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- diocèse, et dans les cours de France et de Rome. L'écrit a été imprimé à Paris chez Anisson en 1701, et représente assez bien en quatorze chapitres la conduite d'Yves dans les trois différents états qu'annonce le frontispice. Les bibliographes et autres écrivains qui ont parlé de cet excellent évêque sont presque sans nombre. Nous avons profité de ce qu'ils en ont dit de meilleur; mais sans nous arrêter aux Vies entières dans lesquelles nous n'avons pas trouvé tout ce qui nous paraît nécessaire pour le représenter tel qu'il était; nous en avons dirigé une autre tirée pour la plus grande partie de ses propres écrits, et pour le reste, d'auteurs contemporains.

Yves se rendit aussi recommandable par sa sainteté de vie que par son grand savoir: nec minus sanctitale quam scientia venerandus (87). Son savoir est suffisamment connu par les écrits qui nous restent de sa façon; et sa sainteté lui attira dès les premiers temps beaucoup de vénération de la part des peuples, nomménient de celui de Chartres (88). On fut cependant plusieurs années sans célébrer aucune fête en son honneur, et l'on paraît ignorer s'il a jamais été canonisé dans les formes. Seulement le pape Pie V, en 1570, donna une bulle, pour transférer au vingtième de mai la fête qui se faisait alors en sa mémoire le vingt-troisième de décembre, par la raison que ce dernier jour, tombant toujours en Avent, ne convient pas à la solennité des fetes. Un autre indice de sa sainteté est le traitement que lui firent subir les Calvinistes au temps de leurs ravages, en réduisant en cendres ses reliques, comme celles des autres saints.

Il ne faut pas au reste confondre Yves, évêque de Chartres, avec un autre Yves, cardinal, prêtre du titre de Saint Laurent in Damaso, auparavant chanoine régulier de Saint-Victor à Paris, et mort en 1142, ou l'année suivante (89). La même observation est à faire à l'égard d'un troisième Yves surnommé de Chartres, et qualifié docteur, qui avait étudié sous Gilbert de la Poirée, depuis évêque de Poitiers. Celui-ci le cita pour sa défense au concile de Reims en 1148, avec Rotrou un autre de ses disciples, alors évèque d'Evreux et dans la suite archevêque de Rouen.

On a dit plus haut qu'Yves, évêque de Chartres, eut la consolation de voir avant sa mort quelques-uns de ses disciples élevés aux premières dignités de l'Eglise mais nous n'avons de connaissance particulière que des suivants: Jean, romain de naissance, reçut quelque temps des instructions d'Yves à Saint-Quentin de Beauvais (90). En étant ensuite sorti, il se rendit moine au Bec, et devint depuis évêque de Tusculum et légat du Saint-Siége. Un autre de ses disciples de même nom que le précédent, après avoir perfectionné sous lui ce qu'il ava t déjà appris à l'école d'Utrecht, fut évêque de Térouane, et vécut si saintement dans l'épiscopat, que l'Eglise le compte au nombre des saints qu'elle honore (91-92). Il paraît par la manière dont Yves recommande au pape Urbain II, et à Richer, évêque de Sens, Guillaume élu évêque de Paris en 1095, qu'il le regardait comme un de ses élèves (93). Galon, successeur de Guillaume, avail aussi l'avantage, ainsi qu'on l'a montré à son article, d'être élève de la même école. Wulgrin d'abord chancelier de l'église de Chartres, puis élu évêque de Dol au concile de Troyes en 1107, est reconnu pour un de ses disciples (94). On met aussi de ce nombre Samson de Mauvoisin, archevêque de Reims, inort en 1161 (95); Odon successivement chanoine régulier, ensuite abbé de Saint-Quentin de Beauvais après Galon, se donne clairement lui-même pour élève de notre saint prélat, dans une assez longue lettre qu'il lui adresse, pour lui exposer l'état de sa conscience (96).

Thevet, dans son Histoire des hommes savants, a cru nous donner le portrait au naturel de l'évêque Yves, qu'il a fait graver en taille-douce, sur un autre que lui avait fourni un ancien livre de la bibliothèque du cardinal Georges d'Amboise (97). Yves y est représenté avec les cheveux qui lui tombent jusque sur les épaules, une calotte qui lui couvre presque toute la tète, une ample et longue robe, à laquelle est attaché un capuchon pendant par derrière.

