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déjà parlé, que la France romane fut partagée en deux nations qui demeurèrent, pendant quatre siècles, rivales et indépendantes. Ces provinces semblaient destinées à être toujours habitées par des races différentes. César avait déjà remarqué de son temps que les Aquitains différaient des Celtes par la langue, les mœurs et les lois; et la division des deux monarchies, bien établie à la fin de la dynastie Carlovingienne, ne fit peut-être que confirmer une division plus ancienne entre ces peuples. Leur langage, quoique formé des mêmes élémens, différa toujours davantage. Les peuples du Midi se nommèrent Romans provençaux, et leur langue prit le nom de LANGUE D'OC; les peuples du Nord ajoutèrent au nom de Romans qu'ils prenaient, celui de Waelches ou Wallons que leur donnaient leurs voisins (1), et leur langue s'appela LANGUE D'OIL; c'est ainsi qu'on appelait alors l'italien la langue de si, et l'allemand la langue de ya. Ces dénominations proviennent de l'affirmation oui, exprimée dans chacun de ces idiomes.

Cependant la langue française, quoique divisée en

(1) Ce sont les peuples Germains qui donnaient à tous les Occidentaux, Bretons, Gaulois ou Italiens, le nom de Waelches, Welske ou Welche. Ils appelaient langue welsche, la langue latine, et population welsche, les indigènes de la Gaule au milieu desquels vivaient les Francs. Voltaire a donc tort d'employer ce mot dans le sens de barbare; car dans la langue d'où ce nom provient, il servait à désigner les peuples dont la civilisation était le plus avancée.

Le mot walle ou wale est le substantif d'où vient l'adjectif walsk ou welske, ou welsche; dans les anciennes gloses de la loi salique, on se sert de ce mot pour traduire le mot latin romani; et sur les frontières des deux pays distincts par le langage allemand et le langage français, on se servit, au dixième siècle et depuis, du mot wallons pour signifier les Français, et du mot thiois ou teutske pour désigner les Allemands.

deux branches nourries par une sève commune commence à se former et à prendre un caractère à elle. Bientôt elle aura sa grammaire à elle, c'est-àdire ses principes, ses règles, une méthode, dont ne s'écarteront pas les premiers poètes qui la cultiveront, savoir les TROUBADOURS d'abord dans le Midi, puis ensuite les TROUVÈRES dans le Nord. Ce n'est pas que cette grammaire ait été écrite dans ces temps reculés, mais il était réservé à un savant moderne de nous démontrer ces principes que l'on ignorait totalement (1); oui, la langue romane méridionale (dont les premiers essais et les écrits des xe, x1o et XIIe siècles sont pour nous un jargon presque inintelligible), avait ses règles fixes et ses principes aussi positifs et aussi clairs que ceux de la langue francaise actuelle exposés dans la grammaire des Wailly, des Lhomond, etc. Quiconque douterait de cette vérité s'en convaincra en lisant attentivement l'ouvrage le plus érudit et le plus détaillé qui ait paru sur cette partie. Nous l'avons déjà cité dans une note précédente; c'est le CHOIX des Poésies originales des troubadours, par M. Raynouard membre de l'Institut, etc. Paris, chez Firm. Di

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(1) Cependant nous dirons que, plus de 70 ans avant le savant moderne dont nous parlons, Pluche, dans son Spectacle de la nature, tom. vII, p. 249, semble avoir eu une espèce de pressentiment de ces principes, lorsqu'il dit : « Quoique l'orthographe de ces siècles (les xe et xr) ne soit pas régulière, et « que les copistes n'y gardent pas toujours une exacte unifor« mité, ce n'est point par négligence que nous voyons terminer << tant de mots par un s ou par un z que nous n'y mettons plus, <<< comme dans créés, pardurables, sainz, espiriz. Créez res<< semble bien plus au latin creatus que créé; perdurables res« semble au mot perdurabilis, uns à unus et sainz à sanctus, « espiriz à spiritus, etc. » Voilà tout ce que nous dit Pluche il y a loin de cette remarque unique, sèche et sans inductions. aux démonstrations grammaticales, si claires, si multipliées, si bien prouvées de M. Raynouard.

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dot, 1816-1822, 6 vol. gr. in-8° (1). On voit dans ce précieux recueil de préceptes et d'exemples que la romane, tirant son origine de la langue latine et lui succédant, en a conservé la désinence des cas, puisée dans la seconde déclinaison en us; ce qui est tout le contraire de ce qu'a fait depuis la langue française. M. Raynouard va nous donner en peu de mots le résumé de sa découverte :

« La nouvelle langue, dit-il, créa une méthode « aussi simple qu'ingénieuse qui produisit le même « effet que les déclinaisons latines.

« Au singulier le s ajouté ou conservé à la fin de « la plupart des substantifs, surtout des masculins, désigna le sujet; et l'absence du s désigna le régime soit direct, soit indirect.

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(1) Ce titre modeste ne fait pas connaître suffisamment toute l'importance de ce bel ouvrage; on en aura une idée plus juste et plus complète par le détail suivant des titres spéciaux de chaque volume.

