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Vous n'écrivez que pour écrire :
C'eft pour vous un amufement.
Moi, qui vous aime tendrement,
Je n'écris que pour vous le dire.

Il y a de l'efprit dans ce madrigal; mais il n'y en a qu'autant qu'il en faut pour af faifonner le fentiment: le tour eft délicat, il eft fimple, il est doux. C'est tout ce qu'on peut fouhaiter dans un madrigal bien fait.

Le Sonnet eft un poëme de quatorze vers, qui demande tant de qualitez, qu'à peine entre mille, on peut en trouver deux ou trois qu'on puiffe louer. Defpréaux dit que le Dieu des vers

Lui-même en mefura le nombre & la cadence,
Défendit qu'un vers foible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déja mis osât s'y remontrer.

Voilà pour la forme naturelle du Son

net.

Il y a outre cela la forme artificielle, qui confifte dans l'arrangement & la qualité des rimes le même Defpréaux l'a exprimée fort heureufement: Apollon:

Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille,
La rime avec deux fons frappât huit fois l'oreille,
Et qu'enfuite fix vers artiftement rangez

Fuffent en deux tercets par le fens partagez.

Le tercet commence par deux rimes femblables, & l'arrangement des quatre derniers vers eft arbitraire.

Le Sonnet de Des-Barreaux eft fi fameux, qu'il doit naturellement être cité pour exemple :

1. Quatrain.

Grand Dieu, tes jugemens font remplis d'équité.
Toujours tu prends plaifir à nous être propice.
Mais j'ai tant fait de mal que jamais ta bonté
Ne me pardonnera qu'en bleffant ta justice.

2. Quatrain.

Oui, Seigneur, la grandeur de mon impiété
Ne laiffe à ton pouvoir que le choix du fupplice.
Ton intérêt s'oppose à ma félicité,

Et ta clémence même attend que je périffe.

1. Tercet.

Contente ton défir, puifqu'il t'eft glorieux:
Offenfe-toi des pleurs qui coulent de mes yeux :
Tonne, frappe, il eft tems, rends-moi guerre pour guerre.

2. Tercet.

J'adore en périffant la raison qui t'aigrit.

Mais deffus quel endroit tombera ton tonnerre,
Qu'il ne foit tout couvert du fang de Jesus-Christ?

Ce poëme eft d'une très-grande beau

té. On y voit une chaîne d'idées nobles, exprimées fans affectation, fans contrainte, & des rimes amenées de bonne

grace.

C'est la naïveté qui fait le caractêre du Rondeau, il admet les tours gaulois, qui femblent conferver encore cet air rond & fans façon que nous fuppofons volontiers à nos peres, parce que nous nous croyons plus fins qu'eux.

Le Rondeau eft compofé de treize vers avec deux refrains. Les vers font fur deux rimes, huit mafculines & cinq féminines, ou fept mafculines & fix féminines. Le premier refrain eft après le huitiéme vers, & le dernier après le treizième. Outre cela il y a un repos néceffaire après le cinquième vers. Voilà le tecnique, le méchanique du Rondeau. En voici un exemple, qui contient ces regles mêmes. Ma foi c'est fait de moi : car Ifabeau

M'a conjuré de lui faire un Rondeau :

Cela me met en une peine extrême.

Quoi treize vers, huit en eau, cinq en éme !
Je lui ferois auffitôt un batteau.

En voilà cinq pourtant en un monceau.
Faifons-en huit en invoquant Brodeau,
Et puis mettons par quelque ftratagême,
Ma foi c'est fait.

Si je pouvois encor de mon cerveau

Tirer cinq vers, l'ouvrage feroit beau.
Mais cependant me voilà dans l'onzième,
Et fi je crois que je fais le douzième.
En voilà treize ajustez au niveau.
Ma foi c'est fait.

Le refrain doit être toujours lié avec la penfée qui précéde, & en terminer le fens d'une maniere naturelle : & il plaît 'furtout, quand, repréfentant les mêmes mots, il préfente des idées un peu différentes, comme dans celui-ci de Malleville.

Coëffé d'un froc bien rafiné,
Et revêtu d'un Doyenné
Qui lui rapporte de quoi frire,
Frere René devient Meffire,
Et vit comme un déterminé.
Un Prélat riche & fortuné
Sous un bonnet enluminé,
En eft, s'il le faut ainsi dire,
Coiffe.

Ce n'eft pas que frere René

D'aucun mérite foit orné;

Qu'il foit docte, qu'il fache écrire;

Ni qu'il dife le mot pour rire:

Mais c'est seulement qu'il eft né

Coëffé.

Le Triolet eft une efpece de Rondeau, dont la beauté confifte dans le retour de

la même pensée pour faire partie d'une autre pensée.

Le premier jour du mois de Mai
Fut le plus heureux de ma vie.
Le beau deffein que je formai,
Le premier jour du mois de Mai!
Je vous vis & je vous aimai.
Si ce deffein vous plût, Silvie,
Le premier jour du mois de Mai
Fut le plus heureux de ma vie.

Ranchin.

Rien n'est fi doux ni fi naïf. Cependant les regles font dures & aufteres ; & c'est-là ce qui en fait le mérite.

de

Après avoir traité tous les genres poëfie & leurs efpeces, feroit-il hors de propos d'imiter ici la conduite de quelques-uns de nos hiftoriens modernes, qui après avoir dreffé & exécuté leur récit felon les regles de l'art, offrent au lecteur curieux les piéces juftificatives de ce qu'ils ont raconté ? Les titres originaux de tous les beaux Arts font dans la nature. Mais il n'eft point d'auteur qui en ait fait un extrait plus fidéle & plus précis qu'Ho race dans fon Art poëtique. Tout le monde en convient. Čet ouvrage eft regardé généralement comme le code de la raifon

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