§ 2.
SES ÉCRITS

Robert de Torigny, abbé du Mont Saint-Michel, qui écrivait dans le siècle où mourut Yves de Chartres, atteste dans le petit éloge qu'il a fait de lui que ce prélat avait laissé beaucoup d'illustres monuments de sa science et de son habileté (98); et cependant il n'en spécifie aucun. L'anonyme de Molk, qui publią vers le même temps son catalogue d'écrivains ecclésiastiques, nomme quatre de ces monuments (99); et Sigebert plus ancien que l'un et l'autre, comme étant contemporain d'Yves, les réduit à son décret et au recueil de ses lettres (100). Mais il est venu dans la suite une foule de savants qui, s'intéressant à la gloire de ce grand évêque, ont fait des recherches à ce sujet, et en ont découvert plusieurs autres. On en a imprime les principaux; et les autres ne sont encore que manuscrits. En voici le dénombrement à la tête duquel nous placerons ceux qui ont déjà été imprimés.

1o Le plus célèbre de tous est sa collection des canons, sur quoi il y a diverses observations à faire. La plupart, ou même presque tous les écrivains qui ont entrepris d'en parler, n'en reconnaissent qu'une seule collection; mais il en faut distinguer et adimettre deux, par les raisons qu'on va voir:

Yves, n'étant encore qu'abbé de Saint-Quentin de Beauvais, et faisant alors une de ses principales occupations de l'étude de l'antiquité ecclésiastique, comprit de quelle utilité serait un bon recueil de canons et autres règles en usage dans l'Eglise. Il y en avait déjà plusieurs avant ce temps-là, comme nous l'avons remarque en parlant de ceux de Reginon de Prom, de Bouchard de Vormes, à l'article d'Olbert,

(87) Trit., Script., c. 349.

(88) Ivo, Vit., n. 1; 2-2, 20.

(89) Ibid., n. 18; Aub.. Hist. des card., t. I, p.

127, 128.

(90) Hug. Fl. Chron., p. 261.

(91-92) Boll., 27 Jan., p. 796, n. 1, 2. (93) Ivo, ep. 45, 50.

(94) Ep. 176, 178.

(95) Marl., Metrop. Rem., t. II, p. 329.
(96) Ivo, ep. not., p. 230.
(97) Thev., t. II, p. 125.

(98) Robb., add. ad. Sig., p 750.

(99) Mell., Script., c. 95.

(100) Sig., Script., c. 167.

abbé de Gemblou. Mais Yves qui en connaissait les défauts, quoiqu'il ne les ait pas tous évités lui-même, les jugeant insuffisants, conçut le dessein d'un autre recueil, et se mit tout de bon à l'exécuter. La manière dont il s'y prit pour en venir à bout, est remarquable; et c'est de lui-même que nous l'apprenons dans l'assez grande préface qu'il a mise en tête (101). Ayant rassemblé en un corps, avec le travail qu'on peut imaginer, les extraits des règles ecclésiastiques que lui purent fournir tant les lettres ou décrétales des papes et les actes des conciles, que les traités des Pères et les constitutions des rois catholiques, il les rangea ensuite en un certain ordre. Le motif qui le porta à entreprendre ce pénible travail fut de rendre service au public, en faisant ensorte que ceux qui n'avaient pas ces écrits en main pussent prendre dans son recueil ce qui leur conviendrait; et, afin que chacun y pût trouver aisément ce qu'il aurait à chercher, il y a observé l'ordre suivant: il dit qu'il y traitera d'abord de la foi, qu'il nomme le fondement de la religion chrétienne, ensuite des sacrements, puis de la conduite des mœurs, enfin de ce qui concerne les différentes affaires, c'est-à-dire celles dont il appartient à l'Eglise de connaître. A ces quatre chefs principaux l'auteur rapporte tout ce qu'il a cru devoir discuter dans son ouvrage, sous divers livres, ou parties, subdivisées en plusieurs titres.

Prévoyant qu'il se pourrait trouver des lecteurs qui n'entendraient pas assez ce qu'il dit, ou qui croiraient y apercevoir de la contradiction, il a soin de les avertir de ne se pas presser de les blàmer, mais de considérer attentivement ce qui est dit suivant la rigueur du droit, ou suivant l'indulgence, par la raison que tout le gouvernement ecclésiastique est fondé sur la charité. C'est par ce principe, ajoute-t-il, en le montrant fort au long, que l'Eglise se tient tantôt à la sévérité des règles, et tantôt s'en relâche par condescendance (102). Ce qu'Yves dit ici a trait à la méthode qu'il a suivie dans sa collection, en y insérant sur le même sujet des canons de l'une et l'autre espèce, c'est-à-dire de rigoureux et de modérés. Mais, de peur qu'on ne crût que cette condescendance ou modération pût avoir lieu dans tous les cas, il fait observer qu'il est de deux sortes de préceptes, conime de deux sortes de défenses. Il y en a de droit divin, qui sont établis par la loi éternelle, et d'autres qui ne sont que de discipline, établis par les hommes en vue d'un plus grand bien (103). Les premiers, dit-il, sont immuables et par conséquent ne souffrent point de modération; mais il n'en est pas de même des autres.

