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tuple déjà énuméré, nous trouvons la somme de jouissance portée au cinquantuple dans la partie des transports et déplacemens; et comme on aura, pour jouir de ce bienêtre, un quadruple revenu; la somme d'amélioration, en multipliant le quadruple effectif par le cinquantuple relatif, s'élèvera au deux centuple : c'est dire que l'accroissement de bien-être en harmonie est incalculable: continuons sur le matériel, je passe aux menus détails.

Les rois avec leur attirail d'officiers de bouche, ne peuvent pas se procurer une chère aussi délicate que sera celle du bas peuple harmonien. Ils ne peuvent pas avoir option surdivers bouillons à parfum naturel ou légumineux; on masque leurs bouillons par des jus et des coulis, leurs cuisiniers n'auraient ni le talent ni la patience de leur faire un assortiment en bouillons purs de viandes et légumes. Ces cuisiniers de cour sont encore plus inférieurs sur beaucoup de mets qu'ils croient au-dessous de leur dignité. Cependant l'estomac d'un prince comme d'un bourgeois a besoin de variété; on se blase sur les mets recherchés comme sur les communs : dernièrement une grande princesse en voyage, placée à une table somptueusement garnie par les soins des préfets et des maires, leur disait : «Tout cela est bien beau, mais je préférerais des pommes de terre. » Elle n'en trouvera pas aisément dans Paris où ce légume est si maladroitement cultivé et recueilli. D'ailleurs ses cuisiniers connaîtront-ils la méthode qui conserve le parfum du végétal, c'est la cuisson sous la cendre, opération des plus difficiles et dédaignée d'un cuisinier royal. S'informe-t-il en quelle espèce de terrain et selon quelle méthode un légume a été cultivé? Ces raffinemens de qualité qu'un roi civilisé ne peut pas se procurer, seront assurés au plus pauvre des harmoniens. Ne mangeât-il qu'une omelette, une salade, il pourra se dire je suis bien mieux servi que les rois civilisés. En effet on ne connaît pas chez nous les distinctions de saveur sur les œufs provenant de divers systèmes de nutrition des poules; un roi

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est obligé de se contenter d'œufs achetés au hasard, et dont quelques uns sont de mauvais goût, avec une belle

apparence.

En calculs de mécanique des passions, la régularité exige qu'on établisse les preuves sur les 2 extrêmes de chaque serie. J'ai cité en parallèle de jouissances, l'une des plus fastueuses, celle des équipages et voitures de gala; je vais descendre à l'une des plus vulgaires, n'en déplaise aux beaux esprits qui ne peuvent pas se façonner à cette règle du contact des extrêmes, règle qui, disent-ils, n'est pas à la hauteur de la philosophie: elle va dédaigner un parallèle trivial, un sujet tiré du testament burlesque de Scarron qui lègue

« A Molière le cocuage,

« Au gros Saint-Amand, du fromage : »

Si le fromage est digne de la poésie, et même de la muse lyrique, (voyez l'ode de Lebrun sur le triomphe de nos paysages, y compris le fromage de Vanvres sorti des mains de Galatée,) ce mets champêtre pourra d'autant mieux figurer dans ma prose bourgeoise, où l'on va voir une croûte de fromage s'éleverà la hauteur de la plus sublime philosophie, en nous dévoilant le néant des grandeurs civilisées.

Humainement parlant : la thèse est, qu'un roi, avec tous ses trésors, ne peut pas servir à sa table du fromage satisfaisant pour ses convives; car il faut en service harmonique de fromage, présenter trois séries, 1.o des espèces, 2.° des variétés de chaque espèce, 3.o des âges de chaque variété. Cette distinction en 3 échelles, exigera environ cinquante morceaux de fromage fraîchement coupés, lors même qu'on ne tablerait que sur trois espèces, comme Gruyère, Gex et Brie, les plus employées à Paris où l'on voit, sur les meilleures tables, et sans doute chez le roi, servir à peine trois morceaux de fromage, sans aucune échelle ni d'espèce, ni de qualités, ni d'âges. Les plus pauvres harmoniens jouiront de cette variété refusée à nos rois. Le fromage étant ou très-sain

ou très-malsain, selon son affinité avec les facultés digestives de chaque sujet, douze convives auront besoin de douze qualités de fromage qu'ils ne peuvent rencontrer que sur une girandole contenant, sous diverses cloches, un assortiment d'une cinquantaine de variétés, en 3 séries d'espèces, qualités et âges; variété dont jouira chaque jour le moindre des harmoniens, et qui n'est pas possible aujourd'hui, même à un roi.

Il importe de remarquer, sur les plus minimes détails, comme cette minutie de fromage, que le bas peuple harmonien sera en tous genres de jouissance bien plus avantagé que nos grands et nos souverains. Un homme oserait-il dire à la table du roi, ces 3 fromages ne sont pas ce qu'il me faut, je veux la sorte très-salée, yeux moyens, larmes abondantes, chair compacte sans élasticité et rougeâtre vers la croûte? Un tel homme serait traité de manant, on doit trouver tout bon à la table du roi, si on veut obtenir une sinécure. C'est ainsi que les civilisés sont à chaque pas harcelés par les convenances, obligés de modérer leurs passions. Le charme des harmoniens sera de ne les modérer en rien, et de pouvoir exiger telle qualité sur la croûte et la mie de fromage. Ils la trouveront sur l'assortiment en triple série et de même sur

tout autre mets.

