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rareté et de leur ancienneté, les vrais littérateurs en ont un motif plus relevé : c'est le mérite intrinsèque de ces mêmes éditions, mérite qui leur donne plus de prix qu'aux éditions les plus récentes et les plus soignées quant à la partie typographique. Si vous aviez quelque doute là-dessus, je vous prierois de jetter les yeux sur mon Supplément à l'Histoire de l'imprimerie de Prosper Marchand, pag. 147 et suiv. de la deuxième édition de 1775. J'y prouve, par une multitude d'exemples auxquels il seroit facile d'en ajouter bien d'autres, que les premières éditions des auteurs sacrés et profanes, grecs et latins, sont souvent préférables aux plus récentes, à cause de la correction du texte; et mes preuves sont étayées du jugement des sçavants les plus distingués,

Une seule considération vous fera sentir le prix intrinsèque de ces premières éditions, et le degré d'estime qu'on ne peut leur refuser elles ont été données sur les manuscrits, avant que des éditeurs audacieux, sous prétexte de corriger les auteurs, eussent pris la licence d'altérer leurs textes, et de substituer ainsi leurs pensées à celles des écrivains de la Grèce et de l'Italie. Ce sont ces critiques téméraires qui ont défiguré les auteurs anciens au point qu'ils auroient eux-mêmes de la peine à se reconnoître dans les livres qui portent leurs noms; ce sont, dis-je, ces critiques qui donnent du prix et un prix très réel aux éditions antiques faites scrupuleusement sur les manuscrits, et qui mettent sous nos yeux les écrits des anciens, tels qu'ils sont sortis de leurs mains. Généralement parlant, ces premières éditions ont été tirées à petit nombre; on les a ensuite fait servir à la reliure des manuscrits, comme on avoit d'abord employé les manuscrits à relier les anciennes éditions. De là les uns et les autres sont devenus rares; mais, encore une fois, la rareté seule n'est pas ce qui nous fait rechercher avec tant d'activité ces éditions antiques; c'est leur mérite littéraire, leur valeur réelle quant à la correction des textes. Je sçais que ces premières éditions n'ont pas toutes ce mérite, et que l'on doit soigneusement distinguer celles qui

ont été faites sur de bons et anciens manuscrits, d'avec celles qui ne présentent que des copies serviles du premier manuscrit bon ou mauvais, tombé sous la main d'un éditeur ou d'un imprimeur peu instruits; je sçais que les éditions sorties de l'imprimerie de Fust et de Schoyffer à Mayence ont une valeur bien supérieure à celles de Strasbourg ou de Lyon; je sçais que les livres imprimés à Rome par Ulric Han sous la direction de Campanus doivent être appréciés plus que ceux de Swenheym et Pannartz, soignés par André d'Aleric; mais cette distinction à faire, supposant des connoissances peu ordinaires, il est toujours plus sûr d'accueillir, de conserver et de garder soigneusement toutes les éditions antiques, dans la crainte, en les perdant, de perdre avec elles les vrais textes, les textes authentiques des auteurs dont le temps a dévoré les manuscrits. S'il existe des curieux dont le goût peu raisonné ne leur fasse rechercher et chérir les premières éditions qu'à cause de leur rareté, il est à propos non de flatter leurs vues bornées, mais de les éclairer et de leur faire sentir le mérite réel et incontestable de ces monuments qu'ils n'ont estimés que par un principe peu réfléchi..

J'ai cru, Messieurs, devoir cette apologie à nos bibliophiles, dont quelques personnes peu éclairées ne cessent de fronder le goût pour ces antiquailles, comme elles les nomment, ignorant le mérite réel des anciens livres, et incapables de sentir le plaisir que goûte tout homme instruit à retrouver dans une édition antique le vrai texte, le texte original et très-clair d'un écrivain à qui des éditions récentes, joliment imprimées et enrichies de belles gravures, prêtent les phrases les plus barbares, les plus inintelligibles, et les plus propres à justifier l'aversion de certains prétendus littérateurs contre les langues grecque et romaine.

J'ai l'honneur d'être, etc.

L'abbé (Mercier) de ST. L*** (Léger ).

A Paris, le 26 octobre 1783.

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L'ACADÉMIE

LETTRE INEDIte de grosleY, RELATIVE AUX MÉMOIRES DE L'

DES SCIENCES, INSCRIPTIONS, BELLES-LETTRES, BEAUX-ARTS, ETC., NOUVELLEMENT ÉTABLIE A TROYES, EN CHAMPAGNE.

Troyes, 17 Janvier 1753.

J'ai oublié, cher ami, de vous parler dans ma dernière d'une petite affaire que la prolongation de votre séjour à Paris pourra vous mettre en état de terminer.

J'ai écrit au cousin sur le dessein que j'avois formé et la nécessité où je me trouvois de faire réimprimer nos Mémoires de l'Académie de Troyes. Je l'ai prié de m'envoyer pour cette seconde édition les additions qu'il peut avoir imaginées depuis la première (1). Je lui ai aussi parlé d'une planche gravée que je voudrois mettre en tête tant pour l'ornement que pour prévenir la friponnerie de l'imprimeur.