Tel est, en général, le plan sur lequel Yves dirigea ses deux collections. Il donna à la première le titra de Pannormie, forme de deux mots, l'un grec, l'autre latin, comme pour exprimer un corps de toutes les✓ lois ou règles du droit ecclésiastique (104). Quelques puristes, trop délicats en ceci, voudraient qu'on lût Pannomie; mais les anciens manuscrits ne le souffrent pas. D'autres, en plus grand nombre, ont tenté d'enlever à Ives l'honneur de cet ouvrage, prétendant qu'il n'en a composé d'autre sur cette matière que son décret; mais c'est ce qu'ils ne réussiront jamais à persuader aux personnes instruites. Les raisons sur lesquelles ils établissent leur sentiment sont trop faibles à cet égard. `Ils disent, d'une part, qu'à la fin de cet ouvrage il y a diverses choses prises des décrétales de Calixte Il et d'Innocent, son successeur, après Honorius, qui ne furent papes que plusieurs années après la mort d'Yves (105). Ils allèguent, d'ailleurs, que la Pannormie n'est autre chose que l'abrégé du décret de notre auteur, que fit en son temps un certain Hugues, qualitié évêque de Châlons-sur-Marne, comme le rapporte Vincent de Beauvais.

Rien de plus faible que ces prétendues raisons. Par rapport à la première, il n'est point étrange qu'il soit arrivé à la Pannormie ce qu'ont souffert dans tous les siècles tant d'autres ouvrages originaux qui, après être sortis des mains de leurs auteurs, ont reçu des additions étrangères, au moins dans plusieurs de leurs exemplaires. C'est justement le sort qu'a eu la Pannormie, comme il serait aisé de la justifier par les deux fort anciens manuscrits de ce recueil, que dom Mabillon atteste avoir vus aux abbayes d'Anchin et de Blandimberg (106). Ils portent l'un et l'autre le nom d'Yves de Chartres, et ne contiennent rien des additions alléguées. On a encore la même preuve dans l'ancien manuscrit de Saint-Victor, et dans un autre qu'avait en main dom Antonio Augustinus (107).

L'autre raison sur laquelle on lui dispute cet ouvrage n'a pas plus de solidité. Ce n'est point un llugues, évêque de Châlons, qui fit l'abrégé dont il s'agit, puisque cette Église n'a point eu d'évêque de ce nom depuis le temps d'lves de Chartres, mais Haimend de Bazoches qui la gouvernait au milieu du x siècle (108). Et bien loin que cet abrégé ne fût autre que la Pannormie, ainsi qu'on le suppose, il nous est une preuve du contraire, en ce qu'il montre qu'elle existait auparavant, en ayant été tirée, et non du Décret du même auteur. C'est Alberic de Trois Fontaines qui l'atteste, et qui mérite d'autant plus de créance qu'on sait certainement qu'il ne parle dans sa Chronique que d'après les historiens qui l'avaient précédé. Ce Barthélemi, évêque de Châlons, dit Albéric sur l'année 1151, mourut dans son pèlerinage de Jérusalem ; et l'on élut pour évêque l'archidiacre Haimond de Bazoches, homme recomman dable par sa noblesse et sa vertu, qui à fait le manuel des décrets suivant la Pannormie d'Yves de Chartres. Témoignage aussi clair que décisif, et qui ne demande point de commentaire.

Celui de Vincent de Beauvais, pris dans son vrai sens, ne l'est pas moins à cela près qu'au lieu a'Haimond, il nomme Hugues, l'évêque de Châlons, abréviateur de l'ouvrage de notre prélat (109). En effet, après avoir parlé du travail de celui-ci, qu'il qualifie aussi abrégé, par rapport aux sources d'où il avait été tiré, il ajoute que l'auteur l'intitula Pannormie; mais que comme il n'était pas d'une petite étendue, l'évêque de Châlons entreprit de l'abréger, et en fit un petit livre portatif, qui fut intitulé la Somme des décrets d'Yves. Voilà justement le Manuel ou Enchiridion dont parle Albéric, comme tiré de la Pannormie qui, par conséquent, en était fort différente.

