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& non fur celui des formes. On les nom ma Satires, parce qu'elles font réellement un amas confus d'invectives contre les hommes, contre leurs defirs, leurs craintes, leurs emportemens, leurs folles joies, leurs intrigues.

Quilquid agunt b mires, votum, timor, ira, voluptas, Gaudia, difcurfus, noftri eft Farrago libelli. Juv. Sat. 1.

I I.

Définition de la Satire.

On peut donc définir la Satire une efpece de poëme dans lequel on attaque directement les vices des hommes.

Je dis une efpece de poëme ; après ce que nous avons dit fur la poëfie didactique, il eft évident que la Satire n'est qu'un difcours mis en vers: c'eft un portrait, & non un tableau.

Mais pour lever tous les doutes, examinons ce qu'on entend par un vrai Poëme. Si on donne ce nom à tout ce qui eft en vers, il est évident que la Satire est poëme. Mais tout le monde fait que cette partie ne fuffit pas: Tite-Live mis en vers ne feroit toujours qu'une hiftoire.

S'il fuffit pour être poëme qu'un ouvrage ait une certaine chaleur, plus ou moins

vive; la Satire fera poëme encore. Tous les auteurs fatiriques ont du feu. Mais tous les difcours d'éloquence feront aufsi de la poëfie.

Enfin fi on exige que le fond des chofes foit poëtique, c'est-à-dire, créé, feint, imaginé par le poëte, ou en tout, ou du moins en partie; la Satire alors n'eft pas poëme, au moins de la maniere dont le font l'apologue, l'églogue, la comédie, la tragédie, l'épopée.

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Selon Horace, pour être poëte il faut trois parties: un génie fécond & heureux, ingenium cui fit, c'eft ce génie qui fournit les chofes, qui crée les êtres poëtiles corps. Enfuite il faut une ame prefque divine, un fouffle qui anime ces êtres, qui leur donne la vie, cui mens divinior: & enfin une élocution poëtique, qui, comme nous l'avons dit, (a) doit être toujours élevée, & fupérieure à l'expreffion ordinaire profaïque, atque os magna fonaturum. Qu'on faffe l'application de ces trois qualitez au genre dont nous parlons, on y trouvera quelques morceaux à qui elles pourront convenir. toutes trois. Telles feront, par exemple,

la troifiéme & la quatrième de Juvenal. Mais la plupart des autres ne feront poëfie, que pour avoir paffé par la bouche d'un poète dans celle d'un orateur ce n'eût été que de la profe.

Nous avons ajouté que fon objet étoit d'attaquer les vices des hommes directement. C'est une des différences de la Satire avec la comédie. Celle-ci attaque les vices, mais obliquement & de côté. Elle montre aux hommes des portraits généraux, dont les traits font empruntez de différens modéles; c'eft au fpectateur à prendre la leçon lui-même, & à s'inf truire, s'il le juge à propos. La Satire au contraire va droit à l'homme. Elle dit : c'eft vous: c'eft Crifpin, un monftre dont les vices ne font rachetez par aucune vertu.

III.

Deux fortes de Satires.

Comme il y a deux fortes de vices, les uns plus graves, les autres moins : il y a auffi deux fortes de Satires, l'une qui tient de la tragédie: Grande Sophocleo carmen bacchatur hiatu: c'eft celle de Juvenal. L'autre eft celle d'Horace, qui tient de la Comedie: admiffus circum præcordia ludit.

Il y a des Satires où le fiel eft dominant, fel: dans d'autres c'est l'aigreur acetum : dans d'autres il n'y a que le fel, fal. Mais il y a le fel qui affaifonne, le fel qui pique, le fel qui cuit.

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Le fiel vient de la haine, de la mauvaife humeur, de l'injuftice: l'aigreur vient de la haine feulement & de l'humeur. Quelquefois l'humeur & la haine font enveloppez; & c'eft l'aigre-doux.

Le fel qui affaifonne ne domine point, il ôte feulement la fadeur, & plaît à tout le monde; il eft d'un efprit délicat. Le fel piquant domine & perce, il marque la malignité. Le cuifant fait une douleur vive, il faut être méchant pour l'employer. Il y a encore le fer qui brûle, qui emporte la piéce avec efcarre, & c'eft fureur, cruauté, inhumanité. On verra des exemples de toutes ces efpeces de traits fatiriques.

Il n'eft pas difficile après cette analyfe, de dire quel eft l'efprit qui anime ordinairement le fatirique. Ce n'eft point celui d'un philofophe, qui, fans fortir de fa tranquilité, peint les charmes de la vertu, & la difformité du vice. Ce n'eft

d'un beau zéle, veut réformer les hommes & les ramener au bien. Ce n'eft pas celui d'un poëte qui ne fonge qu'à fe faire admirer, en excitant la terreur & la pitié. Ce n'eft pas encore celui d'un mifantrope noir qui hait le genre humain, & qui le hait trop, pour vouloir le rendre meilleur. Ce n'eft ni un Héraclite qui pleure fur nos maux, ni un Démocrite qui s'en moque. Qu'est-ce donc ?

Il femble que dans le cœur du fatirique, il y ait un certain germe de cruauté enveloppé, qui fe couvre de l'intérêt de la vertu pour avoir le plaifir de déchirer, au moins, le vice. Il entre dans ce fentiment, de la vertu & de la méchanceté, de la haine pour le vice &, au moins, du mépris pour les hommes, du defir de fe venger, & une forte de dépit de ne pouvoir le faire que par des paroles : & fi par hazard les fatires rendoient meilleurs les hommes, il femble que tout ce que pourroit faire alors le fatirique, ce feroit de n'en être pas fâché. Nous ne confidérons ici l'idée de la fatire qu'en général, & teile qu'elle paroît réfulter des ouvrages qui ont le caractère fatirique, de la façon la plus marquée.

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