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QUATRIEME SECTION,

DE LA POESIE DIDACTIQUE.

ON a vû jufqu'ici la Poëfie

dans

regner la fiction comme dans fon domaine. Uniquement occupée de plaire & de toucher, elle ne travailloit fur les actions & que les paffions humaines : & pour en faire des tableaux plus intéreffans, elle choisisfoit les traits felon fes caprices, & en faifoit un tout artificiel, qui n'avoit qu'une vérité d'imitation.

Elle change d'objet dans la Poëfie didactique. Elle fe propofe d'inftruire, de tracer les loix de la raifon, du bon fens, de guider les arts, d'orner & d'embellir la vérité, fans lui faire rien perdre de fes droits. Ce genre eft une forte d'ufurpation que la poëfie a faite fur la profe.

Le fonds naturel de celle-ci eft l'inftruction. Comme elle eft plus libre dans fes expreffions & dans fes tours, & qu'elle n'a point la contrainte de l'harmonie poëtique, il lui eft plus aifé de rendre nettement les idées, & par conféquent de les faire paffer telles qu'elles font, dans

l'efprit de ceux qu'on inftruit. Auffi les récits de l'Hiftoire, les Sciences, les Arts, font ils traitez en profe. La raison en eft fimple quand il s'agit d'un fervice important, on en prend le moyen le plus sûr & le plus facile : & ce moyen, en fait d'inftruction, eft fans contredit la profe.

:

Cependant, comme il s'eft trouvé des hommes qui réuniffoient en même tems & les connoiffances, & le talent de faire des vers ; ils ont entrepris de joindre dans leurs ouvrages ce qui étoit joint dans leur perfonne, & de revêtir de l'expreffion & de l'harmonie de la poëfie, des matieres qui étoient de pure doctrine. C'est de-là que font venus les Ouvrages & les Fours d'Héfiode, les Sentences de Théognide, la Thérapeutique de Nicandre, la Chaffe & la Pêche d'Oppien, & pour parler des Latins, les poemes de Lucréce fur la Nature, les Géorgiques de Virgile, la Pharfale de Lucain, & quelques autres.

Mais dans tous ces ouvrages il n'y a de poëtique que la forme. La matiere étoit faite; il ne s'agiffoit que de la revêtir. Ce n'eft point la fiction qui a fourni

QUATRIEME SECTION,

DE LA POESIE DIDACTIQUE.

ON a vû jufqu'ici la Poëfie regner dans

la fiction comme dans fon domaine. Uniquement occupée de plaire & de toucher, elle ne travailloit que fur les actions & les paffions humaines : & pour en faire des tableaux plus intéreffans, elle choififfoit les traits felon fes caprices, & en faifoit un tout artificiel, qui n'avoit qu'une vérité d'imitation.

Elle change d'objet dans la Poëfie didactique. Elle fe propofe d'inftruire, de tracer les loix de la raifon, du bon fens, de guider les arts, d'orner & d'embellir la vérité, fans lui faire rien perdre de fes droits. Ce genre eft une forte d'ufurpation que la poëfie a faite fur la profe.

Le fonds naturel de celle-ci eft l'inf truction. Comme elle est plus libre dans fes expreffions & dans fes tours, & qu'elle n'a point la contrainte de l'harmonie poëtique, il lui eft plus aifé de rendre nettement les idées, & par conféquent de les faire paffer telles qu'elles font, dans

:

l'efprit de ceux qu'on inftruit. Auffi les récits de l'Hiftoire, les Sciences, les Arts, font-ils traitez en profe. La raifon en eft fimple quand il s'agit d'un fervice important, on en prend le moyen le plus sûr & le plus facile : & ce moyen, en fait d'inftruction, eft fans contredit la profe.

Cependant, comme il s'eft trouvé des hommes qui réuniffoient en même tems & les connoiffances, & le talent de faire des vers ; ils ont entrepris de joindre dans leurs ouvrages ce qui étoit joint dans leur perfonne, & de revêtir de l'expreffion & de l'harmonie de la poëfie, des matieres qui étoient de pure doctrine. C'est de-là que font venus les Ouvrages & les Fours d'Héfiode, les Sentences de Théogni

de,

la Thérapeutique de Nicandre, la Chaffe & la Pêche d'Oppien, & pour parler des Latins, les poemes de Lucréce fur la Nature, les Géorgiques de Virgile, la Pharfale de Lucain, & quelques autres.

Mais dans tous ces ouvrages il n'y a de poëtique que la forme. La matiere étoit faite; il ne s'agiffoit que de la revêtir. Ce n'eft point la fiction qui a fourni

c'eft la vérité même. Auffi l'imitation ne porte-t-elle fes regles que fur l'expreffion. C'eft pourquoi le poëme didactique en général peut fe définir : La vérité mise en vers: & par oppofition, l'autre fpece de poëfie : La fiction mife en vers. Voilà les deux extrémitez: le didactique pur, & le poëtique pur.

&

Entre ces deux extrêmes il y a une infinité de milieux, dans lefquels la fiction & la vérité fe mêlent & s'entr'aident mutuellement ; & les ouvrages qui s'y trouvent renfermez font poëtiques, ou didac tiques, plus ou moins, à proportion qu'il y a plus ou moins de fiction ou de vérité, Il n'y a prefque point de fiction pure, même dans les poëmes proprement dits: réciproquement il n'y a prefque point de vérité fans quelque mélange de fiction dans les poemes didactiques. Il y en a même quelquefois dans la profe. Les interlocuteurs des dialogues de Platon, ceux des livres philofophiques de Cicéron font feints; & le caractère foutenu de leur élocution eft de foi poëtique. Il en eft de même des difcours dont Tite-Live a embelli fon Hiftoire. Ils ne font guères plus vrais que ceux de Junon ou d'Enée

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