C'est ce que le savant M. Baluze avait déjà prouvé par un autre raisonnement (110). L'abrégé fait par l'évêque de Châlons, dit-il, sur le témoignage de Vincent de Beauvais qu'on vient de lire, portait pour titre la Somme des décrets d'Yves. Or la Pannormie, dans trois anciens manuscrits de l'abbaye de SaintAubin d'Angers, et dans un quatrième de la bibliothèque de Saint-Victor, à Paris, est intitulée uniformément partout Pannormie, et jamais Somme des décrets. Il en est de même des éditions qui en ont été faites; ce qui montre que les manuscrits dont on s'est servi retenaient le même titre. Nous l'avons vue nous-mêmes intitulée de la même sorte, dans un autre ancien manuscrit de l'abbaye de Saint-Quen, à

(101) Ivo, Decr., pr.

(102-104) Douj., 1. 111, c. 28, n. 1; Poss. App., t. 11, p. 306; Bail. 23 Dec., p. 283.

(105) Douj., ib., n. 4.

(106) Ibid.

(107) Bal., De emendatione Gratiani, pr., n. 23. (108) Alb. Chr., par. 11, p. 320.

(109) Douj., ib., n. 2.

(110) Bal. ib., n. 20.

Rouen. Dans tout ceci se présente encore une autre observation, qui tranche la difficulté sans aucun retour; c'est que le manuscrit de Saint-Victor est plus ancien que l'abréviateur, quel qu'il ait été. Il est donc hors de contestation que son écrit n'est poini la Pannormie, et qu'il n'y a nulle raison de la refuser à Yves de Chartres, son véritable auteur.

On fait encore naître à son sujet un autre question, savoir si elle a précédé le décret du mênie prélat, ou si elle n'est venue qu'apres (111)? M. Doujat paraît pencher pour la seconde alternative, et en apporte quelques faibles raisons: mais M. Baluze se déclare ouvertement pour la premiere, qui mérite la préférence, en ce que le décret est non seulement plus ample, mais aussi mieux travaillé que la Pannormie, et qu'il y règne beaucoup plus d'ordre (112). Un historien de la fin du siècle même où est mort l'évêqué Yves, et qui n'a écrit que d'après ceux qui l'avaient précédé, comme Albéric de Troisfontaines, nous apprend qu'Yves publia son décret en 1090, un an précisément avant qu'il fût élevé à l'épiscopat (115), Il faut, à ce compte, que la Pannormie fût déjà sortie des mains de son auteur quelques années aupara

vant.

On ne doit pas croire, au reste, qu'Yves cût en main tous les livres originaux qu'i! indique en général dans sa préface, comme les sources d'où il a tiré ce qu'il rapporte (114). Les livres étaient alors trop rares pour qu'il fût possible d'en rassembler un aussi grand nombre dans deux, trois ou quatre bibliothèques. Mais il en a puisé la plus grande partie dans les recueils qui avaient précédé le sien nommément dans celui du fameux Isidore, compilateur des fausses decrétales, et dans ceux de Reginon, de Burchard ei peut être encore d'autres (115). Et il l'a exécuté de manière qu'il a copié jusqu'aux fautes de ces compilateurs. Isidore avait rangé ses decrétales suivant l'ordre des temps auxquels les papes, qu'il en fait auteurs, ont vécu. Yves a changé cet ordre, et lui a préféré celui des matières. Les constitutions des rois catholiques qu'il y emploie, comme il l'annonce dans sa préface, sont le Code Théodosien, le Code, le Digeste on Pandectes de Justinien, et les Capitulaires de nos rois (116).

La Pannormie est divisée, non en dix livres, ainsi que quelques écrivains l'ont avancé, mais en huit seulement, et chaque livre cubdivisé en titres, ou articles. On y en compte quelquefois jusqu'a seize et c'est le plus haut nombre. Elle cut cours parmi les gens de lettres, après même que l'auteur cut publié son Décret. On a vu que ce fut elle qu'llàimon de Bazoches abrégea ; et ¡l'on croit avoir des preuves que c'est dans la Pannormie plutôt que dans le Décret que Gratien à puisé pour sa compilation (117). Du reste la préface qui est en tète, étant la même qui se lit au-devant du Décret, a donné occasion de confondre très souvent ensemble les deux écrits (118).

