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C'était bien au peuple commerçant par excellence qu'il appartenait de découvrir cet admirable instrument, qui, permettant aux différentes nations de se comprendre, devint la base de la facilité des transactions; instrument dont ils ont propagé l'usage, non seulement sur les bords de l'Atlantique et dans le bassin méditerranéen, mais sur les rivages de la mer Rouge et de là dans l'Inde et la moitié du grand continent asiatique. Peut-être, parmi les différents modes de l'écriture égyptienne, les Phéniciens eurent-ils seulement le mérite d'avoir reconnu le meilleur; mais, en tout cas, ils l'ont tellement perfectionné, ils l'ont si bien débarrassé de ses entraves, qu'on peut à juste titre leur faire honneur d'une invention qui non seulement leur a procuré plus de gloire et de bénéfices que vingt batailles gagnées, mais qui après eux, avec des variantes dues au génie des différents peuples, est devenue et deviendra plus encore l'instrument par excellence des relations internationales.

Malheureusement les Phéniciens n'ont pas toujours porté dans leur immense domaine commercial des germes aussi féconds pour la civilisation. Issus de a fraction de la grande race kouschite qui, en Chaldée s'était mélangée avec les Touraniens, ils avaient perdu presque complètement les traditions spiritualistes de la famille de Noé, pour adopter, en bien des points, la religion touranienne dont le plus abject matérialisme formait la base. Ils introduisirent même plus tard, dans toutes leurs colonies, ce culte dégradant dont quelques-unes de leurs grandes cités syriennes étaient devenues les sanctuaires.

S'ils crurent à un Dieu unique, c'était un Dieu qui se confondait avec l'univers, dont l'univers était la substance et qui, par conséquent, était tout aussi adorable dans sa représentation matérielle que dans sa spiritualité. Or, la matérialité élant beaucoup plus facile à saisir que la spiritualité, leur culte se concentra de plus en plus sur la personnification des besoins de chaque jour, qu'ils fussent verlus ou vices, les uns devenant dans ce système aussi adorables que les autres; et la distinction entre les uns et les autres s'effaçant absolument, leur culte fut l'expression d'un pur matérialisme. Chaque ville importante donnait des noms particuliers à son grand dieu qui avait sa manifestation féminine et qui était aussi bien le dieu destructeur que le dieu créateur et conservateur; d'où la conséquence de l'adorer, non seulement dans les harmonies de la nature, mais dans ses bouleversements. Il en résultait encore que, si on le priait pour obtenir des biens de tout genre, on cherchait, par les plus horribles pratiques, à conjurer sa colère. De là des débauches sans nom, des orgies sacrées, d'épouvantables sacrifices humains où les parents immolaient, brûlaient leurs propres enfants. Non seulement Sidon, Tyr et les villes phéniciennes furent la proie de ce culte affreux, mais les colonies, et particulièrement Carthage, l'adoptèrent et le transmirent à leur tour. Les Grecs durent à Sidon le culte de leur Astoreth, déesse nature, qui devint chez eux Aphrodite et Cythérée en Italie. Le minotaure de Crète qui dévore les enfants, et Saturne mangeant sa progéniture sont des restes

de la religion phénicienne. Les Grecs empruntèrent aussi aux Phéniciens, sous le nom d'Hercule, leur grand dieu, leur Melkart, leur Baal, le dieu fort, le dieu protecteur de Tyr.

Quel art pouvait inspirer une religion parcille? Aucun! Il y eut de petits objets d'art dits phéniciens; et l'on en retrouve de nombreux et, parfois, de très intéressants vestiges, tant en Phenicie que. dans les colonies phéniciennes. Mais il n'y eut pas d'art phénicien proprement dit. Les produits assyriens se rencontrent côte à côle avec ceux de FÉgypte sur les marchés de la Phénicie; l'ouvrier phénicien, souvent très habile dans l'exécution, prit l'habitude de compléter par des détails empruntés à l'un des deux peuples voisins, les modèles qu'il avait puisés chez l'autre; et si parfois les Phéniciens ont essayé de meltre du leur dans les productions artistiques, il en est toujours résulté une atténuation des beautés qu'ils rencontraient, d'un côté comme de l'autre. En architecture, ce qui venait d'eux c'était le goût du massif. Leurs monuments étaient un assemblage imposant mais peu gracieux de monolithes; leurs objets d'art portaient les traces de leur culte, non pour les harmonies, mais pour les difformités, les monstruosités de la nature. Ce qu'on leur doit, ce qui forme leur principal titre artistique, c'est d'avoir été les intermédiaires, les vulgarisateurs de l'art. Ce style mélangé d'égyptien et d'assyro-chaldéen, ils l'ont porté dans leurs colonies, ils l'ont transmis aux peuples avec lesquels ils étaient en relations, notamment aux Grecs chez lesquels, trouvant un génie réel

lement artistique, cet art s'est épuré jusqu'à produire ce que l'antiquité a légué de plus parfait.

Si l'art proprement dit laissait beaucoup à désirer en Phénicie, l'art imitatif appliqué à l'industrie y était très cultivé et très honoré, moins pour l'art en luimême que pour l'aliment qu'il apportait aux transactions commerciales. Ainsi, la joaillerie phénicienne, les objets en bronze, armes ou autres, la poterie et la verrerie coloriées, le tissage et la teinture des étoffes, enfin, les objets en ivoire sculpté, n'avaient dans le monde ancien rien qui pût leur être comparé.

L'agriculture, et en particulier la viticulture, étaient aussi très en honneur chez les Phéniciens; mais l'exiguïté de leur territoire ne leur permettant pas de donner à l'une et à l'autre l'extension qu'ils ussent désiré, c'est surtout dans leurs colonies qu'ils les mettaient en pratique.

Initiateur partout, initiateur toujours, ce petit peuple, au territoire si restreint, transmit, on peut presque dire au monde entier, les notions de l'habileté maritime, du commerce, de l'écriture alphabétique, de l'art, de l'industrie et de l'agriculture. Il eût véritablement mérité le nom de bienfaiteur de l'humanité s'il n'avait en même temps propagé le plus effréné matérialisme dont l'histoire fasse mention.

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