Je vous prie de lui reparler de tout cela, et d'essayer de tirer de lui pied ou aile.

De ma part, j'ai plusieurs bonnes choses à ajouter. Vous en jugerez par ceci que j'ai trouvé littéralement en beau grec dans les ouvrages d'un bon archevêque grec.

Le poil, dit-il, étant la marque distinctive de la bestialité, tout ce qui porte poil est plus ou moins bête, à proportion de ce qu'il en est plus ou moins fourni.

Or de tous les animaux le mouton est le plus fourni de poil. Donc le mouton est le plus bête de tous les animaux. Cet 'admirable raisonnement ne semble-t-il pas n'avoir passé par la tête de l'archevêque grec, que pour venir orner la dis

(1) Cette première édition parut en 1744 et la seconde en 1756, en deux volumes in-12; la troisième publication cut lieu en 1768, avec des augmentations, en un volume, aussi in-12.

sertation sur les moutons? (1). je vous en fais part avec de grosses larmes aux yeux.

Ne pourriez-vous pas escamoter quelque idée à M. le comte de Caylus, pour notre estampe? Il connoît et le sublime et la perfection de tous les genres: cette charité lui coûteroit

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Dans ce cas, après en avoir conféré avec le cousin (2), vous pourriez faire graver la planche sous vos yeux, pour venir à un petit in-12. Vous en feriez tirer les épreuves, et vous me la rapporteriez avec les épreuves (3).

J'arrange tout cela dans la supposition que vous devez encore passer quelque temps à Paris.....

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Si vous avez encore, mon cher citoyen, quelque crédit chez le ministre de l'intérieur, et vous devez y en avoir puisque le. citbyen Chaptal est votre collègue à l'Institut et que vos services et votre expérience doivent vous y rendre nécessaire, faites y remarquer dans cette refonte générale de l'instruction,

(1) Dans l'édition ci-jointe, cette dissertation à pour titre : Réflexions historiques, etc. ; v. p. 75, et à la page 79, le raisonnement de Synesius. (2) Ce cousin de Grosley était Lefebvre, neveu de la Motte Houdar, qui a fait l'article Gouverneur de la grande Encyclopédie.

(3) La deuxième édition, celle dont il s'agit ici, est ornée d'une estampe dont voici l'explication donnée par l'auteur:

. Momus est représenté appuyé sur une table, environné de livres et de « monuments antiques, pour exprimer l'agrément et la gaité que l'Académie a su répandre sur les sujets de l'antiquité les plus épineux. Devant « lui est un buste de Socrate, parce que la méthode de ce philosophe étoit ⚫ d'instruire en badinant. En haut, est une renommée tenant d'une main sa trompette, et de l'autre un médaillon où la lune est représentée dans son plein, avec la devise de l'Académie : sic fulget.

«

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qu'il importe de ne placer dans les dépôts de livres des grandes villes telles que Bordeaux, Toulouse, Lyon, Besançon, Dijon, etc., etc., que des bibliothécaires instruits, actifs et expéditifs; nous avons, par exemple, à côté de nous, le dépôt de Dijon, qui, outre les bibliothèques des bénédictins, des conseillers au Parlement et même des communautés qui étaient très considérables (je les ai toutes connues), mais surtout l'ancienne bibliothèque de Citeaux que les moines n'auront sûrement pas dissipés, parce qu'ils ne la fréquentoient pas, mais dans laquelle j'ai remarqué des monuments de l'imprimerie primitive dont les abbés d'Allemagne venant aux chapitres généraux faisoient cadeau à l'abbé; ces monuments sont inconnus et oubliés et ils demandent un quelqu'un qui en fît jouir le public.

Celui qui y est est un homme instruit, à ce que je crois; mais peu actif, peu bibliographe et peu communicatif. J'ai tenté depuis mon arrivée ici une correspondance avec lui, mais malgré toutes mes démarches je n'ai pu l'y déterminer.

Comme dans les bureaux et cartons des ministres il y a des renseignements demandés à chacun des professeurs et bibliothécaires par François de Neufchâteau, on devroit les consulter et ne placer dans les grands dépôts que ceux qui seront distingués par lui, et les plus faibles dans les bibliothèques moins intéressantes, il y en a même dans la quantité qui n'ont aucune aptitude que celle de la jouissance du traitement. Dans mon ancienne province, par exemple, celui de Vésoul a des dispositions, celui du Jura ne sait rien et ne convient pas à la place, quoique ces deux bibliothèques soient très peu conséquentes; celui de Besançon est un jeune homme actif, aimant les lettres et à s'instruire et docile aux leçons; je crois qu'il deviendra un très bon bibliothécaire, et je me fais un plaisir de lui indiquer les moyens et les sources de perfection, et il en profite; són dépôt est très intéressant et nombreux.

Il est temps que le gouvernement s'occupe des livres, car les rats et l'humidité en dévorent une quantité; je veux bien

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