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C'est même cet efprit qui eft une des principales différences qu'il y a entre la Satire & la Critique. Celle-ci n'a pour objet que de conferver pures les idées du bon & du vrai dans les ouvrages d'efprit & de goût, fans aucun rapport à l'auteur, fans toucher ni à fes talens, ni à rien de ce qui lui eft perfonnel. La Satire au contraire cherche à piquer l'homme même, & fi elle enveloppe le trait dans un tour ingénieux, c'eft pour procurer au lecteur le plaifir de paroître n'approuver que l'efprit.

Quoique ces fortes d'ouvrages foient d'un caractère condamnable, on peut cependant les lire avec beaucoup de profit. Ils font le contrepoifon des ouvrages où regne la moleffe. On y trouve des principes excellens pour les mœurs, des peintures frappantes, qui réveillent. On y rencontre de ces avis durs, dont nous avons befoin quelquefois, & dont nous ne pouvons guères être redevables qu'à des gens fâchez contre nous. Mais en les lifant, il faut être fur fes gardes, & fe préferver de l'efprit contagieux du poëte, qui nous rendroit méchans, & nous feroit perdre une vertu, à laquelle tient notre bonheur,

I V.

La forme de la Satire.

La forme de la Satire eft affez indifférente par elle-même. Tantôt elle eft épique, tantôt dramatique, le plus fouvent elle eft didactique. Quelquefois elle porte le nom de difcours. Quelquefois celui d'épître. Toutes ces formes ne font rien au fond. C'eft toujours Satire, dès que c'eft l'efprit d'invectives qui l'a dicté. Lucilius s'eft fervi quelquefois du vers ïambique. Mais Horace ayant toujours employé l'hexametre, on s'eft fixé à cette efpece de vers. Juvenal & Perfe n'en ont point employé d'autres : & nos Satiriques François ne fe font fervis que de l'alexan

drin.

ས.

Caractères des Poëtes fatiriques.

LUCILI U S.

Caius Lucilius né à Aurunce ville d'Italie, d'une famille illuftre, tourna fon talent poëtique du côté de la Satire. Comme fa conduite étoit fort réguliere, & qu'il aimoit, par tempérament, la décen

ce

ce & l'ordre, il fe déclara l'ennemi des vices. Il déchira impitoyablement, entr'autres, un certain Lupus, & un nominé Mutius, genuinum fregit in illis. Il avoit compofé plus de trente livres de fatires dont il ne nous refte que quelques fragmens. Mais à en juger par ce qu'en dit Horace, c'eft une perte que nous ne devons pas fort regretter. Son ftyle étoit diffus, lâche, fes vers durs : c'étoit une eau bourbeuse qui couloit, ou même qui ne couloit pas, comme dit Jules Scaliger. Il eft vrai que Quintilien en a jugé plus favorablement. Il lui trouvoit une. érudition merveilleufe, de la hardieffe, de l'amertume, & même affez de fel. Mais Horace devoit être d'autant plus attentif à le bien juger, qu'il travailloit dans le même genre; que fouvent on le comparoit lui-même avec ce poëte; & qu'il y avoit un certain nombre de Savans qui, foit par amour de l'antique, foit pour fe diftinguer, foit en haine de leurs contemporains, le mettoient au - dessus de tous les autres poëtes. Si Horace eût voulu être injufte, il étoit trop fin & trop prudent, pour l'être en pareil cas. Et ce qu'il dit de Lucilius eft d'autant plus vrai

femblable, que ce poëte vivoit dans le tems même où les Lettres ne faifoient que de naître en Italie. La facilité prodigieufe qu'il avoit n'étant point reglée, devoit néceffairement le jetter dans le défaut qu'Horace lui' réproche. Ce n'étoit que du génie tout pur, & un gros feu plein de fumée.

HORACE.

Horace profita de l'avantage qu'il avoit d'être né dans le plus beau fiécle des Lettres latines. Il montra la Satire avec toutes les graces qu'elle pouvoit recevoir, & ne l'affaifonna qu'autant qu'il le falloit pour plaire aux délicats, & rendre méprifables les méchans & les fots.

Sa Satire ne préfente guères que les fentimens d'un philofophe poli,qui voit avec peine les travers des hommes ; & qui quelquefois s'en divertit. Elle n'offre le plus fouvent que des portraits généraux de la vie humaine. Et fi de tems en tems elle donne des détails particuliers, c'est moins pour offenfer qui que ce foit, que pour égayer la matiere, & mettre, ainfi que nous l'avons dit, la morale en action. Les noms font prefque toujours feints.

S'il y en a de vrais, ce ne font jamais que des noms décriez, & de gens qui n'avoient plus de droit à leur réputation. En un mot le génie qui animoit Horace n'étoit ni méchant, ni mifantrope; mais ami délicat du vrai, du bon, prenant les` hommes tels qu'ils étoient, & les croyant plus fouvent dignes de compaffion ou de rifée que de haine.

Le titre qu'il avoit donné à fes fatires & à fes épîtres, marque affez ce caractère. Il les avoit nommez Sermones, Difcours, Entretiens, Réflexions faites avec des amis, fur la vie & les caractères des hommes. Il y a même plufieurs Savans qui ont rétabli ce titre comme plus conforme à l'efprit du poëte, & à la maniere dont il préfente les fujets qu'il traite. Son ftyle eft fimple, léger, vif, toujours mo→ déré & paifible : & s'il corrige un fot, un faquin, un avare; à peine le trait peut-il déplaire à celui même qui en eft frappé.

Il y a des gens qui mettent la poëfie de fon ftyle, & la verfification de fes fatires, au niveau de celle de Virgile. Le ton en eft bien différent. Mais dans le fimple, ils prétendent qu'il n'y a rien de mieux fait, ni de plus fini. On y fent

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