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l'Italie! Scipion, en effet, avait compris que les temps de Rome étaient finis, que ceux de l'Italie devaient commencer. En ne restant qu'une cité, Rome allait demeurer livrée à tous les désordres des petites républiques dégénérées. De cette ville il fallait faire un peuple. Peutêtre ce difficile problème n'était-il pas au-dessus de la haute intelligence de celui que Cicéron a pris pour son héros. Dans ce plan nouveau, la loi agraire n'était plus nécessaire: elle aurait diminué quelques misères, mais elle blessait les Italiens. Scipion la combattit en montrant les inextricables difficultés qu'elle soulevait. On ne lui laissa pas le temps d'en faire davantage : un matin on le trouva mort dans son lit. On ne fit point d'enquête, de peur de rencontrer quelque grand coupable, car une partie du sénat le redoutait autant que Tiberius, et celui qui avait détruit les deux terreurs de Rome n'eut pas de funérailles publiques! Mais un de ses adversaires lui rendit un glorieux témoignage. Metellus le Macédonique voulut que ses fils portassent le lit funèbre. «< Jamais, leur dit-il, vous ne rendrez le même devoir à un plus grand homme » (129).

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9. Premier soulèvement des Italiens (123). Sa mort laissa sans protecteur les Italiens, qu'il voulait peut-être faire citoyens de Rome; ils furent aussitôt chassés de la ville, et une révolte ayant éclaté à Frégelles, elle fut réprimée durement par la destruction de cette cité. On crut en avoir fini, par cette exécution barbare, avec les réclamations légitimes: dans trente-cinq années, ce ne sera pas une ville, mais l'Italie presque entière, qui se lèvera contre Rome et la poussera au bord de l'abîme.

10. Tribunat de Caius Gracchus (123); sa pulssance. Caïus Gracchus avait vingt et un ans à la mort de son frère. Plus impétueux, plus éloquent, plus ambitieux, il donna à la lutte commencée par Tiberius des proportions plus grandes. Celui-ci n'avait voulu que soulager les pauvres : Caïus prétendit changer toute la constitution. On l'accusa d'avoir trempé dans la révolte

des Frégellans: c'était le désigner à la faveur des Italiens. Élu tribun pour l'an 123, il proposa aussitôt deux lois : la première, dirigée contre le tribun Octavius, portait que tout citoyen destitué par le peuple ne pourrait être élevé à aucune charge; la seconde, qu'un magistrat qui aurait banni sans jugement un citoyen serait traduit par-devant le peuple. A la prière de Cornélie, il retira la première, mais l'ancien consul Popilius, le persécuteur des amis de son frère, s'exila dès que la seconde eut été votée.

Caïus fit ensuite confirmer de nouveau la loi agraire, établit des distributions de blé au peuple, de vêtements aux soldats, fonda des colonies pour les citoyens pauvres et porta un coup fatal à la puissance du sénat, en lui enlevant l'administration de la justice pour la donner aux chevaliers. « D'un coup, disait-il, j'ai brisé l'orgueil et la puissance des nobles. » Ceux-ci le savaient et le menaçaient de leur vengeance. « Mais, répondait-il, quand vous me tueriez, arracheriez-vous de vos flancs le glaive que j'y ai enfoncé ? »

Il proposa ensuite de donner aux alliés latins tous les droits de citoyens romains, et aux Italiens celui de suffrage. Pendant deux années, aimé du peuple, des chevaliers et des Italiens, il fut tout-puissant dans Rome. Mais le sénat, pour ruiner son crédit et le battre par ses propres armes, fit, à chaque mesure qu'il proposait, ajouter par un tribun à lui, Livius Drusus, des dispositions plus populaires. Fatigué de cette lutte étrange, Caïus partit pour conduire six mille colons romains à Carthage. Cette absence, imprudemment prolongée durant trois mois, laissait le champ libre à Drusus. Lorsque Caïus reparut, sa popularité était ruinée, ses amis menacés, les chevaliers détachés de lui, et un de ses plus violents ennemis, Opimius, élevé au consulat; lui-même ne put obtenir sa réélection à un troisième tribunat. 11. Meurtre de Caïus (121), Le nouveau consul ordonna une enquête sur la colonie de Carthage et parla tout haut de casser les lois de Caïus. Des deux côtés

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on se prépara au combat. Opimius, investi de la puissance dictatoriale par la formule consacrée : Caveat consul, fit prendre les armes aux sénateurs, aux chevaliers et à leurs esclaves, et, durant la nuit, occupa en force le Capitole. Caïus et l'ancien consul Fulvius allèrent se retrancher dans le temple de Diane sur l'Aventin, après avoir appelé sur leur route les esclaves à la liberté. Le consul avait des archers crétois et de l'infanterie régulière. La lutte ne pouvait être douteuse. Caïus, poursuivi jusqu'au-delà du Tibre, se fit tuer par un esclave, qui se poignarda sur le corps de son maître. Opimius avait promis de payer la tête de l'ancien tribun son pesant d'or. Septimuleius en fit sortir la cervelle, coula du plomb fondu à la place et l'apporta au consul. Ce jour-là, trois mille partisans de Caïus périrent; ceux qu'on ne tua pas dans l'action furent égorgés en prison. On rasa leurs maisons; on confisqua leurs biens; on défendit à leurs veuves de porter le deuil; on prit même la dot de la femme de Caïus.

