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est encore Scipion Emilien, le fils de Paul Émile, le petit-fils par adoption de l'Africain, l'élève et l'ami de Polybe, l'intègre censeur qui voulait garder les mœurs antiques, la simplicité, la discipline, et qui cependant honora les muses nouvelles, peut-être jusqu'à aider Térence à écrire ses comédies. Il demandait aux dieux, non d'accroître la fortune de Rome, mais de la conserver: car il avait compris de quels dangers la république était menacée par l'extension trop grande de son empire et plus encore par la lente décomposition des mœurs et du peuple lui-même. Peut-être aurait-il pu les conjurer. Cicéron l'a cru, et le titre, qu'il accepta plus tard, de patron des Italiens, montre qu'il aurait hardiment porté la main sur les abus. «< Tiberius Gracchus, dit Plutarque, ne fit qu'imiter les desseins de Scipion.» Si les projets de rénovation avaient quelque chance de réussite, c'était à condition qu'ils fussent exécutés par lui. Malheureusement Scipion était loin, aux portes de Numance, quand la révolution éclata. A son retour, elle était déjà entrée dans les voies de sang et de violence d'où il n'était plus possible de la tirer, et où lui-même trouva la mort.

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CHAPITRE XV.

LES LOIS AGRAIRES; LES GRACQUES.

2. Tiberius Gracchus

4. Opposition des 6. Difficultés pour Tiberius. (133). —

1. Première guerre des esclaves (134-132). (133), 3. Loi agraire de Tiberius Gracchus. grands. 5. Déposition du tribun Octavius. l'exécution de la loi agraire. 7. Meurtre de 8. Mort de Scipion Émilien (129). Italiens (125). — 10. Tribunat de Caïus Gracchus (123); sa puissance. - 11. Meurtre de Caïus (121).

9. Premier soulèvement des

1. Première guerre des esclaves (134–132).

- Il y

avait trois classes d'opprimés: le peuple de Rome par les nobles, les provinciaux par les citoyens romains, les esclaves par tout le monde: ces derniers, les plus maltraités, commencèrent la lutte.

Six fois déjà le sénat avait eu à réprimer des révoltes partielles d'esclaves, lorsque, en l'année 134, éclata en Sicile la formidable insurrection d'Eunus. Ce Syrien avait prédit qu'il serait roi, et appuyait sa prophétie d'un miracle: il lançait des flammes en parlant, au moyen d'une noix remplie de soufre et cachée dans sa bouche. Ses impostures lui avaient déjà acquis une grande autorité sur ses compagnons, quand la cruauté d'un riche Sicilien fit soulever ses esclaves. Ils entraînèrent ceux de la ville d'Enna, dont Eunus devint le chef, et bientôt ceux d'Agrigente. Le prophète syrien, qui avait pris le nom de roi Antiochus, vit accourir sous son commandement, de tous les points de l'île, jusqu'à 70 000 hommes. Quatre préteurs et un consul furent successivement battus. Maîtres d'Enna, au centre de l'île, 200 000 esclaves répandaient la terreur de Mes

sine à Lilybée, tandis que de Tauromenium, sur la côte, ils montraient à leurs frères d'Italie leurs chaînes brisées. D'un bout à l'autre de l'empire les esclaves tressaillirent, et quelques explosions trahirent l'incendie qui sourdement gagnait de proche en proche. A Délós, le grand marché d'esclaves de l'Orient, dans l'Attique, dans la Campanie, dans le Latium même, il y eut des tentatives de soulèvement. Heureusement pour Rome, ces foyers d'esclaves étaient séparés par des mers ou par des pays mal peuplés. Alors, comme plus tard, l'insurrection ne put franchir le détroit, parce que les provocations qui venaient dé la Sicile retombaient sans écho sur les solitudes du Bruttium et de la Lucanie.

En 133 Calpurnius Pison, ayant rétabli la discipline dans les légions, fit lever aux esclaves le siége de Messíné. Rupilius, son successeur, leur prit Tauromenium et Enna et les dispersa dans les montagnes : les prisonniers périrent dans les supplices, le roi Antiochus, saisi dans une caverne avec son cuisinier, son baigneur et són bouffon, mourut dans un cachot, et de sages règlements de Rupilius arrêtèrent pour un temps cette dangereuse effervescence.

La guerre des esclaves n'était pas encore comprimée, que la guerre civile commençait.