Nous avons deux éditions de la Pannormie : l'une in-4o faite à Bâle en 1499, par les soins de Sébastien Brant (119). Mais elle est pleine de fautes. L'autre, qui est in-8° et beaucoup plus correcte, parut en 1557 à Louvain, chez Etienne Valère, pour Antoine-Marie Bergagne (120). Elle fut dirigée par Melchior de Vosmedian, docteur ès-arts et en théologie, qui prit soin d'en donner le texte dans son intégrité, Mais il en a confondu le titre avec celni du Décret de notre prélat; ce qui ferait juger qu'il a été du nombre de ceux qui ont confondu ensemble les deux ouvrages.

2° Yves, voyant l'accueil favorable qu'on faisait à sa l'annormie, forma le dessein d'un plus ample ouvrage sur la même matière, et ne tarda pas à l'exécuter, en composant ce qu'on nomme son Décret (121). La Pannormie lui servit de plan dans cette seconde opération. Il ne fit que changer un peu l'orare des sujets dont elle traite, les discuter avec beaucoup plus d'étendue, et y en ajouter de nouveaux. De sorte qu'il poussa cette nouvelle compilation jusqu'à dix-sept Livres, ou parties, dont chacune est divisée en grand nombre de chapitres, qui vont quelquefois jusqu'à trois cent soixante-dix-huit, et même quatre cent-trente-cinq, comme la c.nquième et sixième partie. Il est vrai que ces chapitres sont ordinairement fort courts, quoiqu'il y en ait quelques uns, nommément dans la première et la seconde partie qui tiennent une et deux pages entières. Di reste l'auteur y a retenu la préface entière de la Pannormie : ce qui a donné occasion, ainsi qu'on l'a vu, de confondre les deux ouvrages. Cette préface commence par ces mots: Excerptiones regularum ecclesiasticarum, dont on a formé le titre de l'ouvrage dans quelques exemplaires manuscrits (122), et qu'Yves emploie lui même équivalemment pour le désigner, lorsqu'il en parle dans ses lettres, le nommant collectiones canonum (125). Dans un ancien manuscrit de Saint-Victor a Paris, l'ouvrage ne porte en tête ni titre, m nom d'auteur (124). Seulement on lit à la fin : Explici: liber canonum ; et sur la feuille suivante il est marqué d'une main plus récente que ce recueil de canons appartient à Yves, ci-devant évêque de Chartres, et qu'on le nomime Decreta Ioniani, en quoi l'on aperçoit visiblement une faute; le copiste ayant écrit foriniani, au hen de Ioniana, les décrets d'Yves. Mais l'ouvrage n'est guère plus connu que sous le nom de Décret, qui est le titre qu'il porte dans les imprimes, apparemment en conformité des manuscrits, sur lesquels on l'a donné au public.

A la tête, après la préface, vient la table des dix-sept livres ou parties, suivant lesquelles l'auteur a jugé à propos de distribuer les matières qu'il entreprend de discuter (125) ; table qu'ives a pris luimême soin de diriger, et qui a mérité les éloges du premier éditeur, pour le bel ordre qui y regne. II aurait pu la louer aussi pour l'idée juste qu'elle donne de l'étendue et de la variété des matieres qui y sont traitées. La méthode qu'y suit l'anteur consiste à rapporter sous chaque titre ou chapitre, les passages des Pères de l'Eglise, et autres écrivains ecclésiastiques, des conciles tant œcuméniques que provinciaux, des décrétales des papes, et quelquefois des ordonnances des princes catholiques qui y ont rapport de sorte que s'il y avait autant de choix et d'exactitude qu'il y a de recherches et d'érudition, ce serait un répertoire inestimable. Il ne laissa pas d'être d'une très-grande utilité pour les gens de lettres, qui n'auraient pu avoir sans de grosses dépenses, ni lire sans dégoût tous les livres que notre auteur

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y a découpés et rangés par ordre. On le regarda même comme le plus parfait qui eût paru jusqu'alors. Aussi eut-il le plus de vogue avec la Pannormie du même auteur, jusqu'à ce que le fameux recueil de Gratien, qui ne fut connu qu'au bout de plus de soixante aus, eût le dessus. M. de Marca compte celui de notre prélat pour la première collection de l'un et l'autre droit qui ait été faite en Occident (126). Il est cependant certain que Réginon de Prom avait fait entrer dans la sienne plusieurs traits du droit

civil.