TOME 1, contenant les preuves historiques de la langue romane, des recherches sur l'origine et la formation de cette langue, les élémens de la grammaire avant l'an 1000, la grammaire de la langue des troubadours.

TOME II, contenant des dissertations sur les troubadours, sur les cours d'amour, etc.; les monumens de la langue romane jusqu'à ces poètes, et des recherches sur les différens genres de leurs ouvrages.

TOME III, contenant les pièces amoureuses tirées de soixante troubadours, depuis 1090 jusques vers 1260.

TOME IV, contenant des tensons, des complaintes historiques, des pièces sur les croisades, des sirventes historiques et autres, des pièces morales et religieuses.

TOME V, contenant les biographies des troubadours, et un appendice à leurs poésies imprimées dans les volumes pré

cédens.

TOME VI, Contenant la grammaire comparée des langues de l'Europe latine, dans leurs rapports avec la langue des troubadours.

Les cinq premiers volumes de ce recueil précieux regar

« Au pluriel, l'absence du s indiqua le sujet, et « sa présence les régimes.

« D'où vint l'idée d'une telle méthode? De la langue latine elle-même; la seconde déclinaison << en us suggéra ce moyen.

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« Le nominatif en us a le s au singulier, tandis « que les autres cas consacrés à marquer les régimes << sont terminés par des voyelles ou par d'autres con<< sonnes; et le nominatif en i au pluriel ne conserve pas le s, tandis que cette consonne termine la plupart des autres cas affectés aux régimes.

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Peut-on assez admirer cette industrie grammaticale, qui n'a existé dans aucune langue, indus« trie qui ensuite permit et facilita aux troubadours, « la grâce et la multitude des inversions à la fois les

dent spécialement les troubadours; mais dans la grammaire comparée, qui forme le sixième, l'auteur a présenté de nombreuses preuves des règles grammaticales de la langue des trouvères et de ses rapports intimes et identiques avec celle des troubadours. Il est revenu encore plus particulièrement sur ce sujet dans ses excellentes OBSERVATIONS philologiques et grammaticales sur le Roman de Rou et sur quelques règles de la langue des trouvères au douzième siècle; à Paris, de l'imprimerie de Crapelet; Rouen, Edouard frères, éditeurs, 1829; in-80 de vi-122 pag. N'oublions pas non plus un très-bon article du Journal des Savans, octobre 1816, dans lequel M. Raynouard, rendant compte de la nouvelle édition du Roman de la Rose, publiée par M. Méon (Paris, 1814, 4 vol. in-8°), combat le préjugé littéraire qui supposait la langue des trouvères sans principes, sans règles, sans méthode; et des exemples tirés du roman même donnèrent un aperçu des règles grammaticales qui existaient à cette époque.

Ainsi ces ouvrages de M. Raynouard sont donc ce qu'il y a de plus nouveau, de plus utile et de plus curieux à consulter pour se mettre au courant de la poésie des troubadours, de celle des trouvères, et pour faciliter l'intelligence de ces antiques productions et faire voir qu'elles ne sont pas autant dépourvues de goût qu'on pourrait le croire au premier coup d'œil.

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plus hardies et les plus claires? » (Vor. la Grammaire romane avant l'an 1000, p. 50. Le Choix des Poésies originales des Troubadours, p. 50. -Et les Observations philologiques sur le Roman de Rou, p. 28.) La citation de ce passage nous a paru d'autant plus convenable ici, que l'application du principe développé par M. Raynouard facilitera au lecteur l'intelligence des pièces en romane que nous aurons à mettre sous ses yeux, et qu'il ne sera plus surpris de voir dans une phrase, le sujet singulier mis au pluriel et le régime tonjours au singulier, comme dans ces exemples tirés des chansons du roi de Na

varre :

Sujet.

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En dormant et en vellant Est MES CUERS tojors a li... (1) Régime... Quand por vos pert et MON CUER et ma joie (2). Cette petite digression grammaticale nous a un peu distrait de notre route; hâtons-nous d'y rentrer.

Nous avons vu précédemment qu'après la destruction consommée de l'empire romain, la romane provençale, mélange de latin corrompu et de teutonique, était parlée au midi de la Loire, et que la romane wallonne, mélange du même latin et du théotisque, était parlée au nord de ce même fleuve; mais c'est en vain que l'on chercherait des monumens de ces deux langues pendant les vio, VIIe et VIIIe siècles. Nous entendons par monumens, des morceaux soit historiques, soit littéraires d'une certaine étendue. Nous pensons qu'il n'en existe pas, du moins qu'on n'en a encore découvert aucun; on parlait la langue vulgaire, mais il est présumable qu'on ne l'écrivait pas. Les historiens ou plutôt les chroniqueurs se servaient de la langue latine; il est vrai que dans quelques-uns

(1)

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En dormant et en veillant MON COEUR est toujours à elle...... (2) Quand pour vous (je) perds et mon cœur et ma joie.

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