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bas. Bien faible encore était, à l'heure de son Ascension, le nombre de ceux qui voyaient en lui leur Seigneur et Maître. Mais la foi déposée dans les âmes de ces premiers élus était un trésor qu'ils firent valoir en banquiers habiles, et surent multiplier par le commerce apostolique. Transmis de génération en génération jusqu'au retour de l'Homme-Dieu, le précieux dépôt devait produire au Seigneur absent des intérêts toujours plus considérables. Il en fut bien ainsi, ô Winfrid, dans le siècle où vous apportâtes à l'Eglise le tribut de labeurs qu'elle réclame de tous ses fils à cette fin, quoique en des proportions différentes. Vos œuvres parurent bonnes et profitables entre toutes à la Mère commune; dans sa reconnaissance, prévenant la gratitude de l'Epoux lui-même, elle voulut vous appeler dès ce monde du nom nouveau sous lequel vous êtes maintenant connu dans les cieux.

Et, en effet, jamais richesses pareilles à celles que vous lui préparâtes, affluèrent-elles dans les mains de l'Epouse? Jamais l'Epoux apparut-il mieux et plus pleinement le chef du monde, qu'en ce huitième siècle où les princes francs, formés par vous à leurs grandes destinées, constituèrent la souveraineté temporelle de l'Eglise, et se firent gloire d'être, à côté du vicaire de l'Homme-Dieu, les lieutenants du Seigneur Jésus? Le Saint-Empire vous doit d'avoir été possible, ô Boniface. Sans vous, la France s'abîmait dans les hontes d'un clergé simoniaque, et périssait avant même d'avoir vu Charlemagne; sans vous, l'Allemagne restait aux barbares et à leurs dieux ennemis de toute civilisation et de tout pro

1. Apoc. 11, 17.

grès. Sauveur des Germains et des Francs, recevez nos hommages.

Devant la grandeur de vos œuvres, au souvenir des grands papes et de ces princes à la taille colossale dont la gloire relève de la vôtre en toute vérité, l'admiration égale en nous la reconnaissance. Mais pardonnez si, à la pensée des grands siècles, hélas ! si loin de nous, un retour sur nos temps amoindris vient mêler la tristesse aux joies de votre triomphe. Les pygmées qui s'admirent aujourd'hui parce qu'ils savent détruire et souiller, ne méritent sans doute que le mépris. Mais combien, à la lumière de votre politique sainte et de ses résultats, ô précurseur de la glorieuse confédération des peuples chrétiens, apparaissent malhabiles et coupables ces faux grands princes, ces hommes d'Etat de l'avant-dernier siècle, sottement admirés d'un monde qu'ils ont acheminé vers sa ruine! Les nations catholiques, s'isolant l'une de l'autre, ont dénoué les liens qui les groupaient autour du vicaire de l'Homme-Dieu; leurs princes, oubliant qu'ils étaient, eux aussi, les représentants du Verbe divin sur la terre, ont traité avec l'hérésie pour afficher leur indépendance à l'égard de Rome ou s'abaisser mutuellement. Aussi la chrétienté n'est plus. Sur ses débris, contre-façon odieuse du Saint-Empire, Satan dresse, à la honte de l'Occident, son faux empire évangélique, formé d'empiètements successifs, et reconnaissant pour première origine l'apostasie du chevalier félon Albert de Brandebourg.

Les complicités qui l'ont rendu possible ont reçu leur châtiment. Puisse la justice de Dieu être enfin satisfaite! O Boniface, criez avec nous miséricorde au Dieu des armées. Suscitez à

l'Eglise des serviteurs puissants comme vous le fûtes, en paroles et en œuvres. Venez de nouveau sauver la France de l'anarchie. Détruisez l'empire de Satan, et rendez à l'Allemagne le sentiment de ses vraies grandeurs avec la foi des anciens jours.

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'ESPRIT divin multiplie les secours sur la route de l'Eglise. Il semble vouloir nous montrer aujourd'hui que la puissance de son action ne doit point s'amoindrir avec les années; voici que douze siècles après sa venue, éclatent dans le monde les mêmes miracles de conversion et de grâces qui signalèrent son glorieux avènement du ciel en terre.

Norbert, qui porte en ses veines le sang des empereurs et des rois, s'est vu convier surnaturellement, dès le sein de sa mère Hadwige, à une noblesse plus haute; et cependant, trente-trois années d'une vie qui n'en doit guère compter plus de cinquante, ont été données par lui sans réserve aux plaisirs. Il est temps pour l'Esprit divin de hâter sa conquête. Un jour, dans un orage soudainement survenu, la foudre tombe au-devant du prodigue; elle le précipite de son cheval, et creuse un abîme entre lui et le but où le porte une soif inassouvie de vanités qui n'arrivent point à combler le vide de son cœur. Alors, au plus intime de son âme retentit la voix qu'entendit Saul sur le chemin de Damas : « Norbert, où vas-tu? » Et le miséricordieux dialogue continue entre Dieu et ce nouveau Paul: « Seigneur, que voulez-vous que je fasse? Eloigne-toi du mal, et fais le bien;

cherche la paix et poursuis-la'. » Vingt ans après, Norbert est au ciel, occupant parmi les pontifes un trône illustre, et rayonnant de l'éclat qui marque dans la patrie les fondateurs des grands Ordres religieux.

Quelle trace profonde, durant les années de sa pénitence, il a laissée sur terre! L'Allemagne et la France évangélisées, Anvers délivré d'une infâme hérésie, Magdebourg arraché par son archevêque aux dérèglements qui souillaient la maison de Dieu tant d'œuvres dignes de remplir une longue et sainte vie, ne sont point pourtant les plus beaux titres de Norbert à la reconnaissance de l'Eglise. Avant d'être appelé malgré lui aux honneurs de l'épiscopat, l'ancien hôte de la cour impériale avait choisi dans les forêts du diocèse de Laon, pour prier Dieu et châtier son corps, une solitude inhabitable. Mais bientôt Prémontré a vu ses marécages envahis par des multitudes; les plus beaux noms de la noblesse venaient demander au grand pénitent la science du salut. En même temps, Notre-Dame lui montrait l'habit blanc que ses disciples devaient revêtir; saint Augustin leur donnait sa Règle. Une famille nouvelle de Chanoines réguliers, la plus illustre, était fondée; ajoutant aux obligations du culte divin solennel les austérités de sa pénitence ininterrompue, elle dévouait également ses membres au service des âmes par la prédication et l'administration des paroisses.

Il fallait, dans l'Eglise de Dieu, ce complément à l'œuvre des moines qui avaient relevé, au siècle précédent, l'épiscopat et la papauté du servilisme féodal. Les moines, quoique n'excluant de leur

1. Psalm. xxxiii, 15.

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