2. Tiberius Gracchus (133). Tiberius et Caïus Gracchus étaient fils de Sempronius Gracchus, le pacificateur de l'Espagne, et de la fameuse Cornélie, fille de Scipion l'Africain. Ils perdirent jeunes leur père, mais Cornélie le remplaça dignement. Elle les entoura des maîtres les plus habiles de la Grèce, et dirigea ellemême leur éducation. Parce qu'elle leur faisait honte qu'on l'appelât la fille de Scipion plutôt que la mère des Gracques, on lui a reproché son ambition; elle en eut une, il est vrai, mais grande et légitime: elle aurait voulu que ses fils sauvassent leur patrie et l'on par→ donne aisément à la fille de Scipion de s'être élevée audessus des faiblesses et de l'égoïsme de l'amour maternel. Pour elle-même, elle ne demandait d'autre parure

que la gloire de ses enfants, et elle refusa avec la main d'un Ptolémée la couronne d'Égypte. Si Tiberius eût réussi, loin d'accuser Cornélie, on eût, comme elle le dit elle-même dans une lettre éloquente, adoré la divinité de sa mère.

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Tiberius, plus âgé que son frère de neuf ans, servit d'abord en Afrique avec distinction: il monta le premier sur les murs d'une ville ennemie. Plus tard, il suivit en Espagne, comme questeur, le consul Mancinus, dont il sauva l'armée en obtenant des Numantins un traité qu'ils refusaient au consul. Le sénat déchira le traité et voulut livrer à l'ennemi le consul et son questeur nus et les mains liées, comme des esclaves; mais le peuple ne permit pas que Tiberius fût puni pour l'impéritie de son chef, et Mancinus seul fut livré.

En revenant de Numance, Tiberius trouva les fertiles campagnes de l'Étrurie désertes; dans Rome, une multitude oisive et affamée que la guerre ne nourrissait plus; dans l'Italie entière, plusieurs millions d'esclaves qui frémissaient au bruit des succès d'Eunus. Quel remède contre ce triple mal: la misère et la dégradation du peuple, l'extension de l'esclavage, la ruine des campagnes? Un seul peut-être diviser ces immenses domaines que les grands avaient usurpés sur l'État, appeler à la propriété, régénérer par la vertu du travail la foule indigente, chasser les esclaves des campagnes en rendant celles-ci aux ouvriers libres, et changer en citoyens utiles et dévoués ces affranchis qui de Romains n'avaient que le nom: en un mot, faire reculer d'un siècle la république, en reconstituant, par une loi agraire, la petite propriété et la classe moyenne, cet ancien peuple qui, maniant tour à tour la bêche et l'épée, avait rendu Rome si vaillante et si forte.

3. Loi agraire de Tiberius Gracchus. Dès que Tiberius eut été élevé au tribunat, le peuple attendit de lui de grandes choses. Les portiques, les murs des temples et les tombeaux furent couverts de placards dans lesquels on l'excitait à faire rendre aux pauvres les

terres du domaine public. Après avoir pris conseil de son beau-père Appius, ancien consul et censeur, du grand pontife Licinius Crassus et du fameux jurisconsulte Mucius Scævola, consul de cette année, il proposa, dans une assemblée du peuple par tribus, la loi suivante: «Que personne ne possède plus de 500 arpents de terres conquises; que personne n'envoie aux pâturages publics plus de 100 têtes de gros bétail ou plus de 500 têtes de petit; que chacun ait sur ses terres un certain nombre d'ouvriers de condition libre. >>

C'était l'ancienne loi de Licinius Stolon, qu'aucune prescription légale n'avait abolie. Afin d'en rendre l'exécution moins douloureuse pour les riches, Tiberius y ajouta: « Les détenteurs des terres publiques garderont 250 arpents pour chacun de leurs enfants mâles, et une indemnité leur sera allouée, pour les dédommager des dépenses utiles faites par eux sur le fonds qui leur sera ôté. Ce que l'État aura ainsi recouvré sera distribué aux citoyens pauvres par des triumvirs, qu'on changera tous les ans. Ces lots seront inaliénables et ne devront au trésor aucune redevance. >>

4. Opposition des grands. Les riches détenteurs des terres publiques furent frappés de stupeur. On voulait donc, disaient-ils, leur arracher les tombeaux de leurs aïeux, la dot de leurs épouses, l'héritage de leurs pères, des terres qu'ils avaient légitimement acquises à prix d'argent, qu'ils avaient améliorées, couvertes de constructions. Et beaucoup disaient vrai, car ces terres avaient été depuis bien longtemps usurpées sur l'Etat, et depuis longtemps aussi avaient passé de main en main, comme des propriétés particulières. En outre, le pillage du domaine public n'avait pas profité seulement aux nobles de Rome et aux publicains. Dans les colonies, dans les municipes, partout où il y avait des riches, il se trouvait aussi des détenteurs de terres publiques. Ils accoururent à Rome.

Le jour des comices venu, Tiberius monta à la tribune, et, s'adressant aux riches: « Cédez quelque peu

HIST. ROMAINE, cl. de 4o.

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