis hors la loi; battu trois fois, en avant du pont Milvius, en Étrurie et près de Cosa, il fut forcé de chercher

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Pompée '.

un asile en Sardaigne et y mourut de chagrin, tandis que Pompée poursuivait Brutus dans la Cisalpine, prenait Modène et faisait périr les chefs ennemis qui tombaient en son pouvoir (77).

Cette levée de boucliers rattacha Pompée au sénat, qui

1. Iconographie romaine de Visconti.

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