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deur, et que toute cette grandeur n'est que vanité, Universa vanitas. Comment cela? appliquez-vous toujours. Vanité par elle-même et en elle-même. Car qu'est-ce que cette grandeur dont on est idolâtre, et en quoi la fait-on consister? Du moins si c'étoit dans un mérite réel, si c'étoit dans une vigilance plus éclairée, dans un travail plus constant, dans l'accomplissement de toutes ses obligations, peut-être y auroit-il là quelque chose de solide; mais on est grand par la prédilection du prince et la faveur où l'on se trouve auprès de lui, par les respects et les honneurs qu'on reçoit du public, par l'autorité qu'on exerce et dont on abuse, par les priviléges et la supériorité du poste qu'on occupe et qu'on ne remplit pas, par l'étendue de ses domaines, par la profusion de ses dépenses, par un faste immodéré et un luxe sans mesure; c'est-àdire qu'on est grand par tout ce qui ne vient pas de nous et qui est hors de nous, et qu'on ne l'est ni dans sa personne ni par sa personne. Vanité dans les moyens qu'on est obligé d'employer à ce faux agrandissement, soit pour y réussir d'abord, soit ensuite pour s'y affermir. Examinons bien sur quels fondemens sont appuyées les plus hautes fortunes, et nous verrons qu'elles n'ont point eu d'autres principes et qu'elles n'ont point encore d'autre soutien que les flatteries les plus basses, que les complaisances les plus serviles, que l'esclavage et

la dépendance tellement qu'un homme n'est jamais plus petit que lorsqu'il paroît plus grand, et qu'il a, par exemple, dans une cour, autant de maîtres dont il dépend qu'il y a de gens de toute condition, dont il espère d'être secondé, ou dont il craint d'être desservi. Vanité dans la durée de cette grandeur mortelle et passagère. Il a fallu bien des années et presque des siècles pour bâtir ce superbe édifice; mais pour le détruire de fond en comble, que faut-il? un moment, et rien de plus. Moment inévitable, puisque c'est celui de la mort, à quoi toute la grandeur ne peut parer; moment d'autant plus prochain, qu'il s'est plus écoulé de temps avant qu'on ait pu venir à bout de ses desseins ambitieux; moment qui bientôt efface, nonseulement tout l'éclat de la grandeur, mais jusqu'à la mémoire du grand, et l'ensevelit dans un éternel oubli. Enfin, vanité par les changemens et les tristes révolutions où dès la vie même, et sans attendre la mort, cette grandeur est sujette. Combien de grands ont survécu et survivent en quelque sorte à eux-mêmes en survivant à leur grandeur! Combien ont entendu cette parole de notre évangile, si désolante pour une âme ambitieuse: Da huic locum;' donnez la place à cet autre, retirez-vous! De quel œil alors ont-ils regardé toute la fortune du siècle; et combien de fois, devenus

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et

sages, mais trop tard et à leurs propres dépens, se sont-ils écriés : Et ecce universa vanitas! Il est vrai que ces décadences ne sont pas universelles; mais elles ont été assez fréquentes et assez surprenantes pour ne pouvoir être là-dessus en assurance : et qu'est-ce que de vivre dans une pareille incertitude, toujours exposé aux caprices de l'un ou aux intrigues de l'autre, et toujours sur le penchant d'une ruine affreuse?

Or l'aveuglement de l'ambitieux est encore de ne faire à tout cela nulle attention, ou de n'en tenir nul compte, pourvu qu'il espère fournir la carrière qu'il s'est tracée et aller jusqu'au but qu'il a en vue. En vain le monde lui offre-t-il mille exemples de ce que je dis; en vain lui vient-il à l'esprit mille réflexions sur ce qui se passe devant lui et autour de lui; en vain entend-il parler et raisonner les plus sensés: il n'écoute que son ambition, qui l'étourdit à force de lui crier sans cesse, mais dans un autre sens que celui de l'Évangile, Ascende superius,' fais ton chemin et ne demeure pas. Telle place est-elle vacante par un accident qui devroit l'instruire et le refroidir; c'est ce qui l'aveugle plus que jamais, et ce qui l'anime d'une ardeur toute nouvelle. L'expérience de celui-ci ni le malheur de celui-là ne sont point une règle pour lui; il semble qu'il ait des gages certains

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de sa destinée, et qu'il doive être privilégié. Du moins il en veut faire l'épreuve, et il n'y a rien qu'il ne soit en disposition de tenter. Laissons-le donc à son gré courir dans la route où il s'engage, et s'y égarer. Pour nous, mes chers Auditeurs, suivant les lumières de la raison, et plus encore de la religion, profitons du divin enseignement que nous donne notre adorable maître : Discite a me quia mitis sum et humilis corde.' Voilà ce que nous devons apprendre de lui: à être humbles, et humbles de cœur. L'humilité rectifiera toutes nos idées. Elle nous fera chercher le repos où il est, je veux dire dans le mépris de tous les honneurs du siècle et dans une sainte retraite : Et invenietis requiem animabus vestris. Elle nous établira dans une grandeur solide, en nous élevant, par un renoncement chrétien, au-dessus de toute grandeur périssable. Ainsi elle corrigera l'aveuglement de notre esprit, et nous préservera encore d'un autre désordre de l'ambition, qui est d'être présomptueuse dans ses sentimens. Renouvelez votre attention pour cette seconde partie.

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DEUXIÈME PARTIE.

Je trouve la réflexion de saint Ambroise trèssolide et pleine d'un grand sens, quand il dit qu'un

I Matth. 11. a Ibid.

homme ambitieux et qui agit par le mouvement de cette passion dont il est dominé, doit être nécessairement ou bien injuste ou bien présomptueux. Bien injuste, s'il recherche des honneurs et des emplois dont il se reconnoît lui-même indigne; ou bien présomptueux, s'il se les procure dans la persuasion qu'il en est digne. Or il arrive très-peu, ajoute ce saint docteur, que nous nous rendions sincèrement à nous-mêmes cette justice, d'être persuadés et de convenir avec nous-mêmes de notre propre indignité. D'où il conclut que le grand principe sur lequel roule l'ambition de la plupart des hommes est communément la présomption ou l'idée secrète qu'ils se forment de leur capacité : et de là, Chrétiens, je tire la preuve de la seconde proposition que j'ai avancée. Car remarquez, s'il vous plaît, toutes les conséquences qui s'ensuivent de ce raisonnement, et que je vais développer. L'ambitieux aspire à tout et prétend à tout donc il se croit capable de tout. Il ne met point de bornes à sa fortune et à ses désirs: il n'en met donc point à l'opinion qu'il a de son mérite et de sa personne. Je m'explique. Qu'est-ce qu'un ambitieux ? c'est un homme, répond saint Chrysostôme, rempli de lui-même, qui se flatte de pouvoir soutenir tout ce qu'il croit le pouvoir élever; qui, selon les différens états où il est engagé, présume avoir assez de force pour se charger des

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