Concluons maintenant sur ce qui touche aux accords intentionnels qu'auront fait naître les jouissances matérielles, graduées de manière à procurer à tous des charmes à chaque moment, car le charme de la vie matérielle est de pouvoir à tout instant satisfaire minutieusement ses plus petites fantaisies. Les rois sont fort loin de ce genre de bonheur qu'on n'obtient que des Séries passionnées, et ce sera un des motifs pour lesquels un roi, après avoir vu la phalange d'essai, ne reverra ses palais, sa cour, son étiquette qu'avec un profond dédain.

On voit que j'ai estimé au dessous de la réalité, en disant quadruplement de richesse effective et quarantuplement de jouissances, car dans plusieurs branches, comme

les communications et transports, on excèdera le centuple. Les mots vingtuple, quarantuple que j'emploic, sont une expression modeste pour adoucir une vérité éblouissante.

On voit aussi que le mécanisme sociétaire observe exactement les règles de contact des extrêmes et lien des parties: les jouissances qu'il procure s'étendent à toutes les classes et aux plus minimes détails.

En combinant avec ces plaisirs sensuels, l'absence de soins matériels dont les pères et mères seront délivrés, le contentement des pères dégagés des frais de ménage, éducation et dotation; le contentement des femmes, délivrées de l'ennuyeux ménage sans argent, le contentement des enfans abandonnés à l'attraction, excités aux raffinemens de plaisirs, même en gourmandise; enfin le contentement des riches, tant sur l'accroissement de la fortune que sur la disparition de tous les risques et piéges dont un civilisé opulent est entouré; il est aisé de pressentir que la phalange d'essai n'aura dès le 1er mois d'autre sollicitude que de maintenir un si hel ordre; et sachant que son maintien va dépendre uniquement de l'accord en répartition, elle s'inquiétera des moyens d'opérer cet accord dont on doutera pendant le cours de la 1.e campagne, parce qu'on ne l'aura pas encore vu; la répartition ne pouvant se faire qu'en janvier ou février, après la clôture de l'inventaire.

On verra donc les séries, les groupes, les individus, se concerter sur cet accord, prendre à l'envi les résolutions les plus généreuses, l'engagement à des sacrifices pécuniaires qui ne seront point nécessaires : chacun luttera de dévoùment intentionnel et de résolutions désintéressées. Chacun, à l'idée de retomber en civilisation, sera effrayé comme à l'idée de tomber dans les brasiers de l'enfer, chacun proclamera qu'il souscrit d'avance à abandonner s'il faut, moitié de son bénéfice. Dès lors le vœu d'unité, l'accord intentionnel sur le maintien de l'unité, s'élèvera au plus haut degré. Nous allons remarquer le même résultat dans les relations autres que les matérielles.

CHAP. XXX. De l'accord affectueux opéré par la fusion des 3 classes.

Nous passons des plaisirs des sens aux plaisirs de l'ame, aux impulsions de générosité qui en naîtront, et qui disposeront à un accord intentionnel en répartition.

Le premier acheminement est de faire disparaître les antipathies de classe à classe: les Petites Hordes, 243 atteignent ce but en s'emparant des travaux méprisés : c'est lever le principal obstacle à la fusion des classes, et aux intentions conciliantes en partage des bénéfices.

Pour faire entrevoir la facilité de cette fusion, partons de quelque point de fait. Nous voyons que les caractères les plus nobles, comme HENRY IV, sont ceux qui inclinent le plus à se familiariser avec leurs inférieurs, valets ou autres, pourvu qu'ils rencontrent des subalternes dignes de cette bienveillance. LOUIS XVI était aussi trèsfamilier avec ses inférieurs, tels que les serruriers qui l'aidaient à sa forge. Il s'amusait à jeter les coussins du lit à la tête de son valet de chambre Cléry qui lui ripostait de même.

Ces exemples dénotent que la classe opulente serait heureuse si elle était entourée de subalternes assez probes, assez désintéressés pour qu'on pût sans inconvénient se rapprocher d'eux en quelques relations. Le contraire a lieu dans l'ordre civilisé, où les domestiques sont un cortège importun et suspect pour les grands, obligés de maintenir une police très-sévère parmi ces dangereux serviteurs.

J'ai déjà décrit, 290, le charme que procure la domesticité passionnée; insistons par quelques détails.

Damon est florimane : lorsqu'il habitait Paris, il dépensait beaucoup au soin de son parterre, il était mal secondé, trompé par les vendeurs, et volé par les jardiniers ou valets: aussi avait-il fini par se dégoûter de la culture des fleurs sans cesser de les aimer.

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