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Plus tard le peuple dressa aux Gracques des statues et éleva aux lieux où ils avaient péri des autels où l'on fit longtemps des sacrifices et des offrandes. Cette tardive reconnaissance consola Cornélie, trop fidèle peutêtre à son grand caractère. Retirée dans sa maison du cap Misène, au milieu des envoyés des rois et des lettrés de la Grèce, elle se plaisait à raconter à ses hôtes surpris la vie et la mort de ses deux fils, sans verser une larme et comme si elle eût parlé de quelques héros des anciens temps. Seulement on l'entendait quelquefois ajouter aux récits des exploits de son père l'Africain : << Et les petits-fils de ce grand homme étaient mes enfants. Ils sont tombés dans les temples et les bois sacrés des dieux. Ils ont les tombeaux que leurs vertus méritent, car ils ont sacrifié leur vie au plus noble but, au bonheur du peuple.

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Ainsi la première tentative faite par des voies pacifiques pour réorganiser l'État avait échoué; les grands avaient appelé à leur aide la violence, résisté à toute ré

forme, et par conséquent rendu une révolution inévitable. Un État comme un individu vit et se transforme sans cesse. C'est l'obligation de ceux qui sont placés à la tête du gouvernement d'étudier sans relâche les besoins nouveaux qui surgissent, et de faire droit en temps opportun à ceux qui sont légitimes. Les nobles ne voulurent pas céder aux pauvres les terres usurpées que les Gracques leur redemandaient pour refaire le peuple romain : dans un siècle ils céderont à Octave leur pouvoir avec leur liberté, après avoir passé par les sanglantes tragédies de Marius et de Sylla.

Ce moment unique, où la république pouvait être sauvée, une fois passé, ne revint plus. Les violences s'enchaînèrent aux violences. Ceux qui désormais réclameront au nom du peuple, se rappelant quel faible appui les Gracques avaient trouvé dans la multitude du forum, chercheront leur force ailleurs. Ils la demanderont aux Italiens, comme Cinna; aux provinciaux, comme Sertorius; aux légions surtout, comme Marius, César et Octave. Toute réforme sera désormais présentée à la pointe du glaive, ou plutôt on ne poursuivra plus de réforme, mais la vengeance du sang versé, et les chefs du peuple devenus les chefs de l'armée saisiront pour eux-mêmes le pouvoir.

Les conséquences de la double tragédie que nous venons de raconter furent l'abolition de la loi agraire (108), la restitution en 106 de la moitié des places de juges aux sénateurs, enfin la crainte inspirée aux tribuns, qui, muets de terreur pendant douze années, ne retrouveront la voix qu'à la faveur des scandales de la guerre de Numidie.

CHAPITRE XVI.

JUGURTHA; GUERRE DES CIMBRES.

1. Le royaume de Numidie. - 2. Jugurtha.

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3. Il s'empare de la Numidie tout entière. 4. Guerre de Jugurtha (111-106). 5. Metellus. 6. Marius. 7. Marius lieutenant de Metellus. — 8. Il est élu consul (107); ses paroles violentes contre les grands. 9. Il enrôle les prolétaires. 10. Fin de la guerre contre Jugurtha (106). — 11. Guerre des Cimbres (113-101). 13. Bataille de Verceil (101).

d'Aix (102).

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12. Bataille

1. Le royaume de Numidie. Depuis la destruction de Carthage, le nord de l'Afrique était partagé entre trois dominations à l'ouest, le royaume de Mauritanie; au centre, celui des Numides, qui s'étendait du Mulucha (Molouya) au Tusca (Zaïne), et, derrière ce fleuve, la province romaine, l'ancienne Zeugitane, tout enveloppée, grâce aux empiétements de Massinissa sur les Carthaginois, par les possessions des rois numides. Massinissa et ses successeurs avaient travaillé à rendre les Numides sédentaires : ils avaient encouragé l'agriculture, multiplié les villes et appelé la civilisation romaine. La Numidie n'était donc plus à dédaigner; son éducation sociale était à moitié faite, et, puisqu'il y avait maintenant profit pour Rome à s'en saisir, son indépendance ne pouvait tarder à périr. Ses rois mêmes y aidèrent.

2. Jugurtha. A la mort de Massinissa, Scipion Emilien avait partagé la Numidie entre les trois fils du vieux prince une fin prématurée enleva les deux aînés, et le troisième, Micipsa, resta seul roi. Il avait deux fils, Adherbal et Hiempsal; il éleva avec eux le fils d'un de ses frères, Jugurtha, qui semblait avoir hérité de l'indomptable courage et de l'ambition peu scrupu

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