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lieu, le nom de celui qui l'avoit élevé, le tems, &c.

Il fuffifoit alors, comme il fuffit encore aujourd'hui, que les infcriptions renfermaffent un fens jufte, clairement & fimplement exprimé, & furtout en peu de mots; c'est-à-dire, qu'on fe contentoit d'exprimer feulement les principales idées, & qu'on omettoit celles qui pouvoient fe fuppléer. Celle que le roi de Pruffe a fait mettre fur un hôtel d'Invalides, qu'il vient de bâtir à l'imitation de celui de Louis le grand, a le vrai caractere de ces infcriptions anciennes : Lafo militi & invicto, Au guerrier bleffé, & non vaincu. Cette infcription eft juste, naturelle, préfente un beau fens, & ne le préfente qu'à demi.

Il nous en refte encore un grand nombre qui ont une partie de ce caractere, dans un recueil connu fous le nom d'Anthologie. C'eft une collection dûe à Maxime Planude, le même qui dans le quatorziéme fiécle donna un recueil de fables, fous le nom d'Efope. Leur fimplicité fit dire autrefois à Racan, à propos d'un potage infipide qu'on lui avoit fervi après la lecture de l'Anthologie, que

c'é

toit un potage à la greque. Ce mot fit fortune chez bien des gens, qui condamnerent la plupart des infcriptions greques, par l'endroit même qui en faifoit le prix. Il y a encore aujourd'hui des gens qui prétendent tourner les Grecs en ridicule fur cet article ; comme fi ce pouvoit être une honte de ne point exceller dans les pointes; ou qu'on pût raifonnablement foupçonner ceux qui ont poffédé, par excellence, la fineffe de l'efprit, ce que les autres nations appelloient le fel attique, de n'avoir pû aiguifer une penfée, s'ils avoient crû que ce fût un grand mérite. C'en feroit un, qu'ils pourroient fe l'attribuer encore avec justice. Souvent quand nous blâmons leurs épigrammes, nous ne favons pas tout ce qu'il faudroit favoir pour en bien juger. Rien ne dépend de fi peu de chofe qu'un bon mot. Et combien y en a-t-il parmi les nôtres, dont la finesse échappe aux étrangers?

Les Latins ont eu auffi leurs Epigrammatistes. Catulle en a fait un affez grand nombre, parmi lefquelles il n'y auroit pas de choix à faire, fi l'épigramme se

& qu'elle n'exigeât point l'honnêteté & la décence. Martial en a donné un recuei fort ample, fur lefquelles il a porté lui-même le jugement qui fuit: (a)

De mes épigrammes les unes

Sont bonnes, les autres communes,

Beaucoup ne valent rien : tant pis, mais francheme ne Je m'en rapporte au plus habile:

En ce genre il eft difficile

De faire un volume autrement.

́M, de la Monnoye.

Catulle eft plus doux, plus aifé, plus naïf. Martial eft plus vif, plus fort & plus ferré.

Nous n'avons guères de poëtes françois qui n'aient fait quelques épigrammes. On eftime celles de Marot, de S. Gelais, de Gombaut, fur-tout pour la naïveté. Celles des autres auteurs font dans le genre gracieux ou fatirique, felon le génie & le caractère de ceux qui les ont faites, ou felon l'occafion qui leur a donné matiere. On les nommera à mesure

Ex Lib. primo.

(a) Sunt bona, funt quædam mediocria, funt mala plura, Quæ legis hic: aliter non fit, Avite, liber.

qu'on citera leurs vers. Il s'agit maintenant d'expliquer la nature de l'Epigramme, de dire quelles font fes parties, fes qualitez effentielles.

I I.

Ce que c'eft que l'Epigramme.

Il y a des auteurs qui ont défini l'Epigramme, une pensée ingénieufe. Le terme ingénieux ne nous paroît pas d'une affez grande étendue, pour renfermer toutes les efpeces d'épigrammes; parmi lefquelles il y en a un grand nombre, où cet efprit que défigne le mot ingénieux ne fe trouve point: par exemple, celle-ci de Maynard:

Las d'efpérer & de me plaindre

Des Mufes, des Grands, & du Sort,
C'eft ici que j'attends la mort,

Sans la défirer, ni la craindre.

Cette penfée, ou plûtôt ce fentiment ainfi exprimé, eft une vraie épigramme, Cependant elle n'a point ce pétillant, ces étincelles qui fe trouvent dans ce qu'on appelle une penfée ingénieufe.

Nous définirons donc l'Epigramme, une penfée intéreffante, préfentée heureufement & en peu de mots.

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Sa matiere eft d'une très-grande étendue: elle s'éleve à ce qu'il y a de plus noble dans tous les genres: elle s'abaiffe à ce qu'il y a de plus petit: elle loue la vertu, cenfure le vice, venge le public des impertinences d'un fat, ou d'un fot, &c. Il femble cependant qu'elle fe trouve beaucoup mieux dans les genres fimples ou médiocres, que dans le genre élevé, parce que fon caractère eft la liberté & l'aifance.

pen

L'Epigramme a néceffairement deux parties; l'une qui eft l'expofition du fujet, de la chofe qui a produit, ou occafionné la pensée; & l'autre qui eft la fée même, ce qu'on appelle la pointe, c'eft-à-dire ce qui pique le lecteur, qui l'intéreffe. L'expofition doit être fimple aifée, claire; & la pensée, libre par ellemême, & par la maniere dont elle eft tournée. Ces qualitez feront expliquées néceffairement en expliquant la définition.

L'Epigramme eft une penfee, ce mot ne comprend pas feulement les idées, les jugemens, les raisonnemens, mais encore les fentimens. L'épigramme de Maynard que nous venons de citer, en est un exemple. En voici une autre de Martial

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