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prendre la dose qui lui convient. Ce principe doit s'appliquer à toutes les situations de la vie; on n'y trouve le bonheur compensativement équilibré, qu'autant qu'on a l'option sur divers plaisirs réunis ; l'équilibre passionnel n'admet ni égalité et conformité de goûts ni simplicité de

ressorts.

Si l'on suppose la réunion précédente bornée à un plaisir, à la conversation seule, au bel esprit; Apicius y tombera dans l'ennui, Mécène sera moyennement satisfait, Virgile seul y trouvera grand plaisir. Telle est la situation dans laquelle nous place la morale; elle ne donne jamais la faculté d'option compensative; elle nous présente un seul plaisir, tel que l'amour de la modération: une modération réelle a besoin de contrepoids, comme on l'a vu plus haut dans Mécène qui a goûté les deux plaisirs modérément et en dose égale; s'il n'en avait goûté qu'un, la modération l'aurait ennuyé. C'est en balançant les 2 plaisirs l'un par l'autre, qu'il a joui autant que ses convives A et V qui ont goûté immodérément l'un des deux plaisirs, et faiblement le second.

Mais est-il vrai que Mécène se soit modéré? Non, car il est arrivé à la dose 4 en somme de plaisir, il a joui autant que les deux autres, quoiqu'en proportions différentes et balancées. Ainsi tous ces hommes qu'on appelle modérés et qui en font trophée, sont, ou des illusionnaires ou des charlatans; ce sont des caractères qui se plaisent à goûter en dose égale deux plaisirs. Tel vous dit : « Je suis » un exemple de morale, je modère mes passions, je fuis >> les amusemens et je n'aime que le commerce. » Il l'aime parce qu'il y a gagné un million, ou qu'il espère le gagner en trompant ceux qui achèteront ses calicos; avec son masque de modération, il ne rêve que fourberie, que ruse pour duper les acheteurs. Voilà ce qu'on appelle un homme moral, un vertueux amant du commerce et de la charte; c'est un être qui sue le mensonge et qui, en stricte analyse, ne se modère sur aucune passion, car il absorbe une passion par une autre, comme l'ont fait plus haut

Virgile et Apicius; ou bien il équilibre deux passions qu'il satisfait en dose égale et balancée, comme l'a fait Mécène qui n'est pas plus modéré que ses deux convives A et V, car il arrive comme eux à la somme 4 en jouissance; qu'elle se compose de 3 et 1, ou de 2 et 2, elie est toujours 4.

Il faudrait, au lieu d'un petit article, plusieurs chapitres sur cette matière, afin de dissiper les préjugés qui règnent sur la modération et les compensations, sur la balance et l'équilibre, sur les contrepoids et les garanties en exercice de passions. Obligé de supprimer tous ces détails, je me borne à insister sur le principe, que la modération est une chimère, que les passions admettent des jouissances contrebalancées mais non pas des privations; que celui qui paraît le plus modéré, est souvent celui qui a le plus raffiné ses jouissances; et que nos théories d'équilibre moral et de compensation morale, ne sont que des balivernes qu'on rougira d'avoir écoutées, quand on connaîtra les méthodes exactes en équilibre passionnel.

On les ignore à tel point que la classe des pères, qui fait les lois et désire les faire à son avantage, n'a su trouver aucun moyen d'établir l'équilibre qu'elle recherche le plus, celui des deux affections paternelle et filiale, qui sont dans une disproportion choquante; celle de l'enfant ne s'élevant communément qu'au tiers ou au quart de celle du père. Il était évident, par ce défaut de balance, que l'équilibre devait provenir de voies indirectes on a vu quelles sont ces voies; les pères doivent recueillir l'affection de 4 sources; des enfans directs en 4 à 5 générations au moins, des adoptifs en caractère identique ou contrasté, des adoptifs industriels ou continuateurs passionnés, des continuateurs en lignée directe ou collatérale. La passion atteindra à l'équilibre quand le père obtiendra par quart un tribut d'affection de ces 4 classes: jusque-là il n'est rien de plus dépourvu d'équilibre que l'amour paternel, rarement payé d'un quart de retour par les descendans directs. Si les philosophes n'ont pas

vu ce désordre ou n'ont pas su y remédier, que pourra leur science pour atteindre à tant d'autres équilibres qu'elle n'a pas même entrevus, tels que celui des subsis tances II 113, à fonder sur les produits combinés de plusieurs zones.