Quelques écrivains sont dans l'opinion qu'Yves a puisé la plus grande partie de son ouvrage dans celui de Burchard de Vormes, si l'on en excepte la seconde et la pénultième partie (127). Mais d'autres maintiennent que cela ne paraît vrai qu'en ce que l'un et l'autre copient les mèmes canons ou décrets. Il serait après tout fort difficile de l'en justifier pleinement, puisqu'on le voit copier ses fautes, quelquefois même jusque dans les titres. Il y a aussi beaucoup d'apparence qu'Yves a puisé de même dans Réginon, d'où Burchard a tiré lui-même, selon M. Baluze, environ six cent soixante-dix chapitres pour enrichir sa compilation.

Quelques écrivains, du nombre desquels est D. Beaugendre, ont voulu ravir à Yves de Chartres l'honneur de cet ouvrage, pour le transférer à Hildebert, évêque du Mans, puis archevêque de Tours. Ils appuient leur prétention sur ce que dit Hildebert dans une de ses lettres, où il parle d'un recueil de décrets qu'il avait entrepris de réduire en un volume, mais que ses occupations ne lui avaient pas permis d'achever. D. Beaugendre conclut de là qu'il faut qu'Hildebert ait pour le moins commencé cet ouvrage, saltem inchoaverit, et qu'Yves de Chartres, prélat studieux et laborieux, y aura mis la dernière main (128). Car, ajoute l'éditeur d'Hildebert, il ne tombe pas sous le sens que deux auteurs assez éloignés l'un de l'autre, aient entrepris le même ouvrage, sans se communiquer, et se soient tellement rencontrés, qu'ils emploient les mêmes paroles. Pour renverser sans ressource cette prétention, nous n'avons besoin que de la lettre qu'on nous oppose : c'est la vingt-septième du second livre (129). Elle a été écrite à la fin de l'an 1118, ou au commencement de l'an 1119, sur la mort de Mathilde, reine d'Angleterre, arrivée l'an 1118. Ces époques sont certaines et établies par D. Beaugendre lui-même. C'est dans cette lettre qu'Hildebert parle de l'ouvrage qu'il avait entrepris, et que ses occupations ne lui avaient pas permis d'achever (150). L'ouvrage n'était donc point achevé lorsque Hildebert écrivait à la fin de 1118, ou au commencement de 1419. Qu'on nous dise à présent comment Yves de Chartres, mort deux ans auparavant, c'est à-dire en 1117, pour le plus tard, a pu mettre la dernière main à l'ouvrage d'Hildebert, qui n'était encore que commencé à la fin de l'an 1118, pour le plus tôt? Ce sont-là de ces raisons sans réplique qui dispensent d'en ajouter d'autres.

Concluons donc que c'est à tort qu'on a voulu faire honneur à Hildebert du Décret d'Yves de Chartres; et que, si l'évêque du Mans a composé quelque ouvrage de ce genre, il n'est point parvenu jusqu'à nous ; soit qu'il n'y ait point mis la dernière main, soit qu'il soit perdu.

Quant au prologue du Décret qui se trouve à la fin des lettres d'Hildebert dans toutes les éditions des Pères, et qui, selon D. Beaugendre, appartient à l'évêque du Mans, nous n'avons encore besoin que de l'aveu de l'éditeur, pour renverser cette prétention. Car enfin, puisque ce prologue, comme D. Beaugendre lui-même en convient, ne se trouve dans aucun manuscrit d'Hildebert, quelle raison peut-on avoir de le Jui attribuer, et de l'en croire auteur? Ce sera apparemment sur le fondement de la lettre dont nous avons parlé, que nous avons fait voir, montrer tout le contraire. En un mot l'ouvrage d'Yves de Chartres était fini en 1116; et celui de Hildebert ne l'était pas encore en 1118, lorsqu'il écrivait la lettre vingt-septième. Ainsi il est évident qu'Yves n'a pu mettre dans son écrit ce qui n'était pas encore sorti de la plume de l'évêque du Mans.

Nous n'avons que deux éditions du Décret d'Yves de Chartres; la première donnée en l'an 1561, par Jean du Moulin, docteur en droit canon dans l'université de Louvain; la seconde en Fan 1647 à Paris, publiée par le P. Fronteau, chanoine régulier de Sainte-Geneviève.

3° De tous les ouvrages d'Yves, le plus considérable et le plus estimé avec raison des savants, est le recueil de ses lettres.

Ces lettres sont au nombre de 289, en y comprenant une charte d'Yves (131), et une (132) assez longue lettre d'Hugues, abbé de Pontigni, et de saint Bernard à Odon, abbé de Marmoutier, qu'on trouve à la fin en forme d'appendice. Elles ont toutes été écrites durant son épiscopat, à l'exception de la 287, qu'il écrivit n'étant encore qu'abbé.

