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SERMON

POUR LE XIV DIMANCHE

APRÈS LA PENTECÔTE.

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SUR L'ÉLOIGNEMENT ET LA FUITE DU MONDE.

Dixit Jesus discipulis suis: Nemo potest duobus dominis servire; aut enim unum odio habebit, et alterum diliget; aut unum sustinebit, et alterum contemnet.

Jésus dit à ses disciples: Nul ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à celui-là et méprisera celui-ci. Saint Matthieu, chap. 6.

C'EST l'oracle de la vérité éternelle; et sans recourir à la foi, la raison seule nous fait assez comprendre qu'il n'est pas possible d'allier ensemble le service de deux maîtres ennemis l'un de l'autre, et qui n'ont pas seulement des intérêts différens, mais des intérêts et des sentimens tout opposés. Car, comme disoit l'Apôtre aux Corinthiens, qu'y a-t-il de commun entre la justice et l'iniquité, quel rapport de la lu

mière avec les ténèbres ? enfin, quelle société peut unir et concilier Jésus-Christ et Bélial? C'est aussi de là que les serviteurs de Dieu ont conclu qu'ils devoient renoncer au monde, et que plusieurs en effet se sont confinés dans les déserts, et ont passé toute leur vie dans un éloignement entier du monde. Ce n'est pas que le monde n'eût de quoi les flatter et de quoi les attacher. Combien d'entre eux, avant leur retraite, occupoient dans le monde les premières places, ou se trouvoient en état d'y parvenir? combien vivoient dans l'abondance et jouissoient de toutes les douceurs d'une opulente fortune? Mais, déterminés à servir Dieu, et voyant qu'ils ne pouvoient en même temps servir le monde, ils ont généreusement sacrifié tous les intérêts, tous les plaisirs, toutes les grandeurs du monde, et se sont dévoués au culte de Dieu dans le silence et l'obscurité de la solitude. Ce qui les y a portés encore plus fortement, c'est qu'en regardant le monde comme l'ennemi de leur Dieu, ils l'ont regardé comme leur propre ennemi, parce qu'ils savoient qu'en les détachant de Dieu et leur faisant perdre la grâce de Dieu, il les exposoit à toutes les vengeances divines et mettoit un obstacle invincible à leur salut. Or ce sont, mes chers Auditeurs, ces mêmes motifs qui doivent nous engager à la fuite du monde ; et ce point est d'une telle conséquence pour la sanctification de notre vie, que j'en

veux faire aujourd'hui tout le sujet de cet entretien. Esprit saint, vous qui tant de fois, par les lumières et la force de votre grâce, avez triomphé du monde, opérez dans nos cœurs les mêmes miracles, et faites-nous remporter par votre secours les mêmes victoires. Nous employons, pour l'obtenir, la médiation de cette Vierge que nous honorons comme votre épouse, et nous lui disons: Ave.

PRECHER la fuite du monde aux religieux et aux solitaires, c'est-à-dire à ceux qui, par l'engagement de leur état, sont déjà séparés du monde, c'est un sujet, Chrétiens, qui, par rapport à leur profession, pourroit n'être pas inutile, mais dont le fruit, comparé à celui que je me propose, n'auroit rien que de médiocre et de borné. C'est aux hommes du siècle, dit saint Ambroise, qu'il faut adresser cette morale, parce qu'elle est pour eux d'une utilité infinie, ou plutôt d'une souveraine nécessité : c'est, dis-je, à ceux qui, par l'ordre de la providence divine, sont appelés à vivre dans le monde; c'est à ceux qui, contre les desseins de Dieu, s'engagent d'eux-mêmes trop avant dans le monde. Aux premiers, parce que la même grâce de vocation qui semble les attacher au monde est celle qui les oblige de temps en temps à s'en éloigner; aux seconds, parce qu'étant de la manière que je le dis, dans le monde, il n'y a point pour

eux d'autre grâce que celle qui les en éloigne, ou, s'il m'est permis d'user de ce terme, que celle qui a la force et la vertu de les en arracher aux uns et aux autres, parce qu'à proportion qu'ils sont du monde, c'est cet esprit de retraite et de séparation du monde qui les doit sauver. Et voilà, mes chers Auditeurs, tout le plan du discours que j'ai à vous faire. Appliquez-vous, s'il vous plaît, à deux propositions que j'avance, et qui, sans rien confondre dans les devoirs de l'homme du monde et de l'homme chrétien, vont établir deux vérités importantes pour vous. Le monde au milieu duquel vous vivez a deux pernicieux effets : il nous dissipe et il nous corrompt. Il nous dissipe par la multitude et la superfluité des soins qu'il nous attire; et il nous corrompt par les occasions et les engagemens de péché où il nous jette. Nous devons donc prendre, pour nous garantir de ces deux désordres, le plus excellent moyen, qui est une sainte retraite, pratiquée et fidèlement observée dans chaque condition selon les règles de la prudence chrétienne, parce que c'est ainsi que nous éviterons et la dissipation du monde et la corruption du monde : la dissipation du monde qui nous empêche de vaquer à Dieu, et la corruption du monde qui nous fait perdre l'esprit de Dieu. Quel remède plus efficace contre l'un et l'autre, que de se retirer du monde et de le fuir? Je dis de s'en retirer

à certains temps, et autant qu'il est nécessaire pour nous recueillir et pour s'adonner aux exercices du salut; et je dis même de le fuir absolument et de n'y plus retourner, dès qu'il nous devient un sujet de scandale, et qu'il nous égare de la voie du salut. De s'en retirer à certains temps comme chrétiens, et de le fuir absolument comme pécheurs : de s'en retirer à certains temps comme chrétiens, afin qu'il ne nous fasse pas négliger les pratiques du christianisme en nous dissipant; et de le fuir absolument comme

pécheurs, afin qu'il ne nous conduise pas à la per

dition en nous corrompant. Mais que faisons-nous? A deux obligations si essentielles nous opposons, pour les éluder, deux prétextes : l'un fondé sur les soins temporels, et l'autre sur les engagemens de péché, que nous prétendons être inséparables de notre condition. Je m'explique. Parce qu'on vit dans une condition occupée des affaires du monde et continuellement exposée aux tentations du monde, on se figure cette retraite et cette fuite du monde, à quoi je viens vous exhorter, comme une chose impraticable, gémissant d'une part sous le joug du monde qui nous domine, et ne faisant d'ailleurs nul effort pour s'en délivrer. Or je soutiens que ces deux prétextes n'ont nul fondement solide, et dans la première partie je veux vous montrer que les occupations et les soins du monde ne peuvent jamais dispenser un homme chrétien

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