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Et quant aux compensations qui forment une partie de l'équilibre, comment concevoir des compensations sans option? la morale nous dit: Soyez heureux avec une écuelle de bois pour tout mobilier; Diogène assure que cela suffit; eh bien, que Diogène donne l'option sur une écuelle d'argent, nous pourrons croire au bonheur de celui qui en toute liberté aura préféré l'écuelle de bois à celle d'argent. Dans l'exemple que j'ai cité, chacun des personnages A, M, V, a l'option sur deux plaisirs, d'où il est clair que chacun d'eux est compensé, en quelque dose qu'il use des deux plaisirs. Cette option doit s'étendre à toutes les situations de la vie, aux passions des trois sexes; mais quelle option leur donne la morale, où sont les compensations pour un enfant reclus et menacé du fouet, pour une vieille femme dépourvue du nécessaire et encore plus des plaisirs, pour une masse de pauvres enfermés et rudoyés dans un dépôt de charité? Que la philosophie est novice, en théorie compensative comme en toute question de mouvement! Qu'est-ce qu'une compensation qui ne présente pas option facultative? Vous donnez au peuple, pour indemnité de ses souffrances, le bonheur de vivre sous la charte, d'aimer la charte, admirer les beautés de la charte; mais s'il ne sait pas lire, ou s'il n'a pas deux sous pour acheter la charte, comment en admirera-t-il les beautés, surtout s'il est affamé? Que signifie cette billevesée de compensation qui nous donne en dédommagement de nos maux, un plaisir imaginaire, sans aucune faculté d'option sur les plaisirs réels? Apprendre à se passer de ce qu'on n'a pas ! C'est le talent du renard gascon; et on fait de ces sornettes une science dite morale! Que de jongleries imaginées pour vendre des livres ! On en vendra cent fois plus quand on enseignera la vérité.

CHAP. XXXIX. Du vrai bonheur. I, 475.

Je n'ai vu qu'un écrivain civilisé qui ait un peu approché de la définition du vrai bonheur; c'est M. Bentham, qui exige des réalités et non des illusions: tous les autres sont si loin du but, qu'il ne sont pas dignes de critique. Il existait à Rome au temps de Varron 278 opinions contradictoires sur le vrai bonheur, on en trouveroit bien davantage à Paris, surtout depuis que nos controversistes suivent deux routes diamétralement opposées; les uns prêchant le mépris des richesses et l'amour des plaisirs qu'on goûte sous le chaume, les autres excitant la convoitise effrénée des richesses; les moralistes plaidant pour l'auguste vérité, les économistes pour le trafic et le mensonge.

Débrouillons en peu de mots la vieille 'controverse de bonheur, l'une des Tours de Babel de la ténébreuse philosophie. Dieu nous a donné douze passions, nous ne pouvons être heureux qu'en les satisfaisant toutes les douze. S'il y en a une seule d'entravée, le corps ou l'âme est en souffrance; mais loin de pouvoir satisfaire chaque jour les douze passions, notre peuple essuiera plutôt douze disgraces, car il en est 24 qui le menacent et le poursuivent sans cesse; I 481, II 107. Les riches mieux partagés sans doute, sont encore bien loin du bonheur, et ne peuvent guères se le procurer une seule journée. J'en ai donné pour preuve, le détail d'une journée de vrai bonheur, II 598, et 604, où l'on voit qu'il n'est pas même possible de faire lever par plaisir les gens riches; ils commencent leur journée par une lutte entre le plaisir et l'ennui; dans une belle matinée d'été chacun voudrait être levé dès l'aurore, mais chacun est retenu par l'ennui de s'habiller et de quitter le lit qui est un plaisir simple. Voilà un pauvre début de journée, plaisir simple et perspective d'un quart d'heure d'ennui: il manque à tous les civilisés une passion véhémente qui les sorte du

lit par amorce d'un plaisir composé, assez fort dédaigner le plaisir simple de rester au lit.

pour faire

Le jeu des trois passions mécanissantes exigeant de courtes séances, il faut pour le courant de la journée, au moins quatorze séances, savoir; une majorité de 8 séances en plaisirs composés, 5 en plaisirs simples pour délassement des composés, plus un ou deux parcours, genre de jouissance tout à fait inconnue des civilisés et qu'il faut définir.

Le parcours est l'amalgame d'une quantité de plaisirs goutés successivement dans une courte séance, enchaînés avec art, se rehaussant l'un par l'autre, se succédant à des instans si rapprochés qu'on ne fasse que glisser sur chacun. L'on peut, dans le cours d'une heure, éprouver une foule de plaisirs différens et pourtant alliés, quelquefois réunis dans un même local, par exemple:

Léandre vient de réussir auprès de la femme qu'il courtisait. C'est plaisir composé, pour sens et ame. Elle lui remet l'instant d'après un brevet de fonction lucrative qu'elle lui a procurée; c'est un 2o plaisir. Un quart d'heure après elle le fait passer au salon où il trouve des surprises heureuses, la rencontre d'un ami qu'il avait cru mort: 3o plaisir. Peu après entre un homme célèbre, Buffon ou Corneille, que Léandre désirait connaître et qui vient au dîné; 4 plaisir. Ensuite un repas exquis, 5 plaisir. Léandre s'y trouve à côté d'un homme puissant qui peut l'aider de son crédit, et qui s'y engage, 6e plaisir. Dans le cours du repas un message vient lui annoncer le gain d'un procès; 7e plaisir.

Toutes ces jouissances cumulées dans l'intervalle d'une heure, composeront un parcours qui doit rouler sur un plaisir de base continue dans tout le cours de la séance. Ici Léandre atteint le but par la compagnie de sa nouvelle conquête et le succès affiché au repas. C'est le plaisir pivotal qui broche sur le tout, et intervient en continuité pendant la durée des sept autres. Cette sorte de plaisir nommé PARCOURS est inconnue en civilisation; les rois

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