Il est visible que celui qui a pris le soin de dresser ce recueil, n'y a pas toujours gardé exactement Fordre chronologique. Car, outre que la 287 devrait etre la première pour la raison qu'on vient de voir, il y en a plusieurs autres déplacées. Par exemple, la 7 à Roscelin n'a été écrite certainement qu'après plusieurs de celles qui la suivent; puisque l'auteur avait déjà plusieurs années d'épiscopat lorsqu'il l'écrivit. Il en faut dire autant de la 25 au pape Urbain II, n'ayant été écrite qu'après la 7 année de son épiscopat. Au contraire la 277 qui est adressée à Hildebert, nouvellement élu évêque du Mans, devrait être placée bien plus haut, puisqu'elle est de l'an 1097. On a mis à la tète deux lettres du pape Urbain II, sur l'ordination d'Yves, qui servent comme d'introduction à toutes les suivantes.

Tous les savants conviennent que ce recueil de lettres est un des plus précieux monuments de l'érudition ecclésiastique que nous ayons pour la fin du xie et pour le commencement du xe siècle. M. Baillet, ce critique si celebre, en parle ainsi dans la vie de l'auteur (133): On a dans le recueil des lettres d'Yves les principaux points de la doctrine, des mœurs et de la discipline de son temps; et surtout beaucoup de décisions excellentes sur divers cas de conscience et sur diverses questions de droit qu'on

(126) Marca, Concord. Sacerd. et imp., 1. 1, c. 6,

n. 2.

(127) Douj., ib., n. 8.

(128) Excerptiones autem decretorum quas in unum volumen ordinare disposuimus, ad suum finem nondum perductæ sunt. Opus enim hoc liberum caris peclus desiderat, etc.

(125) Hild. Op., p. 123, 124. (150) Ib., p. 124, not.

(151) Ivo, ep. p. 1, 124.

(152) H paraît que Juret n'a joint cette lettre de Hugues de Pontigni et de saint Bernard à celles d'Yves que parce qu'il a cru que l'évêque de Chartres dont il est parlé dans la lettre n'est autre qu'Yves lui-même. Mais c'est une méprise certaine; car l'évêque de Chartres dont il est question dans cette lettre n'est autre que Geoffroi 11, successeur immédiat de saint Yves, dans l'évèché de Chartres. (135) Bail., 23 Dec., p. 287

lui proposait. On y voit partout une connaissance profonde des affaires de l'Eglise, une droiture de cœur merveilleuse, une science et une capacité de très-grande étendue, un zèle pour la pureté de la foi et des mœurs, et pour l'observation des canons, toujours fort ardent, mais toujours éclairé, discret et tempéré par une modération et une sagesse admirables. Dès le vivant de l'auteur, Sigebert eu à parlé comme d'un recueil de lettres fort utiles (154); et spécifiant la soixantième, écrite en 1099 à Hugues archevêque de Lyon et légat du Saint Siège en France, il dit que cette lettre, toute courte qu'elle est pour les paroles, est remplie de citations, de canons et d'autorités des saints Pères, qui la rendent très-instructive. Albéric, moine de Troisfontaines, nous représente ce recueil comme un ouvrage qui inspire partout l'amour du bien et de la justice, et la haine du mal et de l'injustice (135). Entre autres livres légués vers l'an 1150 à la cathédrale de Soissons par l'évêque d'Anculfe, on marque le Décret et les lettres d'Yvés de Chartres, par où l'on voit l'estime que ce prélat faisait de l'un et de l'autre ouvrage (136).

Il serait à souhaiter que nous pussions entrer dans le détail de ce qu'un recueil si excellent contient au moins de plus important et de plus curieux. Mais comme cela nous conduirait bien au delà des bornes que nous nous sommes prescrites, et que d'ailleurs M. Dupin nous a prévenu là-dessus, en nous donnant une notice assez exacte du contenu de chaque lettre (157); nous nous contenterons d'observer que ce qui rend encore ce recueil plus précieux, ce sont divers points de l'histoire tant civile qu'ecclésiastique de France, qu'on cherchait inutilement ailleurs.

C'est dans cette source qu'il faut surtout puiser les principales circonstances et les suites fâcheuses da funeste divorce du roi Philippe Ier avec la reine Berthe, sa légitime épouse, et de son scandaleux mariage avec Bertrade de Montfort, que ce prince avait enlevée au comte d'Anjou, son mari (138): c'est là principalement qu'on peut aussi apprendre les raisons d'Etat qui portèrent le roi Louis VI à se faire sacrer en 1108, non à Reims, mais à Orléans (159). Il y a même quelques lettres qui peuvent beaucoup servir pour les généalogies de diverses anciennes maisons de France: savoir la quarante-cinquième pour les généalogies des maisons de Meulan et de Crespi; la cent vingt-neuvième pour les généalogies des maisons de Vendôme et des vicomtes, de Blois; et la deux cent onzième pour celle des comtes de Flandres et des comtes de Rennes.

Il est bon d'ajouter qu'il y en a deux sur l'eucharistie: savoir la deux cent cinquante-unième à Manassès, évêque de Meaux, de laquelle MM. de P. R. ont tiré la quatrième leçon de leur quarante-troisième office du Saint-Sacrement; et la deux cent quatre-vingt-septième à Haiměri, abbé d'Auchin, où il décide que les apôtres reçurent dans la dernière cène le corps de Jésus-Christ passible tel qu'il l'était alors: ait licu qu'actuellement nous le recevons, en communiant, impassible tel qu'il est depuis sa résurrection. Cette dernière lettre a paru si importante à Jean Ulinier, prieur des chanoines réguliers de Saint-Martin de Louvain, qu'il a jugé à propos de la joindre aux traités sur l'eucharistie de Lanfranc, d'Alger, de Guitmond, d'Adelman et de Pierre le Vénérable, dans un recueil imprimé à Louvain en 1561, in-8° (140) : d'où elle a passé dans la bibliothèque des Pères de Margarin de la Bigne, et encore en d'autres recueils (141).

Touchant la deux cent soixante-seizième, il est important de savoir que ce n'est point à Jean, archevêque de Lyon, comme portent les imprimés, mais à Josceranne, archevêque de la mème ville, qu'elle a été écrite (142). Cette remarque est nécessaire pour qu'on ne s'obstine pas à vouloir grossir le catalogue des archevêques de Lyon d'un prétendu Jean, qui n'a jamais existé. A l'égard de la deux cent soixantedix-septième dans laquelle saint Yves accuse Hildebert, nouvellement élu évêque du Mans, d'avoir mené une vie licencieuse depuis qu'il eut été fait archidiacre, il est encore bon de savoir que François Juret, dans ses notes sur cette lettre, a prétendu que ce n'est pas à Hildebert, comme le porte l'imprimé de la première édition, mais à un autre nommé Aldebert, comme le porte un ancien manuscrit de Saint-Victor, que cette lettre a été écrite. Mais pour réfuter cette prétention de Juret, il suffit de remarquer que ce n'est pas dans la seule adresse de cette lettre que Hildebert est nommé Aldebert; puisqu'il est encore nommé de même dans une des poésies de Baudri, son contemporain et son ami (143). Au reste cette lettre ne saurait préjudicier en rien à la réputation de cet illustre évêque du Mans, puisque tout ce qu'Yves y a avancé à son désavantage, il dit ne le savoir que de ceux qui n'avaient voulu ni conseiller, ni consentir à son élection, et qui étaient ainsi intéressés à le décrier (144).

Si le recueil des lettres d'Yves est un précieux monument de son érudition ecclésiastique, il ne l'est pas moins de sa modestie et de son humilité. C'est sans doute par un effet de cette modestie qu'écrivant sa vingt-huitième lettre au roi Philippe, il n'y prend point d'autre qualité que celle d'humble clerc, ou chapelain de sa majesté. Dans le plus grand nombre de ses autres lettres, il ne se qualifie que d'humble manistre ou serviteur de l'église de Chartres (145).

On voit par la lettre cent dix-huitième que ses lumières sur la géographie n'étaient pas fort étendues, et qu'il ne connaissait guère l'antiquité des métropoles de France, que par une vue superficielle qu'il avait jetée sur les anciennes notices des Gaules (146).

Il ne faut pas oublier que ses lettres ne sont pas moins remplies que son Décret de citations des Pandectes, du Code, des Novelles et des Instituts de Justinien (147).

Il s'est fait trois éditions différentes du recueil entier des lettres de notre saint et savant prélat. La première parut à Paris chez Sébastien Nivelle; quelques exemplaires portent en 1584, et les autres en 1585; je ne sais s'il n'y en a pas qui portent encore en 1583 (148); puisque le Père le Long marque expressément cette date (149). C'est François Juret qui a donné cette édition in-4, comme on le voit par son épître dédicatoire sans date à Pierre Pithou. Le privilége est de 1578, ce qui pourrait porter à croire

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